[MUSIQUE] [MUSIQUE] Elise Leclerc, directrice du laboratoire Évaluation et Mesure d'Impact social de la Chaire Innovation et Entrepreneuriat Social de l'ESSEC. Quand on parle de mesure d'impact social, on parle aussi d'évaluation d'impact social. À l'ESSEC, on utilise les termes de façon interchangeable, où on englobe la partie qualitative et la partie quantitative dans la mesure d'impact social ou l'évaluation d'impact social. Aujourd'hui, je vais vous parler des méthodes qualitatives et quantitatives. Les méthodes quantitatives ont démarré autour de l'évaluation des politiques publiques dans les années 1960. Elles étaient basées sur des analyses très macro. Ensuite, vers les années 1970, on a commencé à voir apparaître des méthodes plus qualitatives, notamment avec l'émergence de la sociologie et des sciences humaines en général. Et puis vers les années 2000, avec l'influence du monde financier et notamment des fondations philanthropiques, on voit apparaître de nouveau des méthodes quantitatives mais basées sur des méthodes plus comptables pour essayer de comprendre l'impact social des actions des financeurs. Quand on réfléchit à un projet, ce qui est important c'est de réfléchir à la théorie du changement. Et à partir de cette théorie du changement, quelle va être la méthode la plus appropriée pour mesurer votre impact social? La théorie du changement, c'est la base d'une évaluation d'impact social. Elle se compose du besoin et de l'analyse du besoin, au départ du processus. Ensuite, on réfléchit, à partir du besoin, aux objectifs et aux activités qui vont permettre d'obtenir des réalisations, et ces réalisations vont créer un changement qu'on va appeler les résultats. Et à partir de ces résultats, on va réfléchir aux impacts nets, c'est-à-dire ces résultats mais sur le long terme et en retirant l'attribution et ce qu'on appelle le poids mort. Quand on réfléchit aux méthodes, on conseille de commencer par les entretiens qualitatifs, donc des méthodes qualitatives d'explicitation du changement. Au niveau de votre théorie du changement, ça va se faire le plus souvent tout au début, si vous êtes donc, ex-ante, au début de votre projet, que vous le mettez en place, pour comprendre les besoins de vos parties prenantes. Donc réalisez entre dix et 15 entretiens semi-directifs avec les parties prenantes pour essayer de comprendre leurs besoins et puis leurs attentes en termes d'impact aussi. Ensuite, c'est ce qu'on appelle ex-post, donc une fois que votre projet a été mis en place, vous allez de nouveau réaliser des entretiens qualitatifs pour essayer de comprendre le changement qui a eu lieu chez les parties prenantes. Cette partie est très importante. On a tendance à être tenté de faire des questionnaires, des études quantitatives pour essayer de mesurer le changement sans toujours passer par les entretiens qualitatifs. Nous, à l'ESSEC, on pense que c'est très important de lier ces deux méthodes pour s'assurer que l'évaluation de l'impact social soit la plus riche possible et la plus adéquate pour comprendre le changement. Pourquoi? Parce que les entretiens qualitatifs vont vous permettre déjà d'entendre les changements qui se sont réellement passés pour vos parties prenantes, et puis vont vous permettre d'essayer de faire ressortir des indicateurs de ces changements pour essayer de les objectiver. Et ça va être indispensable, ces indicateurs objectivés, pour faire la partie quantitative plus tard. Donc, en termes d'entretiens qualitatifs, vous pouvez en avoir au début de votre démarche de mesure de façon exploratoire pour faire ressortir ces indicateurs, comme je viens de le dire, mais aussi pour essayer de comprendre la terminologie que les parties prenantes à qui vous vous adressez vont elles aussi comprendre. Donc ça va vous permettre d'ajuster vos questions, le langage que vous utilisez et puis de vraiment préparer vos questionnaires quantitatifs en essayant de comprendre les questions d'attribution et puis les questions de poids mort. C'est-à-dire : que ce se serait-il passé si votre projet n'avait pas existé? C'est ce qu'on appelle aussi le contrefactuel. Une fois que vous avez réalisé vos entretiens qualitatifs, vous allez pouvoir vous rendre compte, peut-être, qu'il y a des choses étonnantes, qu'il y a des indicateurs auxquels vous n'aviez pas réfléchi de changement qui s'est passé qui n'était pas attendu. Et sur cette base d'entretiens et de l'analyse de vos entretiens, vous allez pouvoir élaborer vos questionnaires quantitatifs en reprenant certaines de vos questions du guide d'entretien et en les fermant pour vous assurer que les résultats de votre étude quantitative vont être chiffrés, vont être avec des questions oui- non, et vont vous permettre d'avoir une idée plus objective des changements qui ont eu lieu à travers votre action. Enfin, une fois que vous avez ces résultats, vous allez pouvoir revenir à des entretiens qualitatifs dans certains cas. Si vous avez des surprises, par exemple, vous pourrez avoir ce qu'on appelle des entretiens complémentaires, qui vont vous permettre de creuser certains aspects, certains résultats qui sont ressortis de votre étude quantitative pour lesquels vous avez besoin de nouveau d'aller parler aux parties prenantes pour avoir une explicitation, justement, de ce changement et des résultats que votre questionnaire vous a permis de valider auprès d'un plus grand nombre de personnes. En conclusion, ce qu'on vous conseille quand vous voulez réaliser une mesure d'impact social, c'est donc de combiner de façon très, très étroite, les méthodes qualitatives d'explicitation du changement et les méthodes quantitatives qui vous permettent d'objectiver avec des indicateurs. Une fois que vous avez réalisé ces deux démarches, vous allez pouvoir vous appuyer sur les résultats quantitatifs pour réfléchir à la pertinence d'une étude ou d'une démarche de monétarisation par exemple, et/ou, parce que vous pouvez faire les deux si c'est pertinent, une démarche de randomisation avec des groupes témoins qui vont vous permettre de comparer vos chiffres. Mais les deux grandes approches, qualitative et quantitative, restent la base d'une évaluation de l'impact social efficace. [MUSIQUE]