[MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Nous sommes aujourd'hui avec Jean-Claude Charlet, qui va se présenter et qui est un de nos experts du jour. >> Ça fait une dizaine d'années que je sévis dans le domaine de l'innovation et de l'entrepreneuriat, en particulier autour de méthodes agiles venant de la Silicon Valley où j'ai passé un long moment il y a dix ans. >> On parle beaucoup de design thinking, d'effectuation, d'agilité, est-ce que ça veut dire qu'aujourd'hui le business plan n'a plus de raison d'être et que c'est vers ces méthodes-là qu'on devrait se tourner? >> Non. Bien sûr, je pense que c'est moins radical que ça. Je crois qu'il n'y a pas d'intérêt à être un Ayatollah d'une méthode ou d'une autre. Le business plan a fonctionné pendant toute une série d'années, il n'est certainement pas à jeter aujourd'hui. Par contre, il doit être adapté parce qu'il ne convient plus forcément entièrement et seulement à la transformation numérique, qui va beaucoup plus vite qu'avant. >> Justement, qu'est-ce que peuvent apporter ces nouvelles approches de Lean startup, d'effectuation, d'agilité, dans la démarche de la création d'enterprise? >> Pour restituer, je pense qu'il y a d'abord un problème de besoin. C'est-à -dire, si on se jette tout de suite dans le business plan, on se trompe de cible, en quelque sorte. Parce qu'un business plan, c'est destiné à son organisation et à des financeurs. Si on parle à des financeurs avant de parler à son client, c'est un peu comme si on demandait une ordonnance à son médecin avant même de savoir quel est son problème médical ; ou demander à son avocat de rédiger un contrat avant même de savoir quelle est la feuille de route avec son associé. Ces nouvelles méthodes, elles sont là pour recentrer la démarche autour de l'utilisateur, et de bien faire comprendre quel est le besoin avant d'adresser les besoins financiers qui vont en découler. >> Finalement, ces méthodes sont un peu des préalables à la rédaction du business plan? >> Absolument. C'est tout à fait ça. Je pense que le business plan doit intervenir, mais dans un calendrier qui est peut-être à revoir. Il faut se poser, avant de penser à un business plan, les bonnes questions concernant l'utilisateur, ce qui veut dire aller sur le terrain, observer, déterminer les besoins, quels sont les bénéfices, quelles sont les insatisfactions, et de là , commencer à imaginer des solutions qui vont aboutir sur des problèmes et des problématiques économiques et qu'on va pouvoir injecter dans un business plan le moment venu. >> Et ça, c'est vrai pour tous les secteurs d'activité? >> Je pense que c'est vrai pour tous les secteurs d'activité. La meilleure preuve c'est que l'agilité touche aussi bien les startups du Web que des industries lourdes type Airbus, Areva ou autres. Ce qui ne veut pas dire qu'on fait un Airbus sans business plan, mais ça veut dire que dans certains moments du process, on peut appliquer de l'agilité. >> Si on approfondit un peu cette idée d'agilité, ça serait quoi, l'agilité, pour un entrepreneur qui veut changer le monde? >> L'agilité, ça revient d'abord à de la frugalité. C'est-à -dire qu'on n'a pas besoin de lever forcément tout de suite des millions d'euros pour avancer sur la création d'un nouveau produit ou service, en particulier si on ne connaît pas le besoin de ces utilisateurs. Et puis, l'agilité c'est aussi la possibilité de tester rapidement des idées qu'on a et de les confronter au terrain. >> On parle aussi d'effectuation. L'effectuation, on est agile, on fait de l'effectuation, ce sont les deux, l'un appelle l'autre? >> L'effectuation, justement, ça découle de ces méthodes de design thinking et de Lean startup. Si je devais résumer assez simplement, l'anti-théorie est le pragmatisme à la place de la théorie. >> On évoquait tout à l'heure cette question et cet enjeu de calendrier, de timing, la nécessité du pragmatisme et de l'action. À quel moment précis le business plan prend-il toute sa dimension, toute sa signification? >> Je pense qu'une fois qu'on a passé cette phase d'observation, de définition des besoins, et redéfini une bonne expérience utilisateur, il faut qu'on ait un [INCOMPRÉHENSIBLE] avec les produits ou les services qu'on est à même de proposer aux clients, dessiner la meilleure expérience utilisateur possible. Et ensuite, une expérience utilisateur théorique, ça ne vaut rien tant qu'elle n'est pas à la fois confrontée au terrain, mais aussi confrontée à sa propre organisation. C'est-à -dire qu'une bonne idée dans une entreprise A n'est pas forcément une bonne idée dans une entreprise B, tout simplement parce que l'écosystème n'est pas prêt à l'accueillir. Et c'est à ce moment-là , justement, en injectant des bonnes hypothèses, qu'on va faire un business plan en tenant compte des problématiques et des contraintes de l'organisation, et aussi des demandes des financeurs.