[MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] >> Bonjour Arnaud de Bruyn. >> Bonjour. >> Vous êtes professeur à l'ESSEC, professeur de marketing et spécialiste du fundraising auprès du grand public. Aujourd'hui, les particuliers donnent des milliards d'euros chaque année dans la plupart des pays développés. La question que je voudrais vous poser c'est comment les organisations qui collectent des dons s'y prennent-elles pour justement attirer ces donateurs? >> Il faut savoir qu'à la base, on ne collecte de l'argent principalement qu'auprès de gens avec lesquels on a déjà une relation. Il y a deux phases dans cette relation. Il y a la première phase qu'on appelle la prospection et la deuxième qui est la fidélisation. La prospection, on va essayer de louer des fichiers, de s'adresser à des personnes qui viendront des musées etc., pour les inviter à faire un premier don à l'association, et une fois que c'est fait, on va les rentrer dans un cycle de fidélisation qui va leur demander de manière régulière de continuer à soutenir l'association, la fondation etc. Il faut savoir que un des grands enjeux pour les associations aujourd'hui c'est de créer de nouvelles relations. Donc une des choses qu'ils vont faire, notamment avec leurs donateurs devenus inactifs, qui ont arrêté de donner, c'est d'échanger ces adresses inactives avec d'autres donateurs, d'autres associations. Si vous faites un don à une association et que quelques années plus tard vous commencez à recevoir des sollicitations de 10 ou 15 autres associations, c'est parce qu'ils ont échangé votre adresse. Ce n'est pas un système qui est idéal, tout le monde le sait, mais c'est à peu près le seul économiquement qui est viable, donc ils n'ont pas vraiment le choix. [AUDIO_VIDE] >> Concrètement, quels outils, quelles techniques utilisent ces organisations qui collectent des dons? Est-ce qu'il y a des innovations récentes, ou au contraire pouvez-vous nous rappeler les valeurs sûres? >> Pour les valeurs sûres, c'est relativement facile, il n'y en a pas, pour une raison toute simple. Si on se reprojette quelques années en arrière, notamment dans le milieu des magazines, on s'est rendu compte que ça coûtait beaucoup plus cher d'acquérir un nouvel abonné que de fidéliser un ancien. Donc qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont commencé à investir dans la relation pour s'assurer que les personnes n'allaient pas arrêter leur abonnement. Ils ont envoyé des radio-réveil, des offres promotionnelles etc. Ça a très bien marché. Quand on s'est rendu compte que ça marchait très bien, tout le monde l'a fait. Du coup, ça n'a plus marché du tout. En fundraising, c'est exactement la même chose, c'est-à-dire qu'on a des vagues successives d'innovations qui sont adoptées par les masses et qui du coup fonctionnent beaucoup moins bien. À une époque, on a eu le téléphone. On s'est rendu compte que collecter par téléphone, ça marchait très bien. Maintenant, ça marche beaucoup moins bien, c'est beaucoup moins rentable. On a créé la box. On s'est rendu compte que les gens par exemple n'ouvraient plus leur courrier, donc on a renvoyé les demandes de sollicitation dans des cartons. Et puis tout le monde l'a fait, et ça a marché beaucoup moins bien. On a fait ça avec des étiquettes personnalisées, des calendriers etc., et on se rend compte que c'est une course permanente à l'innovation qui finalement, à la fin, des valeurs sûres, en fait il n'y en a plus. [AUDIO_VIDE] >> Arnaud de Bruyn, à quoi ressemble d'après vous la collecte de dons du futur? >> Morcelée. En fait, c'est le mot clé. C'est-à-dire que les besoins sont de plus en plus importants, les investissements des gouvernements sont de plus en plus faibles, et les manières de collecter sont de plus en plus nombreuses. C'est-à-dire qu'on a de plus en plus de canaux. Aujourd'hui, il suffit d'avoir un compte Salesforce, Word et Excel, et vous êtes capable de faire de la collecte grand public. Donc ça va être excessivement compliqué demain à la fois de créer sa marque et ensuite de gérer les données, parce que les données vont être de plus en plus compliquées. Avant, on avait des donateurs qui donnaient par papier, et puis par téléphone, et puis par Internet. Ça devient déjà très compliqué à gérer. Demain, on va avoir des dons par SMS, on va avoir du crowdfunding, on va avoir des microdons à certains points de vente, on va avoir plein de choses comme ça. En termes d'impact sur le fundraising, ça va avoir deux rôles fondamentaux. Le premier rôle fondamental c'est que le rôle de la relation va être très important. Le premier capital que vous pouvez créer c'est la relation avec vos donateurs. Aujourd'hui, on reçoit des messages de partout, tout le temps, sous toutes les formes possibles et imaginables. Donc votre capacité à avoir un capital d'écoute de la part de vos donateurs, c'est le marketing relationnel va être essentiel. La deuxième partie, ça va être une partie plus technique qui est l'exploitation des données. Depuis 2013-2014 à peu près, il y a une explosion de l'utilisation du big data dans les entreprises. Ça va nécessairement arriver dans le domaine du fundraising. Je n'aime pas beaucoup le terme big data parce que les données ont toujours été big dans le fundraising. Mais par contre, quand on aura non plus deux canaux de collecte mais 14 et qu'on n'aura plus six opérations par an mais 50 opérations microsegmentées, c'est évident qu'on ne sera plus capable de générer ça de la manière dont on le fait aujourd'hui. Aujourd'hui, il y a des associations qui segmentent leur base de données en six groupes. D'ici quelques années, ce sera à peu près l'équivalent de la saignée au XVIe siècle d'un point de vue médical. C'est évident qu'on va devoir aller vers des choses plus professionnelles et plus systématiques. Donc un, créer des relations, investir sur le long terme dans le capital relations avec ces donateurs, c'est la seule manière dont ils vous écouteront. Et deuxièmement, de vous préparer à utiliser la multitude et la complexité des informations qui seront les vôtres. Parce que si vous ne le faites pas, d'autres le feront et ils le feront mieux que vous. >> Un grand merci, Arnaud de Bruyn, pour votre contribution à notre MOOC. >> Merci. [AUDIO_VIDE]