[MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] >> François Debiesse, bonjour. >> Bonjour. >> Vous êtes président exécutif d'Admical, vous êtes également le président de la fondation de l'Orangerie que vous avez créée pour les clients de la banque privée de BNP Paribas. Alors, François Debiesse, comment expliquez-vous l'essor contemporain du mécénat d'entreprise? >> Alors, c'est vrai qu'il y a un véritable renouveau du mécénat d'entreprise puisque les derniers chiffres de l'étude du baromètre Admical mécénat d'entreprise ont montré que un beaucoup plus grand nombre d'entreprises étaient devenues mécènes et donnaient plus d'argent dans leur mécénat. Donc, ça veut dire certainement que l'entreprise va mieux. Mais, je pense que ce n'est pas la seule raison et peut-être même pas la plus importante. Ce qui me parait le plus important à souligner ici, c'est une, ce que je considère, comme une véritable révolution de fond dans la façon dont les entreprises considèrent leur rôle social. Une entreprise, traditionnellement, elle est faite pour exercer un métier, faire un business, le développer et gagner de l'argent. Ce qui est très nouveau dans la façon dont les entreprises conçoivent leur rôle dans la société, c'est qu'elles intègrent désormais le fait qu'elles ne peuvent plus se contenter d'exercer simplement leur métier et de bien le faire dans des conditions normales, éthiques, etc., mais qu'elles doivent aussi s'engager davantage dans la société, dans des tâches d'intérêt général et que cet engagement, il sera extrêmement utile à la société à un moment où les besoins sont criants, où les fractures sociales sont immenses, où les besoins de financement d'intérêt général sont de plus en plus importants. Donc, l'intérêt général, bien sûr, s'en portera mieux mais l'entreprise elle-même y trouvera également des bénéfices parce que l'engagement des collaborateurs, la fédération qu'il pourrait y avoir autour de projets d'intérêt général chez ces collaborateurs sera un plus pour l'entreprise. Une étude récente du CICP aux États-Unis a montré que les entreprises les plus engagées dans la vie de la société autour d'elles sont aussi celles qui se développent le plus et ce n'est pas par hasard. Quand une entreprise rajoute ce supplément d'âme dans la façon dont elle fonctionne dans la société, eh bien, elle peut embarquer ses collaborateurs, créer du lien entre eux, et au sein de son écosystème, manifester de façon significative qu'elle est capable de prendre en compte d'autres objectifs que celui un peu simple d'exclusivement gagner de l'argent. >> Admical a été créée en 1979, à l'époque où le mécénat d'entreprise n'existait pas en France. Qu'est-ce qui s'est passé depuis les années 80? >> Ça a été une longue évolution. Bon, je pense que le point majeur quand même à souligner c'est que par rapport à ce n'existait pas du début, eh bien aujourd'hui le mécénat existe, c'est extrêmement important, représente à la fois des sommes et des actions qui sont d'une importance fondamentale pour la société française, mais le fond de votre question est ailleurs. Je pense que dans les premières années, la motivation essentielle des entreprises qui s'engageaient dans le mécénat, elle était plutôt orientée vers l'extérieur, vers une forme de communication externe pour démontrer qu'une entreprise dans un système libéral ou capitaliste était capable aussi d'intégrer des considérations périphériques, d'ordre sociétal, et pas simplement de suivre des objectifs financiers. Cette approche de communication externe a été disons challengée notamment par les médias, un peu par les pouvoirs publiques aussi, sur les intentions véritables et le reproche de greenwashing a souvent été fait à des entreprises mécènes, les accusant de masquer leurs turpitudes entre guillemets derrière des intentions de bon apôtre exprimées dans le mécénat. Et donc, ces entreprises, elles ont bougé dans leur appréhension du mécénat et aujourd'hui leur préoccupation principale et leur volonté principale de communication, elle va être tournée vers l'interne parce que, ça