[MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] Bonjour Dominique Lemaistre. >> Bonjour Arthur. >> Vous êtes Directrice du mécénat à la Fondation de France. Vous gérez une équipe qui anime à la fois les programmes de financement de la fondation et gère les relations avec plus de 800 fondations abritées à la Fondation de France. Dominique Lemaistre, vous travaillez beaucoup dans des situations d'urgence. Vous travaillez aussi avec des personnes qui donnent sur le long terme. Quelle différence voyez-vous entre ces deux types de don? Quelle motivation motive les donateurs? >> Il y a une grande différence dans la mesure où lorsqu'on collecte des fonds à la suite d'une catastrophe naturelle ou d'une urgence dans le monde, les donateurs ne se manifestent que s'il y a une forte emprise médiatique sur le sujet. C'est très spectaculaire. Nous avons collecté 20 millions d'euros à la suite du tsunami puis 30 à la suite du tremblement de terre en Haïti. Aujourd'hui, le dernier typhon qui est passé en Haïti a provoqué des destructions plus importantes, moins de morts bien sûr mais des destructions physiques beaucoup plus importantes que le tremblement de terre à Port-au-Prince et dans la mesure où la presse n'en parle pas, nous n'avons presque rien collecté. Donc le don d'urgence est très émotionnel, là où le don dans le long terme répond plus à une réflexion à des arguments rationnels même si bien évidemment les gens qui font du développement dans cette profession manient des arguments émotionnels. Mais disons qu'un donateur qui donne régulièrement sur une cause sur le long cours en général réfléchit. Il n'est pas dans l'impulsion. [AUDIO_VIDE] >> Par rapport à un don effectué en direct, quel est l'intérêt pour un particulier de créer une fondation? >> C'est clairement le résultat d'un engagement plus important. Les donateurs qui créent une fondation d'ailleurs, il nous arrive souvent de voir arriver des particuliers qui ont une pratique du don assez régulière et intensive et qui viennent faire une fondation justement pour entériner cette pratique du don. La création d'une fondation suppose un engagement plus important, avec les deux facettes de la question d'ailleurs. La question d'engager un peu son ego, de temps en temps quand on donne son nom à cette fondation mais aussi avec la volonté d'aller voir plus loin, de voir le terrain soi-même, de regarder ce qui s'y passe, de regarder les effets de ce qu'on y produit avec son don. Bref, de s'engager dans le moyen et le long terme là où le don peut-être ponctuel et peut être révisé à chaque instant. >> Créer une fondation abritée, par exemple sous l'égide de la Fondation de France, quel intérêt ça a par rapport à lancer une grande fondation reconnue d'utilité publique? >> En faisant une fondation abritée on vient s'adosser à un opérateur qui est très spécialisé dans le domaine de la philanthropie et au fond, on mixte un peu les deux intérêts, c'est-à-dire que on a sa propre fondation. On garde la latitude de choisir les projets qu'on veut soutenir, de donner son nom à cette fondation, d'avoir la gouvernance qu'on veut et en même temps on vient rejoindre un collectif d'autres fondateurs donc on peut avoir des échanges. On peut demander des services, y compris sur le plan sociétal, à la maison mère. Bref, on se débarrasse entre guillemets des aspects administratifs tout en venant très simplement rejoindre des gens qui se préoccupent de même problèmes que vous. >> Dominique, depuis que vous travaillez à la Fondation de France, donc depuis la fin des années 80 vous avez dû observer des évolutions notables dans le paysage de la philanthropie en France. Quelles sont les trois principales évolutions que vous avez observées? >> En ce qui concerne les particuliers, les grands donateurs, ce que j'ai pu observé et ce que d'autres confirment, c'est que à la fin des années 80, au début des années 90 quand la philanthropie était encore très souterraine, on avait la plupart du temps affaire à des gens très âgés qui venaient créer des fondations ou faire des très gros dons à la fin de leur vie quand ils avaient fait face à tous leurs besoins à eux ou à ceux de leurs familles voire parce qu'il n'avaient pas d'enfant. Aujourd'hui, on voit des fondateurs beaucoup plus jeunes. Les cycles de fortune se sont raccourcis. Les fondateurs peuvent avoir 40, 50, 60 ans. Ils ont vendu leur entreprise. Ils ont gagné beaucoup d'argent. Ils ont de quoi faire face à la fois à leurs besoins personnels, à ceux de leurs familles et ils souhaitent faire de la philanthropie pour s'engager. Deuxième évolution notable, dans le champ des entreprises, dans les années 90, la philanthropie des grandes entreprises s'est organisée et ce qu'on voit aujourd'hui c'est des mailles d'entreprises plus petites faire du mécénat avec leur propriétaire. C'est très caractéristique des ETI dont les propriétaires font des fondations avec l'entreprise avec la volonté de mobiliser les salariés de l'entreprise en même temps que de s'engager soi-même. Dernière évolution, je pense que le don même si il peut encore être fait sous le coup de l'émotion, dans les urgences, on en a parlé ou dans d'autres domaines quand les causes sont très graves, criantes, le don devient plus rationnel. Les grands donateurs se rendent compte que l'État ne peut plus tout, que le secteur public s'affaiblit et que la société civile doit prendre ses responsabilités et un certain nombre de grands donateurs décident de s'engager. On voit bien que les causes pour lesquelles ils s'engagent, l'éducation ou la recherche sont des causes plus froides entre guillemets, plus raisonnées et c'est une caractéristique je crois de la nouvelle philanthropie. >> Dominique Lemaistre, un grand merci pour ces éclairages et pour votre contribution à notre MOOC sur la philanthropie. >> Merci à vous. [AUDIO_VIDE]