[MUSIQUE] Considérons un puits double de forme arbitraire et intéressons-nous plus particulièrement aux deux premiers niveaux et à l'espace vectoriel de dimension deux engendré par les fonctions propres correspondantes, psi S(x) et psi A(x). Rappelons que comme dans tout potentiel symétrique, l'état fondamental sera une fonction symétrique qui ne change pas de signe, tandis que le premier état excité sera une fonction antisymétrique qui s'annule exactement une fois. De plus, dans le cas d'une barrière suffisamment épaisse, nous avons vu que les deux premiers niveaux étaient très proches. Par combinaison linéaire, on peut alors construire deux nouvelles fonctions, orthogonales entre elles, que nous appellerons psi gauche et psi droite, respectivement proportionnelles à la somme et à la différence des deux premières fonctions propres de l'hamiltonien. Comme psi S(x) et psi A(x) ont été choisies de sorte qu'elles soient de même signe dans le puits de gauche et de signes contraires dans le puits de droite, on voit que, comme son nom l'indique, la fonction psi g(x) sera principalement localisée dans le puits de gauche. À l'inverse, la fonction psi d(x) sera principalement localisée dans le puits de droite. Intéressons-nous maintenant à l'évolution temporelle de ces différents états, en commençant par l'état fondamental associé à la fonction d'onde initiale psi S(x). Comme cet état est un état propre, nous savons que l'évolution temporelle se résume à un simple préfacteur en e (- i E S t / h barre). Nous pouvons visualiser l'évolution de ce préfacteur à l'aide du point noir représenté ici dans le plan complexe et tournant à la fréquence E S / h. Quant à la fonction d'onde, même si sa phase évolue au cours du temps, son module reste constant. Considérons maintenant la situation où le système est placé initialement dans l'état d'énergie E A. La principale différence est que la fonction d'onde présente alors un déphasage de pi entre les deux puits, avec un 0 au centre de la barrière. Mais l'évolution temporelle est similaire au cas précédent, avec une rotation très légèrement plus rapide du point représenté dans le plan complexe, puisque l'énergie est maintenant légèrement supérieure. Finalement, on retrouve ici l'évolution temporelle de deux états stationnaires. La phase de ces états évolue au cours du temps, mais la densité de probabilité est indépendante du temps, puisque le module de la fonction d'onde est constant. Comme vous l'avez déjà vu, par exemple, dans le cas du puits infini, on peut bien entendu s'intéresser à la situation très différente où l'état initial n'est plus un état propre de l'hamiltonien, mais une superposition de tels états. Plaçons ainsi le système dans le puits de gauche, de sorte qu'à t = 0, la fonction d'onde soit égale à psi g(x), c'est-à-dire une superposition des états psi S(x) et psi A(x). D'après le principe de superposition linéaire, l'évolution temporelle sera simplement la somme des deux évolutions précédentes. Mais comme les énergies sont légèrement différentes, les deux préfacteurs complexes ne vont pas tourner exactement à la même vitesse. Ainsi, à l'instant initial, les deux termes étaient en phase avec une interférence constructive dans le puits de gauche. Mais au cours du temps, le coefficient associé au niveau supérieur va prendre de l'avance par rapport au coefficient associé au niveau inférieur. Ainsi, au bout d'un certain temps, les deux termes seront en opposition de phase, et c'est maintenant dans le puits de droite que se produira l'interférence constructive, avec une fonction d'onde proportionnelle à psi d(x). Ultérieurement, le coefficient associé au niveau supérieur va continuer à prendre de l'avance, pour finalement gagner un tour complet par rapport au niveau fondamental, ce qui donnera une interférence constructive, cette fois à gauche. Le système va donc osciller périodiquement entre les deux puits. On aura ce type d'évolution temporelle à chaque fois que l'on superpose deux états stationnaires d'énergies différentes, comme vous avez pu le voir par exemple dans le cas du puits infini. Mais l'originalité du puits double est que cette évolution se manifeste par une oscillation entre deux puits, au travers d'une barrière qui serait infranchissable en mécanique classique. C'est donc une manifestation directe de l'effet tunnel. Appliquons ce que nous venons de voir au problème de la molécule d'ammoniac. Vous vous rappelez que dans ce cas, le double puits décrit l'énergie potentielle de la molécule en fonction de la distance séparant l'atome d'azote du plan contenant les trois atomes d'hydrogène, si bien que les états gauche et droite peuvent être associés à deux géométries inversées de la pyramide. Notre analyse de ce système à l'aide de la mécanique quantique nous a appris que dans son état fondamental, la molécule n'était pas dans l'une ou l'autre de ces deux géométries, mais bien dans une superposition linéaire. Il en va de même pour l'état antisymétrique. En d'autres termes, pour chacun de ces états propres, les atomes d'hydrogène ne sont pas d'un côté ou de l'autre de l'azote, ils sont à la fois à gauche et à droite de l'atome d'azote. De plus, si nous plaçons initialement le système dans l'état psi g(x), avec les atomes d'hydrogène à gauche de l'azote, ceux-ci vont osciller de part et d'autre de l'azote. Comme les atomes d'hydrogène et d'azote portent des charges partielles, nous aurons donc un dipôle qui va osciller au cours du temps, et qui dit dipôle oscillant, dit émission d'une onde électromagnétique. La fréquence Nu associée à cette onde a pour valeur (E A- E S) / h. soit environ 24 GHz dans la cas de la molécule d'ammoniac. Il s'agit d'une fréquence située dans le domaine des micro-ondes, correspondant à une longueur d'onde de 1,25 cm. Une autre façon d'interpréter cette émission d'une onde électromagnétique consiste à dire que le système passe de l'état d'excité à l'état fondamental en émettant des photons d'énergie h Nu, ce qui satisfait bien à la conservation de l'énergie puisque h Nu est justement égal à la différence d'énergie entre les deux états. Dès 1917, Einstein décrit le phénomène d'émission stimulée associé à une telle désexcitation d'un système quantique, lorsqu'il est excité par une onde électromagnétique de fréquence Nu. En 1953, Charles Townes et ses collègues parviennent à développer un maser à ammoniac exploitant ce phénomène pour amplifier de manière cohérente un rayonnement micro-onde. Il s'agit de l'ancêtre du laser, dispositif similaire mais fonctionnant à beaucoup plus haute fréquence dans le domaine optique. En résumé, nous avons vu qu'avec seulement deux niveaux d'énergie, c'est-à-dire en travaillant dans un espace vectoriel de dimension deux, nous pouvions obtenir des résultats très intéressants, permettant par exemple de comprendre le phénomène d'inversion de la molécule d'ammoniac, à l'origine du premier maser démontré dans un laboratoire. En fait, si vous décidez de poursuivre l'apprentissage de la mécanique quantique, vous pourrez découvrir que cette structure d'espace vectoriel est essentielle pour acquérir une compréhension intime des phénomènes quantiques. Nous espérons que ce MOOC, lors duquel nous avons privilégié un cheminement initial s'appuyant sur la mécanique ondulatoire, vous aura donné l'envie de poursuivre votre apprentissage, en suivant des cours plus avancés, qui vous permettront de découvrir encore bien d'autres applications scientifiques et technologiques de la mécanique quantique. [MUSIQUE]