[MUSIQUE] >> Dans ce troisième module, nos différents témoins ont détaillé comment ils ont construit de façon concrète leur alliance. L'identification des enjeux de leur territoire tout d'abord, puis leur modèle juridique et de financement et enfin l'évaluation de cette alliance. Afin d'identifier les enjeux propres à un territoire, l'ensemble des acteurs rencontrés insiste sur la nécessité de partir d'un diagnostic territorial. Il s'agit d'identifier les problèmes spécifiques à un territoire en rassemblant les expertises d'acteurs de terrain variés qu'ils soient publics ou privés. Ainsi les acteurs du territoire de Charenton Saint Maurice soulignent qu'il faut choisir de travailler sur des problématiques pour lesquelles des synergies peuvent se créer entre des acteurs existants. A environ 400 kilomètres de là, le choix de l'alliance, nous dit Pierre-François Bernard de Franche-Comté Active, doit inclure les acteurs compétents dans le domaine choisi. Dans le cadre de leur projet de consigne de verre, il fallait par exemple inclure le Conseil départemental à qui incombe la planification de la gestion des déchets ménagers. La réunion de ces acteurs autour d'un projet commun peut se faire à l'initiative d'un des acteurs ou par le biais d'un intermédiaire. L'essentiel est l'intérêt commun des parties à travailler ensemble et la volonté personnelle des porteurs de projets qui souvent sont reconnus comme des intrapreneurs au sein de leurs structures respectives. Dominique Giry, par exemple, a lui-même démarché les personnes qu'il pensait les plus à même de pouvoir participer à la création du Conseil de développement du Val de Marne. Pour définir les actions à mener sur un territoire, et les objectifs de l'alliance, nos témoins ont mis en place des méthodes de travail collectives porteuses d'innovation. Le mode participatif apparaît comme une constante, dans la façon dont les projets se structurent et sont pilotés. Ainsi, les acteurs du Collectif pour l'Emploi qu'Ericka Cogne, la Directrice de la Fondation Accenture, vous a présentés se rencontrent à l'occasion d'ateliers de co-construction. Les porteurs du dispositif Émergence, quant à eux, réunissent des acteurs du territoire de Franche-Comté à l'occasion de journées Start-up territoires au cours desquelles des méthodes mobilisant l'intelligence collective permettent de passer de l'identification d'un besoin social du territoire à la sélection d'un projet particulier sur lequel un groupe d'acteurs travaillera de façon concrète. Le projet Silver Geek s'inscrit lui aussi dans cette logique d'innovation car il permet de rassembler des acteurs et des expertises différentes afin d'aboutir à un projet qui naît d'une synthèse entre différentes initiatives qui existaient déjà mais qui, isolées les unes des autres, manquaient d'efficacité. La démarche de co-construction de ces acteurs s'est bien sûr parfois heurtée à des difficultés. Et pour les surmonter, nos témoins ont tous souligné l'importance de se rencontrer régulièrement et d'instaurer un climat de confiance pour dépasser les craintes et a priori de chacun. Dans le projet Quand élèves et entreprises se rencontrent de Charenton Saint Maurice, le rôle de tiers de confiance joué par la collectivité a été essentiel à la coopération des acteurs. C'est ensuite le dialogue qui permet à chacun de faire le pas de côté pour sortir de son cadre et s'adapter aux particularités des autres. Et nous en arrivons ainsi à la deuxième grande question, celle du financement et de la structuration juridique de ces alliances. Ces alliances territoriales ne se traduisent pas nécessairement par une structure juridique ou administrative dédiée comme nous l'avons vu dans le module précédent. Ainsi, le Collectif pour l'emploi évoqué précédemment n'est pas formalisé au niveau national pour garder plus de souplesse. Des conventions sont cependant signées avec les associations qui font partie du triptyque à l'échelle territoriale. Les membres du collectif Silver Geek, quant à eux, revendiquent fortement cette absence de structuration, dont ils pensent qu'elle permet plus de flexibilité