[MUSIQUE] [MUSIQUE] Je vous retrouve pour un entretien avec la professeure Carla Sharp. Carla est une des pionnières du traitement basé sur la mentalisation, spécifiquement avec des adolescents, des adolescents qui vont avoir des comportements parfois agressifs envers les autres mais aussi envers eux-mêmes. Carla est donc professeure de psychologie à l'université de Houston, également professeure invitée dans d'autres universités telles que l'université College London. On a vraiment la chance aujourd'hui de pouvoir s'entretenir avec elle, qu'elle nous parle spécifiquement de cette adaptation de la mentalisation auprès d'adolescents ainsi que leurs familles. Salut Carla. C'est vraiment, vraiment agréable de t’avoir. Salut Martin, c'est bon de te voir. Merci beaucoup de nous consacrer un peu de temps pour en apprendre plus sur la mentalisation,
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et plus spécifiquement
sur la façon dont nous utilisons ce mot ou ce concept « mentalisation » avec les adolescents. Je sais que tu as beaucoup travaillé avec les adolescents, leurs familles, et tu as adapté également la technique, qui est habituellement destinée adultes, aux adolescents. Juste pour commencer, quelle est la chose fondamentale que nous devons savoir lorsque nous travaillons avec des adolescents et que nous essayons d'aider grâce à la mentalisation, à ton avis ? Eh bien, je pense que la première chose à se rappeler, ou bien l'endroit où il faut commencer, serait le développement de l'adolescence, et de vraiment creuser dans ce que cela signifie être un adolescent, ce que cela signifie de se sentir dans la peau d'un adolescent. Je pense que lorsque nous prenons une approche basée sur la mentalisation, nous voulons vraiment faire une pause et nous mettre peut-être dans ce que nous avons ressenti en étant adolescent. Mais nous devons aussi comprendre ce que ça fait de vivre avec un adolescent. Parce qu'une grande partie du travail que nous faisons avec les adolescents se fera dans le contexte familial. Si je dois le faire, je suppose, je dois sortir un peu quels sont les points les plus importants sur cette période de l'adolescence. Si nous pensons d'abord à ce que l'on ressent d'être dans la peau d'un adolescent, nous devons nous rappeler que nous avons le début de puberté au début vers 10 ans, 11 ans, et il y a des choses se passent avec votre corps qui sont hors de votre contrôle. Vous ne les comprenez pas, elles sont en train de se produire, dans une certaine mesure, comme si vous ne participiez pas à ces changements. Il y a toute une exigence d’incertitudes parce que vous ne savez pas vraiment où votre corps va, et il y a beaucoup d’embarras pour beaucoup de jeunes gens qui vivent cette période de changement physiologique. Donc il y a ce problème de faire face à votre corps qui change. En même temps, votre esprit change parce que vous avez subitement des émotions d’une plus grande intensité. Nous savons, grâce aux recherches sur le cerveau, cela a été démontré, que quand on présente des stimuli, en comparaison à un adulte, quand l’adolescent ou le pré-adolescent regarde, son cerveau réagit à une plus grande intensité à ces stimuli. Soudain, vous réagissez aux choses d'une manière plus intense. Non seulement vous y répondez d'une manière plus intense, mais vous avez du mal à réguler ces émotions intenses. Donc c'est un peu une double peine. Votre cerveau réagit plus intensément à une situation, et les outils habituels auxquels vous étiez habitué à l'âge de 9 ans, qui auraient pu être une distraction ou vraiment juste faire quelque chose de différent, ne sont pas aussi efficaces pour vous aider à réguler ces émotions intenses. Donc, vous devez faire face à toutes ces choses qui se passe dans votre esprit et votre corps, et ensuite si nous sortons en dehors du corps, vous êtes soudainement très concentré sur ce que les autres personnes pensent. Jusqu'à ce moment-là, si nous pensons en termes de mentalisation, vous ne le faisiez probablement pas, cette concentration sur ce que les autres personnes pensent de vous. Et soudainement vous êtes en train d'évaluer ce que les gens