rejoint ce que l'on disait tout à l'heure, elles ont pris conscience de ce rôle fédérateur, de ce rôle de lien que le mécénat pouvait apporter. L'engagement proposé aux collaborateurs va leur permettre effectivement d'exprimer une attente que l'on retrouve beaucoup aujourd'hui, notamment chez les jeunes collaborateurs. Une attente de sens, une proposition de l'entreprise pour faire autre chose que l'exercice du métier, et ça, c'est un facteur de lien formidable et comme vous le savez aujourd'hui, ce qui manque beaucoup à la société française, c'est précisément le lien. [AUDIO_VIDE] >> Sur le site d'Admical, il y a une rubrique qui s'appelle, à ne pas confondre avec, où on y distingue le mécénat de pratiques connexes qui sont la responsabilité sociale des entreprises, le sponsoring. Pourquoi faut-il distinguer tout ceci? Quelle est la spécificité du mécénat? >> Alors, je pense que ce n'est pas inutile effectivement de faire un peu de sémantique parce que c'est des concepts qui sont proches mais qui ne sont quand même pas les mêmes. Le plus global c'est incontestablement la RSE. La RSE, responsabilité sociale de l'entreprise, c'est la façon dont l'entreprise va exercer son métier, gérer ses collaborateurs, être en relation avec ses fournisseurs et ses clients, prendre en compte l'environnement, etc. Donc, la RSE, c'est un concept qui est autocentré, la responsabilité sociale, elle est autofocus sur l'entreprise. Le mécénat, il va s'intégrer dans la responsabilité sociétale qu'on a évoquée à plusieurs reprises depuis tout à l'heure, c'est-à-dire dans l'interférence que l'entreprise va avoir avec son environnement de société autour d'elle, non plus en elle mais autour d'elle, à la fois par son action financière, son mécénat, par l'engagement de ses collaborateurs, donc, le mécénat, il est au service d'une responsabilité de société qui dépasse, qui est plus large, qui n'est pas plus importante forcément, mais qui est plus large que la responsabilité sociale. Le distinguo entre mécénat et sponsoring, alors là, il est très simple, c'est une question de contrepartie et de prise en compte de l'intérêt général. Le mécénat est très largement désintéressé, les textes l'imposent. Le sponsoring n'est pas désintéressé. Un exemple très parlant, quand BNP Paribas sponsorise Roland-Garros, eh bien, en face du soutien financier apporté au tournoi, il y a des contreparties qui sont des places, de la présence au tournoi, etc. Donc, la fondation BNP Paribas qui n'a rien à voir avec Roland-Garros et le sponsoring, ce ne sont pas les mêmes personnes, pas les mêmes fonds dans le budget de l'entreprise. Quand la fondation s'engage, eh bien, elle le fait pour l'intérêt général et donc c'est vraiment une approche qui est complètement différente de celle du sponsoring. Donc, des concepts qui sont proches, on voit d'ailleurs, l'étude Admical récente l'a montré, que les entreprises mécènes, c'est aussi celles qui ont la RSE la plus construite, c'est aussi celles qui font du sponsoring largement. C'est une autre façon d'interagir avec la société autour d'elle, sur un sujet très populaire comme le sport par exemple, donc, une autre façon d'interagir. Il y a un ensemble d'outils au service de cette responsabilité de l'entreprise face à la société. >> Merci beaucoup François Debiesse pour ces éclairages sur le mécénat d'entreprise. Un mot de conclusion, peut-être? >> Si on devait avoir un mot de conclusion, je retiendrais ce mot de responsabilité sociétale de l'entreprise. Je pense que c'est un fait majeur aujourd'hui, à l'heure où beaucoup d'institutions traditionnelles, de lieux de structuration des personnes sont en crise au travers des périodes difficiles, l'école, les partis politiques, les églises, les syndicats, etc., aujourd'hui l'entreprise a un rôle fondamental à jouer dans l'encadrement, la structuration des personnes, leurs capacités d'engagement et ce rôle, elles ont de plus en plus envie de le jouer et ça je pense que c'est une évolution qui est majeure et qui sera extrêmement favorable pour la société dans l'avenir. [AUDIO_VIDE]