[MUSIQUE] [MUSIQUE] Je suis Ludovic Mathieu, je suis le Directeur Général d'Essilor France. Alors Essilor c'est une entreprise française, de presque 170 ans, qui est aujourd'hui le leader mondial de l'optique ophtalmique, c'est-à-dire de la fabrication de verres correcteurs, et on est présent dans à peu près 75 pays, et on distribue 500 millions de verres chaque année. Optique Solidaire s'inscrit dans une démarche beaucoup plus globale du groupe, parce que quand on est un fabricant de verres optiques, on a une responsabilité extrêmement importante dans le développement des populations à l'échelle mondiale, parce que le bien voir est étroitement lié au bien vivre. Donc, à l'échelle mondiale, on a eu beaucoup beaucoup de programmes, pour essayer de couvrir les 2,5 milliards d'individus qui sur Terre ont besoin de lunettes, et n'en ont pas encore. Pour lutter contre cette mauvaise qualité de vision, on ne peut pas le faire seul. Ce n'est pas le fabricant de verres de lunettes qui seul va le faire, donc on s'est dit, on aura besoin d'ophtalmologistes, on aura besoin d'opticiens. On aura besoin d'identifier les bénéficiaires, donc on aura besoin de complémentaires santé. On aura besoin de fabricants de lunettes, la monture. Et donc, on a porté le projet au départ, et puis rapidement on s'est rendu compte que cela ne devait être d'Essilor, cela devait être le projet de toute une filière. Et donc, l'idée d'une association est née, est née à ce moment-là, en se disant : comment est-ce qu'on peut bâtir autour d'un objectif commun, qui est d'améliorer l'accès à des lunettes de qualité pour tout le monde en France, on peut avancer collégialement? Le point de départ c'est qu'on a, en France, un fort renoncement aux soins, et aux équipements optiques, et que c'est évidemment pas satisfaisant pour l'industriel que nous sommes. Donc, en France, on a à peu près 8 millions de personnes qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Alors, on a un système de protection sociale assez efficace, avec notamment la CMU complémentaire qui permet de proposer à un certain nombre de personnes en France un équipement gratuit chaque année, pour qu'il puisse vivre normalement. Mais, il y a des effets de seuil qu'on a constaté, en l'occurrence, dès que vous dépassez ce seuil de la CMU complémentaire, vous êtes encore en situation de pauvreté, mais vous n'avez plus accès aux dispositifs protectifs. Donc, l'idée c'était vraiment de gommer ces effets de seuil et de faire en sorte que quand on est autour de entre 720 et 1 000 euros par mois, on puisse aussi avoir un accompagnement de la société, pour bien voir, et donc bien vivre. Donc, on s'est dit le premier effet de seuil, cela va être aux autour de ces personnes-là. Dans cette population-là, parce qu'il faut toujours partir petit pour ensuite se développer, on s'est rendu compte que, on a vu une population qui avait, si j'ose dire, une double peine, ce sont les plus âgés. Parce que les plus âgés vont d'une part avoir un besoin quasi systématique d'équipements optiques, d'équipements optiques complexes, enfin le verre progressif pour corriger la presbytie. Et dans le même temps, ils vont avoir des contrats auprès des complémentaires santé moins généreux. Donc, on s'est dit on va cibler les plus fragiles, qui souffrent d'effets de seuil, donc les personnes bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé, entre 700 et 1 000 euros, à peu près, et qui ont besoin d'un équipement verres progressifs. Pour cela, on a besoin de quoi? On a besoin de se centrer sur le parcours de cet individu. Le premier point, c'est l'ophtalmologiste. Parce que il faut consulter évidemment son médecin pour dépister un certain nombre de pathologies, et puis pouvoir connaître la réponse la plus appropriée. Donc, on est allé voir le syndicat des ophtalmologistes de France, et ils se sont engagés spontanément à recevoir dans un délai maximum de 3 mois ces bénéficiaires-là, et à ne pas prévoir de dépassements d'honoraires. Donc, il n'y a pas de dépassements d'honoraires, et un délai court assuré. Ensuite, on est allé voir les opticiens, en leur disant il faudrait également que vous puissiez accueillir, dans de meilleures conditions ces bénéficiaires-là. Et on a trouvé près de 600 opticiens qui nous ont dit : ça nous intéresse de nous engager dans la partie. Donc, ces opticiens, ils reçoivent sur rendez-vous, c'est-à-dire qu'ils se sont dit : comment est-ce que je peux utiliser, comment dire, les coûts fixes de mon magasin intelligemment, parce que j'ai souvent du personnel qui est, comment dire, staffé en quantité pour le samedi après-midi, parce que tout le monde va le samedi après-midi? En revanche, le jeudi soir, il n'y a personne dans le