pensent de vous. La raison pour laquelle cela se produit à l'adolescence, on peut penser à qu’il y a un pic de ce que nous appelons hypermentalisation, c’est-à-dire la pensée excessive de ce que les autres personnes pourraient penser, c'est lié à la préoccupation du développement de l'identité. Vous êtes occupé à observer les changements dans votre corps. Vous êtes plus émotionnel que d'habitude, et pour la première fois, ce qui est activé c’est votre capacité à réfléchir sur vous-même. Avant l'âge de 11 ans environ, il y a une capacité très limitée à réfléchir réellement sur le soi sous une forme adulte. Au fur et à mesure que cette capacité à réfléchir sur soi se met en place, vous devenez très préoccupé de ce que les autres personnes pensent, et comment cela s'accorde avec ce que vous pensez, et vous avez plus de liberté. Vous élargissez votre cercle social social au-delà de vos parents, et vos pairs deviennent très importants. Vous êtes en train de devenir sexuellement éveillé, et vous êtes également intéressé par commencer à satisfaire vos besoins sexuels. En dehors des pairs, il y a une expansion dans le domaine de l'intimité. Si nous mettons toutes ces choses ensemble, c'est une tempête parfaite, et ce que cela signifie est que les adolescents ont besoin de plus d'échafaudages. J'aime bien ce mot, échafaudage. Je ne sais pas s'il y a une version française de l'échafaudage. Lorsque vous construisez un bâtiment et que vous construisez une structure, tu as besoin de mettre en place ces échafaudages autour la structure afin de soutenir la structure pendant que vous la construisez. La façon dont je vois le développement de la personnalité, c'est que c'est une structure que nous construisons, et à cause de cette parfaite tempête à l'adolescence, la structure a besoin de plus d'échafaudages, à cause de toutes ces choses que nous venons dont on vient de parler il y a une minute qui se passent en même temps. C'est là que l'environnement social devient si important. C'est super utile, Carla, vraiment parce qu'on peut te voir mentaliser l'adolescent du point de vue développemental en ce qui concerne tout ce qui se passe à l'intérieur, ainsi qu'une augmentation de l'attention sur l'extérieur. Alors c'est la position du clinicien de construire ce monde d’échafaudage de construire ce monde d’échafaudage, qui en français est échafaudage. Nous pouvons alors en fait commencer à penser à la façon dont tu adaptes ta position clinique en tant qu'échafaudeur ou unité d'échafaudage qui aide le bâtiment à s'élever en quelque sorte. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce sujet, et aussi, je pense, à la partie où la famille ou l'environnement est impliqué, dans ta perspective. Absolument. Tu as magnifiquement résumé cela Martin. Oui, le thérapeute est peut-être alors l’entrepreneur en bâtiment, la personne qui va gérer ou coordonner l'échafaudage. Mais un élément critique, encore plus important que le thérapeute, c'est la famille, et je veux que nous allions juste à ce qui se passe réellement quand on mentalise quelqu'un. Quand on mentalise quelqu'un, et quand on pense à la thérapie basée sur la mentalisation, on s'éloigne d'une forme plus psychanalytique de thérapie ou d'une forme psychodynamique de thérapie, c'est que nous sommes vraiment intéressés par l'ici et le maintenant, et nous sommes vraiment intéressés, en d'autres termes, dans ma traduction de l'ici et le maintenant, nous sommes intéressés par le service et le retour, ou le ping-pong entre deux personnes. La question est, comment un thérapeute peut-il, pendant 50 minutes par semaine, travailler avec un adolescent pour pratiquer le service et le retour d'une manière basée sur la mentalisation ? Mais 50 minutes par semaine n'est pas suffisant pour le service et le retour pour pratiquer la l'ici capacité à mentaliser dans l’ici et le maintenant. Ce qu'il faut, c'est que cette pratique se fasse en dehors de la salle de thérapie, et c'est là que la famille devient si importante. Quand nous faisons de la MBT-A, il y a des séances hebdomadaires avec l'adolescent, mais aussi des sessions mensuelles avec la famille. Ce que