[MUSIQUE] [MUSIQUE] Une fois les indicateurs définis, il nous faut passer des résultats à l'impact, avec une interrogation, et si les effets que vous mesurez n'étaient pas totalement dus à votre action? Il faut savoir que pour avoir une approche parfaitement rigoureuse, il faut se poser les deux questions suivantes. Quelle est la part du résultat qui se serait produite quoi qu'il arrive, que votre organisation existe ou pas? C'est que l'on appelle le poids mort. Et quelle est la part du résultat observé qui relève de l'intervention d'autres organisations ou personnes alors même que le résultat n'aurait pas pu exister sans votre action? C'est ce que l'on appelle l'attribution. La question de la mesure de l'impact social est complexe, et aller au-delà d'une cartographie des effets de son action sur ses principales parties prenantes et de l'élaboration des indicateurs pour les mesurer est en fait un travail d'experts, ou en tout cas qui requiert une expertise. Je voudrais malgré tout vous dire quelques mots des grandes méthodes auxquelles vous pourrez faire appel. J'ai choisi de vous présenter brièvement les approches dites expérimentales par indicateurs sociologiques, économiques. Autant d'objectifs peut-être barbares pour désigner des méthodes dont vous avez déjà entendu parler sans savoir ce qu'elles recouvraient en réalité. Ainsi, par exemple, les approches coûts/bénéfices qui entrent dans la catégorie des approches économiques. Ces approches coûts/bénéfices sont souvent employées dans le cadre de l'évaluation de politiques publiques, par exemple en matière de santé ou dans le domaine de l'environnement. Quel est le coût de tel traitement préventif? Quels seront les coûts évités pour l'Assurance Maladie grâce à cette politique de prévention? Sans le savoir encore, question de vocabulaire d'experts, vous avez également entendu parler d'approches expérimentales. Toujours en matière de santé, tester l'efficacité d'un médicament peut consister par exemple à distribuer au hasard un placebo, une substance dénuée d'effet, ou la substance médicamenteuse visée, et à comparer les résultats au sein des groupes témoin, celui qui a absorbé sans le savoir le placebo, et expérimental, celui qui a absorbé le médicament. Il s'agit là d'une méthode inspirée des méthodes de randomisation. Ce type de méthodes a commencé à être appliqué à de grands programmes sociaux en France depuis 2007, soit plus de 40 ans après les premiers travaux analogues menés aux États-Unis. Cette approche connaît depuis un développement rapide dans le cadre notamment des travaux d'Esther Duflo, Professeur au MIT et titulaire de la chaire Savoirs contre pauvreté au Collège de France. Esther Duflo est également Prix Nobel d'économie 2019. S'il n'y a pas constitution physique d'un groupe témoin, mais seulement statistique, le groupe témoin est alors une population statistiquement semblable. On sera alors dans une approche dite quasi expérimentale puisqu'il s'agira de comparer la population bénéficiaire du programme à une population statistiquement semblable constituée à l'aide d'un panel établi par l'INSEE par exemple, par une organisation extérieure reconnue. Les approches dites par indicateurs visent à identifier les données chiffrées représentatives d'une action. Par exemple, si l'on reprend encore l'exemple du domaine de la santé, on pourra suivre le taux de guérison lié à un traitement, le pourcentage de personnes qui ont dû l'interrompre pour cause d'effets secondaires lourds, pour citer deux questions importantes. Enfin, les approches sociologiques s'adressent et s'intéressent à la dimension humaine. Il s'agira par exemple de voir comment l'introduction d'un nouveau traitement a été accueilli par une population, quels comportements cela a générés, quelles capacités nouvelles cela a offertes, quelles interactions, nouvelles et différentes, l'introduction de ce nouveau traitement a pu générer. Toutes ces méthodes apportent un éclairage qualitatif qui pourra donner lieu à des indicateurs sur les effets de l'action sur les acteurs concernés. Je voudrais enfin brièvement vous expliquer en quoi consiste l'approche du social return on investment, ou SROI. Le SROI se calcule en divisant la valeur monétaire des changements générés par une organisation, par la valeur monétaire des contributions sur lesquelles elle repose. Des expériences de calcul de ratio ont déjà été menées dans divers secteurs. Ainsi, par exemple, dans le secteur de l'insertion par l'activité économique, on a calculé que pour un euro versé par les pouvoirs publics, ce sont trois euros qui sont récupérés en économie de prestations et en impôts et taxes. Le ratio SROI intègre en partie ces dimensions, mais il va au-delà . Il s'agit de comparer les impacts sociaux au sens large générés par une organisation sur ses parties prenantes, ou tout au moins les principales parties prenantes, avec l'ensemble des contributions qui ont été nécessaires à son activité, et ce à l'aide d'une même unité de mesure, l'euro. Le recours à cette même unité de mesure donne une estimation de la valeur sociale supplémentaire créée. Pour valoriser les résultats obtenus, on cherchera ce qu'on appelle des proxies, c'est-à -dire un équivalent en euros d'une action qui aboutit au même résultat. Reprenons l'exemple de l'insertion par l'activité économique, dans le cadre duquel un des objectifs est l'accompagnement des bénéficiaires pour les aider à les sortir de l'illettrisme. Pour évaluer cette action de sortie de l'illettrisme, on considèrera par exemple que pour atteindre cet objectif, le bénéficiaire aurait pu suivre 80 heures de cours dans un organisme de formation pour adultes, au prix par exemple de dix euros de l'heure, qui est le prix moyen pratiqué sur le marché par participant. Le résultat obtenu vaut donc 800 euros. On peut faire ce travail pour chacun des résultats et obtenir une valeur monétaire qui permet ensuite de mesurer les résultats en s'appuyant sur des hypothèses qui auront été très clairement posées dès le départ. Il faut se souvenir que si le ratio peut être intéressant, le résultat en tant que tel, c'est surtout la démarche d'objectivation qui est utile. En effet, cette démarche va permettre d'améliorer le pilotage de l'activité au quotidien parce qu'elle permet une optimisation de l'allocation des ressources. Le deuxième gros apport du SROI est de mesurer l'évolution du ratio dans le temps, c'est-à -dire ce qui va mesurer la dynamique de progrès ou pas de l'organisation.