[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans le cadre de mes travaux de recherche sur les organisations hybrides, je me suis beaucoup intéressée à la manière dont elles parviennent finalement à embrasser et à intégrer dans leurs activités au quotidien ces deux objectifs que sont à la fois l'atteinte de leur mission sociale mais en même temps l'atteinte d'un certain nombre d'objectifs financiers ou économiques qui permettent de garantir leur pérennité et donc j'ai étudié des organisations de tout un tas de types y, compris des associations ou des entreprises sous statut lucratif mais visant une mission sociale et puis du coup en retirer un certain nombre d'enseignements. [MUSIQUE] L'hybridation, elle implique, on l'a évoqué le fait de combiner à la fois objectifs sociaux et objectifs économiques et de combiner des types de ressources potentiellement différents. Du coup, ce que l'on observe c'est qu'il y a un risque particulier au sein de ces organisations qui est celui de se focaliser sur une des deux dimensions plus fortement et du coup d'abandonner une des deux dimensions. On appelle ça en anglais, c'est la notion de mission drift qui est que quand on se met à rentrer dans une logique de développement d'activités commerciales, on va être dans une logique de satisfaire des clients, satisfaire des partenaires et dans ce cadre là, un des risques c'est que l'on se met à se focaliser absolument sur cette activité et qu'on en oublie un petit peu sa mission sociale. L'autre risque, il est que si on est complètement, voilà, emprunt et focaliser sur sa mission sociale, on peut aussi en oublier et en tout cas insuffisamment investir la dimension marchande et économique et à ce titre là risquer sa pérennité économique. Dans le cadre de travaux que j'ai menés avec des collègues à Harvard Business School, notamment Julie Battilana, Metin Sengul et Marissa Kimsey, on a essayé de faire ressortir sur la base de cette analyse d'un certain nombre d'organisations hybrides, quatre facteurs qui apparaissent comme étant des éléments clés pour finalement réussir à garder le cap sur ces deux objectifs là et gérer de la manière la plus positive possible cette tension que j'évoquais. Le premier pilier et la première dimension qui est apparue essentielle, c'est celle de clarifier de manière très claire à la fois formellement et dans toutes les intéractions avec les différents partenaires, les objectifs de l'organisation en mettant clairement en exergue les deux dimensions sociales et économiques. La deuxième composante importante, c'est celle de s'assurer de piloter au quotidien l'atteinte de ces objectifs. Et donc, si on a développé des activités marchandes, c'est bien suivre quelle est la contribution de ces activités marchandes à la mission mais sans oublier l'importance, par ailleurs, de, comment est-ce que l'on va mesurer également les objectifs sociaux. Deuxième dimension qui apparait comme importante, c'est celle de finalement, adapter l'organisation, la structure de l'organisation à ces doubles objectifs là. Alors, on va trouver différents types de structuration pour toutes les organisations hybrides. Dans certains cas, on va avoir des activités sociales et des activités économiques très distinctes. On va parler là d'une structure différenciée avec, on va mettre dans une boîte, les activités marchandes et puis dans une autre boîte, toutes les activités en lien avec la mission sociale. Dans d'autres cas, on va avoir une intégration plus forte des deux dimensions avec finalement une activité marchande qui elle-même répond aux besoins et à la mission sociale. Il faut, il n'y a pas, finalement de structure qui est intrasèquement supérieure à l'autre. C'est très lié à la nature, finalement, de l'activité qu'on mène. Les entreprises d'insertion, par exemple, doivent avoir par nature une activité qui est très économique, qui est l'activité marchande pour laquelle on va générer l'activité et puis des activités sociales portées par d'autres types de collaborateurs et travailleurs sociaux, qui eux, vont accompagner la mission sociale. C'est intrinsèquement lié au modèle de la mission de ces organisations. Dans d'autres cas, les activités, par exemple, dans le contexte de la base de la pyramide où on va vendre des services à des populations pauvres, on va, en général, avoir, du coup, des activités sociales et économiques qui sont directement liées. Plus de ventes égal plus d'impact social, donc, il y a pas de structure supérieure à une autre, en revanche il est très important de bien réfléchir à la manière dont on va organiser ces activités et veiller à ce que l'on ait bien l'ensemble des activités nécessaires qui servent les deux objectifs sociaux et économiques. Troisième composante importante, c'est la composante des ressources humaines et la question de, finalement, qui est ce que je vais recruter au sein de mon organisation et comment est-ce que je vais accompagner, socialiser, former au quotidien mes collaborateurs. Et donc là, il y a aussi différentes approches possibles, celles qui visent à dire que l'on va recruter à la fois des travailleurs sociaux, des personnes qui sont très expertes des questions sociales d'un côté et puis des experts de la dimension marchande, commerciale de l'autre. Ça, c'est une approche possible. Il y a une autre approche qui vise à dire, eh bien, on va prendre des gens qui n'ont aucune expérience et on va les, quelque part, les former en interne à devenir un petit peu hybride ou alors on va choisir des gens qui, déjà, ont une forme d'hybridité, qui ont travaillé en entreprise mais qui ont aussi été très actifs dans le monde associatif et qui vont quelque part, à l'échelle de leur personne même, avoir déjà cette forme d'hybridité. De la manière, en fonction du modèle économique et du modèle de la mission de l'organisation, on va pouvoir privilégier une approche ou une autre et il est important de manière assez stratégique de penser quels sont les besoins et quels sont les profils d'un individu dont j'ai besoin pour pouvoir réellement, ensuite, atteindre ces deux missions. Quatrième, on va dire, point important de cette, de notre analyse, c'était d'identifier le fait que le leadership de l'organisation, donc, la direction, le conseil d'administration, doivent eux-mêmes incarner très fortement cette hybridité et donc ça passe à la fois par éventuellement, à la fois le profil des dirigeants et les profils eux-mêmes hybrides pour ces fonctions là, peut être particulièrement intéressant. Mais ça va aussi se traduire dans la capacité de ses dirigeants à traduire au travers des décisions qu'ils vont prendre, des décisions stratégiques qu'ils vont prendre, de traduire l'hybridité dans ces décisions là et puis le conseil d'administration doit aussi être complètement habité par la dimension d'hybridité et donc, il peut y avoir une réflexion assez importante à mener sur quel est le bon profil des membres du conseil d'administration. [MUSIQUE]