[MUSIQUE] [MUSIQUE] Aujourd'hui, en France, selon l'INSEE, environ 8,5 millions de personnes vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Il ne s'agit donc plus d'une minorité, mais d'un phénomène de masse, pour lequel il convient d'inventer et de mettre en place des solutions de grande ampleur. Voici un défi considérable pour notre société, puisqu'en moyenne la richesse de la société sur ces 30 dernières années a augmenté. Il y a donc une contradiction et une difficulté majeure pour la résolution de ce problème, pour laquelle il faut innover et le faire à grande échelle. Nous l'avons vu, les partenariats entreprises associations peuvent justement permettre de développer ces solutions à grande échelle. Mais dans la pratique, beaucoup d'entreprises se concentrent sur la création de projets innovants et encore peu d'acteurs aident ces projets à passer l'étape délicate du changement d'échelle. Dans cette séquence, nous allons donc vous donner quelques pistes pour choisir le type de partenariat qui vous convient, puis nous partagerons avec vous les étapes clés pour mettre en place la forme d'alliance particulièrement adaptée au changement d'échelle. Je veux dire l'innovation sociétale. Tout d'abord, comment choisir le type de partenariat qui correspond le mieux à votre situation entre mécénat, pratique responsable, coopération économique et innovation sociétale? Eh bien, il n'y a malheureusement, ou heureusement, pas de réponse standard à cette délicate question. Tout dépend, bien sûr, des enjeux et des caractéristiques de chacune des parties prenantes, ainsi que du contexte dans lequel elles évoluent. On peut cependant souligner que pour une première coopération entre une entreprise et une association, le mécénat ou les pratiques responsables sont les portes d'entrées les plus accessibles. En effet, la coopération économique, et a fortiori, l'innovation sociétale touchent aux enjeux stratégiques de chacune des structures, et demandent donc des investissements très importants de la part des acteurs impliqués, qu'il s'agisse de temps ou de financement. La confiance que requièrent de tels partenariats est souvent loin d'être innée, et en fait se construit au fil du temps. Il faut d'abord apprendre à se connaître, à se comprendre, et à travailler ensemble. Il est donc souvent plus prudent d'amorcer une coopération par des formes de partenariats plus classiques et moins impliquantes, comme le mécénat ou les pratiques responsables. Et d'évoluer ensuite vers des formes de partenariats plus innovantes, une fois que l'on sent que le couple, le binôme fonctionne, et que les premiers partenariats ont porté leurs fruits. La nature du partenariat est également définie par la maturité des structures impliquées, et par leurs besoins. Ainsi, le soutien dont ont besoin les associations dépendra de l'étape à laquelle se trouve l'innovation sociétale qu'elles portent. Qu'est-ce qu'une innovation sociétale, ou une innovation sociale? Pour répondre à cette question, nous allons reprendre la définition qui figure dans la loi du 31 juillet 2014, sur l'économie sociale et solidaire. Je cite. Est considéré comme relevant de l'innovation sociale, le projet d'une ou de plusieurs entreprises consistant à offrir des produits ou des services présentant l'une des caractéristiques suivantes. Soit répondre à des besoins sociaux non ou mal satisfaits, que ce soit dans les conditions actuelles du marché ou dans le cadre des politiques publiques. Soit répondre à des besoins sociaux par une forme innovante d'entreprise, par un processus innovant de production de biens ou de services, ou encore par un mode innovant d'organisation du travail. Les procédures de consultation et d'élaboration des projets socialement innovants, auxquelles sont associés les bénéficiaires concernés par ce type de projet, ainsi que les modalités de financement de tels projets relèvent également de l'innovation sociale. Fin de citation. L'innovation sociale, c'est donc une solution nouvelle à un problème de société plus efficace et plus durable que les solutions existantes. Une réponse qui marche. Ainsi que l'exprime Geoff Mulgan, de la Young Foundation, organisme anglais très en pointe sur ces questions, ou l'Atelier, qui est le Centre de ressources pour l'économie sociale et solidaire, de la région Ile-de-France. Les travaux du RAMEAU permettent de définir quatre grandes catégories de stratégies d'innovation sociétale. Un, la stratégie d'invention, qui vise à imaginer, inventer de nouveaux produits ou services. Deux, la stratégie de transformation, qui vise à faire évoluer, transformer les processus existants afin de proposer de nouvelles réponses. Trois, la stratégie d'extension, qui permet d'adapter des produits ou services, afin d'en étendre le champ d'action. Et enfin, quatre, la stratégie d'optimisation des processus existants. Chaque innovation sociétale suit plusieurs étapes de développement, cinq. La première étape, c'est la conception. On repère et on analyse les besoins auxquels on veut répondre, et on réfléchit à des idées de solutions. La deuxième étape, c'est l'expérimentation des solutions. Les solutions imaginées sont testées de manière empirique. Au fur et à mesure, l'association affine et adapte ses réponses, en fonction des réalités rencontrées. La troisième étape, c'est la modélisation. Le moment où on formalise et on décrit la solution retenue. La quatrième étape, c'est l'essaimage, qui correspond à la première phase du déploiement à grande échelle, ou à moyenne échelle, de l'innovation. C'est un développement qui est porté par l'association, qui va par exemple créer de nouvelles antennes. Et enfin, cinq, dernière étape, c'est l'industrialisation. L'innovation sociétale est diffusée largement, à grande échelle, en général, en partenariat avec d'autres acteurs. Le passage de l'essaimage à l'industrialisation est, le plus souvent, l'étape la plus compliquée à franchir, car l'association doit accepter de se dessaisir de son innovation, pour la partager avec le plus grand nombre d'acteurs de l'écosystème. On peut distinguer deux phases dans ce processus. D'abord, l'émergence, qui correspond, grosso modo, aux étapes de conception et d'expérimentation. Et ensuite, la phase de déploiement de l'innovation, qui elle correspond à la modélisation, l'essaimage et l'industrialisation. Pour chacune de ces phases, un type de partenariat particulier sera le plus adapté. En effet, la phase d'émergence est en général déficitaire, et l'association doit donc être soutenue par un tiers, financièrement, aux travers du mécénat, par exemple. C'est la logique du don qui prévaut. Pour la phase de déploiement, les subventions ne suffisent plus et il faut donc privilégier d'autres types de partenariats, plus axés sur la logique d'investissement, comme le modèle d'investisseur sociétal, par exemple. Le but de ce modèle sera, justement, de permettre aux structures qui en bénéficient de stabiliser leur modèle économique, et de le pérenniser. Il est donc préférable d'envisager un partenariat du type investisseur sociétal, au moment où la phase expérimentale se termine, car c'est là que les besoins sont les plus importants, et que l'association pourra se prévaloir d'une bonne connaissance des enjeux de la thématique et des besoins des bénéficiaires. Elle aura ainsi les moyens de convaincre un investisseur de la suivre et de s'engager avec elle.