nous voulons faire avec les sessions familiales c'est que nous voulons essayer à apprendre à la famille comment ralentir dans le service et le retour, pour que l'adolescent et la famille puissent tous s'entraîner. Ils mentalisent cette capacité dans l'ici et le maintenant, ce qui est l'échafaudage pour le développement de la personnalité, autant que le thérapeute fait le service et retour d'une manière ralentie pendant une séance de thérapie, la famille prend cela en dehors de la salle de thérapie et ils continuent à ralentir et à échafauder le développement de la personnalité par le biais de ce très prudent et ralenti service et retour dans toutes leurs interactions. C'est difficile à faire pour les familles parce que jusqu'à ce moment-là, elles ont fait les choses différemment. Ils ont pris des raccourcis dans le service et le retour. Ils ont fait des hypothèses sur ce qui se passe dans dans l'esprit des autres. Ils n'ont pas ralenti pour être curieux ou pour découvrir, c'est comme ça que je me sens, alors ce que tu ressens en ce moment et comment en est-on arrivé à ce point où nous nous comprenons mal l'autre ? La famille devient vraiment un partenaire dans ce processus d'échafaudage afin que nous puissions pratiquer le service et le retour. Je pense à cela comme des muscles dans le cerveau qui ont besoin de s'entraîner. La thérapie fait un peu ça mais cela nécessite d'être pratiqué à l'extérieur de la salle de thérapie pour que le développement de leur personnalité se remette sur les rails. Très bien. Cela a été si utile pour nous, pour vraiment comprendre comment vottare pensée est passée de l'application du mot mentalisation avec les adultes pour envisager réellement le développement, considérer ce qui se passe pour l'adolescent et considérer les besoins de l'adolescent, en termes d'échafaudage. Tu as donné cet exemple de service et retour, que je comprends maintenant comme étant le processus d'échafaudage. Nous sommes les entrepreneurs essayant d'aider la famille, aider l'adolescent à s'impliquer vraiment dans ce rythme de service et de retour en pratiquant, à construire la compétence de mentalisation pour réguler toutes ces émotions qui, sur le plan du développement sont tout à fait prévisibles, mais parfois elles peuvent créer des expériences et des comportements assez intenses. Merci beaucoup pour ton temps aujourd'hui, Carla. C'était vraiment un plaisir d'avoir l'occasion de parler avec toi. Donc on a eu le plaisir d'écouter Carla Sharp, qui a vraiment utilisé des images très parlantes, pour qu'on comprenne l'adaptation d'un focus sur la mentalisation entre les adultes adaptée aux adolescents. De quoi elle nous a parlé? D'abord, qu'on doit vraiment se mettre dans la peau de l'adolescent, qu'on doit être capable d'essayer de sentir le développement, c'est comment se développer dans ce corps qui change, dans cet environnement aussi qui change et comment est-ce que l'esprit va devenir très concerné par le fait qu'il n'a pas de contrôle sur ces changements et par le fait aussi de se poser, on commence à se poser toutes sortes de questions sur ce que les autres pensent. Est-ce ce que les autres pensent c'est en connexion avec ce que je pense de moi-même. Donc, toute cette pression va engendrer toute une série d'émotions. Et qu'est-ce que la professeure Carla Sharp nous a dit? Elle nous a dit que dans ce contexte, on doit être très attentif à ces éléments-là et aussi inclure en fait tout un travail familial avec la famille, en particulier dans ce processus-là, elle a parlé de Serve and return, c'est-à-dire le service et le retour un peu comme au tennis, de ce processus de pouvoir recevoir l'information, la communication du jeune, pouvoir retourner ce qu'on a reçu d'une manière à initier un échange et que c'est ce processus-là qui crée vraiment la capacité de la mentalisation, qui comme on le sait désormais, notamment avec des études en neurosciences, se spécialise à l'adolescence, on a le cerveau vraiment en développement, qui a besoin de cet échange avec la famille et avec l'environnement à un rythme adapté pour consolider la régulation émotionnelle. [MUSIQUE] [MUSIQUE]