[MUSIQUE] Il existe donc une grande diversité de modèles qu'une association peut décliner pour mettre en œuvre son projet associatif. Une fois que cette typologie a été bien comprise, il est nécessaire d'entrer dans l'analyse même du modèle économique et dans le questionnement du projet pour identifier quels peuvent être les leviers d'évolution pertinents. Précisons que, si une association a un modèle économique unique à un instant t, celui-ci est évolutif dans le temps et il est le résultat d'une combinaison plus ou moins complexe d'une ou plusieurs ressources disponibles pour assurer la mission de l'association. Et cette mission de l'association évolue nécessairement dans le temps du fait de son encastrement dans la société, que nous avons rappelé dans le module 1, ne serait-ce que parce que le contexte et l'environnement économique, social, politique, culturel, scientifique et technique de l'association évoluent. Pour mener à bien cette analyse et voir où se situe son propre modèle, on peut tout d'abord faire appel à un outil de réflexion général qui s'adapte aux associations, le social business model canvas, qui est inspiré du traditionnel business model canvas. Adapté aux organisations à finalité sociale, il permet d'articuler les ressources et modalités d'action de la structure en lien avec son projet et ainsi permet de vérifier la cohérence de ce projet avec l'ensemble des moyens déployés et les parties prenantes mobilisées. Dans cette présentation du social business model canvas par le centre d'innovation sociale de l'Université de Stanford, comparée à celle du business model canvas traditionnel, on constate que, malgré un schéma similaire, avec notamment la structure des coûts et les sources de revenus, en bas, qui soutiennent l'ensemble du modèle, l'articulation est totalement différente, selon que la structure est à but lucratif ou non. En effet, la structure lucrative part de l'activité qu'elle veut développer pour la décliner en une proposition de valeur, avant de chercher les clients et les canaux de distribution. À l'inverse, la structure associative va partir du besoin auquel elle cherche à répondre et des observations terrain, en distinguant bien les payeurs des bénéficiaires, puis elle va formuler sa proposition de valeur, avant d'étudier avec quels partenaires elle peut s'allier et quelles activités elle peut mettre en place pour réaliser son projet associatif. Ce premier outil permet donc de mettre en lumière une logique de construction du projet associatif très distincte de la logique qui prévaut pour la construction du projet des entreprises classiques. Remplir chacune des cases du canvas et les articuler entre elles peuvent permettre d'analyser son modèle économique pour une association et entamer ainsi une réflexion sur la cohérence entre le besoin identifié, le projet défini et les moyens mis en œuvre, en tenant compte des contraintes macro-économiques et macro-sociétales. Cependant, pour repenser son modèle, cet outil n'est pas suffisant. L'association doit aussi s'engager dans une démarche qui est plus dynamique. Elle doit définir son ambition à trois à cinq ans, en fonction de ses activités et des marges d'évolution existantes, mais aussi à la lumière d'une réflexion plus fondamentale qui est la finalité de son action pour l'intérêt général. En effet, comme nous l'avons vu, notamment avec le témoignage de Charles-Benoît Heidsieck, la ou les missions d'intérêt général que se fixe une association peuvent donner naissance à des modèles économiques très différents. Ainsi, si l'association cherche avant tout à développer sa capacité d'innovation, elle aura intérêt à faire appel à des financeurs tiers publics ou privés. Si non, il convient pour l'association de différencier plusieurs stades au sein du processus d'innovation. Des stades qui donneront naissance à des logiques financières, humaines et d'alliances bien différenciées. Si la mission de la structure est la conception et l'expérimentation à petite échelle de nouvelles solutions, le modèle de mécénat ou de subvention peut être adéquat, à côté d'une mobilisation bénévole conjuguée à quelques postes salariés pour le suivi. Puis, au fur et à mesure que l'association va chercher à modéliser, puis essaimer et enfin industrialiser ses activités, ce passage à l'échelle nécessitera donc d'adopter une vraie logique d'investissement et de partenariat avec des entreprises de plus grande taille qui pourront porter le dispositif parfois au-delà du territoire d'ancrage initial. Une autre approche pour réfléchir à l'articulation entre les ressources humaines et financières de l'association consisterait à structurer la réflexion autour de deux logiques complémentaires dans la mise en œuvre concrète de l'activité. D'un côté, l'investissement nécessaire, et de l'autre, ce que le fonctionnement de l'association requiert en termes de ressources. Cela permet de penser le projet, non pas seulement par ses activités juxtaposées les unes aux autres, mais par rapport aux grandes dynamiques à l'œuvre, tant pour sa réalisation quotidienne que pour son développement à terme. De multiples approches peuvent être adoptées pour questionner son modèle économique, et on peut même prendre la culture de l'association comme prisme d'analyse. En effet, on parle de souvent de culture d'entreprise, avec ses différents piliers : les règles de fonctionnement et de procédure, les délégations de responsabilités, les critères de valorisation des salariés, les rituels et événements célébrés ; mais les associations, elles aussi, ont leur culture bien particulière, tellement particulière qu'elle semble parfois être un frein à une alliance avec le monde de l'entreprise qui apparaît ainsi si étranger. Pourtant, l'association et l'entreprise ont beaucoup à apprendre l'une de l'autre, et il est capital aussi de réinterroger la culture de sa propre structure associative pour se mettre en capacité de saisir les opportunités de marché et adapter son organisation, pour révéler au mieux les besoins du territoire et mettre ainsi les moyens les plus efficaces au service de l'intérêt général. Sans trahir son identité et ses valeurs, il s'agit donc de mettre en dialogue des cultures qui peuvent trouver de nouvelles solutions chez l'autre.