et plus d'efficacité. Les décisions sont prises collégialement pour une mise en oeuvre rapide et concrète. Les acteurs de Charenton Saint Maurice soulignent cependant que la question de l'établissement d'un cadre juridique se pose inévitablement pour la gestion du financement et des ressources telles que le mécénat de compétences. En termes de financement de ces alliances, justement, vous aurez constaté à quel point les modalités en sont multiples. Le financement du Collectif pour l'emploi s'effectue par exemple via le mécénat de compétences des quatre membres du collectif et via des apports financiers aux associations accélératrices d'innovation sur les territoires. Le dispositif Émergence, quant à lui, est financé par des collectivités publiques, le Conseil Régional, des entreprises telles que la Macif et les porteurs de projets eux-mêmes. Le projet de recherche sur la revalorisation des besoins industriels, accompagné par le Labo des partenariats en Alsace, est un autre exemple de panachage de ressources financières. Il comprend de l'autofinancement de l'entreprise sociale solidaire, un soutien du Conseil Régional, mais aussi des fonds alloués par Suez Eau pour tester ce prototype. Cela n'est pas le cas de Silver Geek dont le collectif a démarré à partir d'un financement 100 pour 100 privé, provenant de l'ensemble de ses membres, que cela soit de dotations financières, matérielles ou de la mise à disposition de ressources ou de compétences. Ce n'est qu'à l'issue de la phase d'expérimentation et après avoir prouvé l'impact de leur activité que les collectivités territoriales se sont engagées à leur tour et ont financé le projet. A l'inverse, le projet Quand élèves et entreprises se rencontrent est pour l'instant financé uniquement par la collectivité de Charenton Saint Maurice. Les représentants de cette collectivité insistent cependant sur le fait qu'il faudra trouver un modèle de financement plus hybride et pérenne afin de dupliquer ce dispositif à d'autres problématiques ou d'autres territoires. Les PTCE, que vous a présentés Françoise Bernon incarnent parfaitement la multiplicité des formes juridiques comme des modalités de financement de ces alliances. Certains s'appuient sur une association, voire une SCIC, Société coopérative d'intérêt collectif, tandis que d'autres s'organisent en cercles n'ayant pas d'existence juridique officielle. De nombreux PTCE s'autofinancent, mais certains bénéficient de subventions ministérielles ou encore du soutien d'entreprises privées. Enfin, et c'est la troisième grande question de ce module, nos témoins rappellent que l'évaluation est un élément clé de la réussite d'une alliance territoriale. Les porteurs du projet Silver Geek ont insisté sur le fait que cette évaluation doit être double : évaluation de l'impact social du projet auprès des bénéficiaires, et évaluation de la bonne marche de l'alliance auprès et vis à vis des partenaires. Cette évaluation doit être prévue dès les premières phases du projet, et les indicateurs définis de manière collégiale. Deux types d'indicateurs se distinguent. Les indicateurs qualitatifs, pour le Collectif pour l'emploi. Il s'agit par exemple de la satisfaction des acteurs, de leur sentiment d'implication et de confiance. Le dispositif Emergence s'intéresse quant à lui à la capacité du projet à inscrire le fait collaboratif dans les mentalités et à inspirer de nouveaux projets. Deuxième nature d'indicateurs : les indicateurs quantitatifs. Pour le projet Silver Geek, il s'agira par exemple du nombre de bénéficiaires touchés par le projet, et pour Émergence du, nombre d'emplois créés. Comme le rappellent nos témoins, il est également intéressant de mesurer les coûts évités pour la société ou pour la collectivité. Concluons par les facteurs clés de succès de ces alliances que vous a rappelés Charles-Benoît Heidsieck. Un, la pédagogie, il est important que les acteurs des alliances témoignent de leur démarche pour montrer la richesse qui s'en dégage, Deux, l'altérité, il faut être ouvert à la différence et prêt à changer de posture. Et trois, la confiance et bien sûr le temps.