[MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Je m'appelle Hugues Sibille. Je suis président de la fondation du crédit coopératif. Mais je suis également président de deux structures qui s'occupent d'innovation sociale. Le Labo de l'ESS et l'Avise, agence de valorisation des initiatives socio-économiques. Il se trouve que j'ai présidé pendant deux ans le comité français d'investissement à impact social qui est un comité qui a été mis en place suite à une réunion internationale du G8 à Londres qui a décidé de créer dans chaque pays des task forces pour travailler sur l'investissement à impact social. Et donc j'ai présidé le comité français et j'ai remis un rapport au gouvernement avec 21 propositions pour développer l'investissement à impact social en France. Je choisis de vous parler d'un territoire qui s'appelle Figeac et où il y a une entreprise qui s'appelle La ferme de Figeac, qui est une coopérative agricole. Je la trouve très intéressante parce qu'elle fait son métier de coopérative agricole mais elle fait beaucoup plus que cela. Donc, elle a monté des circuits courts de produits agricoles et agro-alimentaires. Elle a ensuite créé des activités dans les énergies renouvelables en créant une coopérative de toits pour équiper en photovoltaïque des toits d'un certain nombre de bâtiments de cette région. Puis comme cela marchait, elle a fait appel en crowdfunding à des financements locaux pour créer un parc éolien. Et puis comme ça marchait, elle est allée encore un peu plus loin. Et maintenant, ils ont créé donc en rassemblant un certain nombre de partenaires, des entreprises locales, l'IUT, ils ont créé un circuit court avec une entreprise d'insertion. Ils sont en train de créer une crèche interentreprise et ils mobilisent toute une série d'acteurs de ce bassin d'emploi de Figeac autour du développement économique de ce territoire et pour améliorer sa compétitivité et son attractivité de manière très ouverte entre monde économique, monde de l'ESS et collectivités territoriales. Je vous ai parlé de La ferme de Figeac qui me semble une belle réussite. Et à partir de cet exemple, on peut regarder quels sont les facteurs clés de succès puisqu'ils me semblent réunis à Figeac. Donc, regardons ce que sont ces facteurs de succès. D'abord, il me semble que ces alliances qui sont quelque chose d'un peu récent en France, est pas toujours facile dans la culture française. Il faut qu'elles soient pilotées par la société civile. Je ne pense pas que ce soit à la collectivité publique d'être le pilote. Donc, il faut que cette alliance, ce soient les acteurs de la société civile qui la pilotent. Deuxièmement, je pense que ces alliances doivent avoir une approche entrepreneuriale. Une approche entrepreneuriale, ça veut dire qu'il faut qu'il y ait des modèles économiques, il faut qu'il y ait un sens du risque, de la prise d'initiatives, si on veut éviter ce qui est un travers français habituel, c'est-à-dire une institutionnalisation où l'alliance devient un lieu très institutionnel où il y a des enjeux politiques, des enjeux de pouvoir qui empêchent le développement. On doit être dans une culture entrepreneuriale. Et enfin, la troisième condition pour moi, c'est d'avoir une mesure de l'impact collectif. C'est-à-dire, cette alliance, elle n'est pas une alliance pour l'alliance. Elle est une alliance pour produire des résultats. Et cela, il faut avoir des objectifs assez précis pour pouvoir mesurer l'impact de ce qu'on fabrique. Pour réussir, ces nouvelles alliances ont d'abord besoin que des acteurs qui aujourd'hui ne savent pas travailler ensemble apprennent à le faire. C'est la première condition. Et aussi évidemment, ils auront besoin d'avoir des outils de financement appropriés. Parmi ces outils de financement, on peut penser que le social impact bond, nous rentrerons dans une boîte à outils qui se met en place. Pour l'instant, ces outils sont encore assez largement expérimentaux. Et donc, on ne peut pas prétendre qu'à court terme, dans les deux ans ou trois ans qui viennent, cela représente une masse de financements qui seraient substitutifs à d'autres financements existants. Mais progressivement, si on fait la preuve que ces outils fonctionnent, ils pourraient contribuer assez largement à financer ce qu'on appelle de l'impact collectif. Un titre à impact social, c'est quoi? C'est un contrat entre trois types de contractants. D'une part, un opérateur social. C'est lui qui réalise la mission sociale. Dans le cas par exemple du premier social impact bond de la prison de Peterborough en Angleterre, ce sont les associations locales qui s'occupent de la réinsertion de détenus. Il faut ensuite des financeurs privés qui vont apporter l'argent pour réaliser la mission de l'opérateur social. Ils vont prendre le risque, ces apporteurs de fonds privés, en se mettant d'accord sur des objectifs de résultats. Nous nous mettons d'accord sur le fait que nous allons réinsérer tant d'anciens détenus. Et troisièmement, c'est un contrat avec un financeur d'intérêt général qui est l'État, la collectivité locale, voire une fondation, qui va rembourser les apporteurs de fonds privés au vu des résultats, ce remboursement ayant une taille plus ou moins grande en fonction des résultats obtenus. En matière de financements innovants et en particulier pour financer des alliances territoriales et financer l'innovation sociale, il y a aujourd'hui des outils qui essaient de s'implanter ou qui s'implantent en France. Le premier d'entre eux que je citerais sont les fondations territoriales, qui nous viennent notamment du Canada et des Etats-Unis, qui sont des fondations, ce qu'on connaît assez bien, mais dont le principe est qu'elles lèvent de l'argent local et jouent un rôle de tiers de confiance pour financer des projets locaux. Donc, au fond, les personnes physiques ou les entreprises qui ne savent pas très bien à qui donner de l'argent pour faire du mécénat, elles passent par une fondation territoriale qui sélectionne des projets, qui s'assure que l'argent ira au bon endroit et qu'on pourra avoir une mesure des résultats. Donc, voilà un premier outil, la fondation territoriale, qui peut très bien aller avec ces alliances territoriales dont nous avons parlé tout à l'heure. Ensuite, il y a bien sûr toutes les approches de circuit court de l'argent et du financement qui sont le crowdfunding, qui sont des levées de fonds comme je l'ai cité dans le cadre de Figeac, où on fait appel au financement des particuliers ou des personnes morales sur des projets précis en utilisant des plate-formes de crowdfunding ou de financement participatif qui se développent quand même assez rapidement en France, donc selon les trois formules, du prêt, du don, ou de l'investissement en equity. Et je pense que cela va se développer dans les années qui viennent et que donc on pourra lever de l'argent de cette façon. Il y a ensuite et enfin, et je terminerai par là, l'ensemble des outils de finance solidaire. Donc, l'épargne salariale solidaire qui permet de lever des financements en mobilisant des ressources. Par exemple celles des plans d'épargne entreprise dont aujourd'hui une partie peut être fléchée pour financer des projets d'économie sociale et solidaire, et qui représente des montants importants puisqu'aujourd'hui, l'épargne solidaire en France, c'est 6,8 milliards d'euros. Et donc, qui commence à permettre de financer de manière importante des projets socialement innovants. Donc, il me semble que, aujourd'hui, on commence à avoir une boîte à outils tout à fait significative. On pourrait parler aussi de la banque publique d'investissement qui a créé un fonds innovation sociale qui s'appelle le FISO. Donc, on a une boîte à outils et ce qu'il faut, c'est surtout maintenant avoir de bons projets et de l'accompagnement de ces porteurs de projets de façon à ce que les financements arrivent au bon endroit et permettent que les projets non seulement naissent mais ensuite se développent et changent de taille. [MUSIQUE]