magasin. Donc, ils se sont dit, eh bien, si on passe sur une mécanique de rendez-vous, alors je suis prêt à jouer le jeu. De la même façon, on s'est dit on a besoin, on a besoin de montures de lunettes. Donc, on est allé voir des lunetiers français, et on leur a dit : est-ce que vous êtes prêts à fabriquer à coût marginal des produits? Ce qui permet à l'opticien d'avoir une collection réduite. La collection réduite permet d'éviter là aussi l'augmentation des coûts, parce que on part sur une collection de 11 ou 12 montures, qui est toujours la même et qui ne nécessite pas de stockage particulier. Et puis, côté, côté Essilor, on s'est engagé également de la même façon à stocker ces montures dans nos laboratoires, pour industrialiser le montage, qui est aussi un facteur de coût avec l'équipement optique. Et puis, à fabriquer également des dispositifs à coût marginal. Et enfin, la grande question, c'était la question de l'identification du bénéficiaire. Comment est-ce qu'on sait que la personne qui se présente chez l'ophtalmologiste ou chez l'opticien est, comment dire, dans cette tranche de population, cette tranche de revenus qui justifie qu'on l'accompagne davantage. Et pour cela, on a agi à 2 niveaux. La première, c'est qu'on est allé voir les mutuelles, les complémentaires santé. Il y en a 16 qui nous ont rejoint, puisque elles ont connaissance du statut de l'assuré, donc elles peuvent identifier ceux qui ont besoin de ce dispositif-là. Donc, cela c'est un marché assez important. Et voilà, il y en a 16 aujourd'hui dans l'association. Et puis, le deuxième c'était d'avoir un pass qui permet de se déplacer dans l'ensemble du, de la filière optique, de l'ophtalmo à l'opticien, en passant par la complémentaire santé. Et donc on est allé voir un émetteur de titre, en l'occurrence Sodexo, qui gracieusement, accepte sur le principe des tickets restaurant, des chèques déjeuner, d'émettre un bon optique. Ce bon optique, la complémentaire santé le déclenche, puisqu'elle connaît le besoin de son bénéficiaire. Il est envoyé à l'assuré, et l'assuré va voir son ophtalmo, son opticien et accepte comme cela, un équipement de qualité, avec une absence de reste à charge, un reste à charge maîtrisé. On a pu équiper 3 700 personnes. Les grandes dates de l'association : première réflexion 2008, début de la crise économique et financière. On travaille, on réfléchit. 2011, on fait un pilote, parce qu'il fallait se lancer un peu à petite échelle avant. Donc, on fait un pilote à Marseille, avec d'excellents résultats, 2012, fin 2012, on crée l'association, en mettant 4 collèges, collèges industriels avec lunetiers et verriers, collège complémentaire santé, collège opthalmo, collège opticien. Donc, on lance cette association avec Muhammad Yunus, et puis à partir de 2013, 2013, 2014, 2015, donc on se déploie. On a rapidement fait le choix d'une association, parce que si c'est une initiative qui est née d'abord chez Essilor, on était incapables évidemment de l'apporter seuls, parce qu'on est une petite partie de la filière, et on avait besoin de s'ouvrir évidemment aux autres parties prenantes, ophtalmologistes, opticiens, complémentaires santé. Donc, en fait, on est allé devant eux, en leur proposant une gouvernance autour de 4 collèges, qui représentent les 4 métiers. On est tous sur un pied d'égalité. Cela se fait de manière collégiale parce que au-delà du fait que tout le monde a la même part de voix. On est tous focalisés sur un objectif commun. L'objectif commun de lutter contre le mal voir et d'améliorer la situation des personnes qui n'arrivent pas aujourd'hui à accéder à un équipement de qualité, dans les contraintes de leur budget. Donc, à partir du moment où on met l'objectif au centre du jeu, à partir du moment où on se focalise sur le parcours client du bénéficiaire, eh bien la forme associative est la forme idéale, parce que, parce que tout le monde propose, tout le monde enrichit, tout le monde expérimente, c'est un formidable espace, c'est une formidable plateforme aussi de discussions, de découvertes, d'expérimentations, de meilleures connaissances des autres parties, donc c'est, je pense qu'il n'y avait pas d'autres formules. Alors, on aurait pu imaginer le faire via notre fondation, via les autres initiatives qu'on prend en France, mais on n'est pas dans le domaine caritatif là en l'espèce, on est dans le domaine de l'inclusive business. Donc, l'idée, c'était vraiment d'avoir quelque chose de dédié, quelque chose de dédié qui ne soit pas Essilor. Essilor ne le revendique pas. Il y a une charte de bonnes pratiques internes, qui fait qu'on n'en fait, personne n'en fait un usage commercial. C'est une action d'une filière, autour d'un objectif commun. [MUSIQUE]