[MUSIQUE] >> Nous recevons, pour ce troisième module sur le comment, sur la façon opérationnelle de mettre en œuvre ces alliances territoriales, de les construire, Charles-Benoît Heidsieck, président >> du RAMEAU. Et ma première question porte sur le rôle respectif des différents acteurs de cette co-construction que sont les entreprises, les associations, les collectivités territoriales et peut-être d'autres acteurs. >> Alors, finalement ce qui est intéressent derrière cela c'est que chacun a un rôle bien déterminé. Concernant la collectivité territoriale, elle est finalement dans un rôle de facilitateur et c'est peut-être d'ailleurs ça qui en fait la différence par rapport à son rôle traditionnel. Ce n'est pas tant d'être un rôle de régulateur dans cette dynamique d'alliance territoriale que facilitateur, permettre aux acteurs du territoire de se mettre autour d'une table et de pouvoir réfléchir ensemble à comment répondre aux enjeux du territoire. Concernant les entreprises, c'est très clair, finalement elles sont en charge du développement économique du territoire. Donc, finalement, leur capacité à produire des biens et des services qui répondent aux besoins du territoire est invoquée et notamment leur capacité aussi à pouvoir changer d'échelle les initiatives qui peuvent émerger de le part du territoire. Et puis, le troisième acteur, bien évidemment, ce sont les structures d'intérêt général, qui sont le lieu de mobilisation des hommes et des femmes au service des enjeux de leur territoire. Et ce qui est très intéressent, c'est que de cette capacité à détecter les besoins, à pouvoir être en proximité sur les questions sociales, environnementales, sociétales, de pouvoir faire émerger de nouveaux besoins, y compris d'ailleurs de nouveaux besoins qui peuvent donner lieu à des activités économiques et de pouvoir réfléchir ensemble à travers ces acteurs-là, dans la dynamique. Mais bien évidemment, n'oublions pas deux autres acteurs qui sont essentiels, ce n'est pas, à nos amis de l'ESSEC, que j'oublierais bien évidemment, les acteurs du monde académique et de l'éducation parce que très importants, bien évidemment, pour projeter ça aussi dans une temporalité sur le territoire. Et puis, dernier acteur, que nous ne devons pas oublier bien évidemment, ce sont les habitants eux-mêmes, sachant qu'il faudra différencier dans les dynamiques d'alliance territoriale celles qui seront plutôt le lieu de réflexion entre les organisations et celles qui seront plutôt les lieux de réflexion mobilisant les habitants eux-mêmes. On n'est pas dans la même posture si on est appelé à réfléchir en tant qu'une organisation qu'un corps social constitué ou à un citoyen dans son pouvoir d'agir de citoyen. Et donc ce qui est très c'est que finalement on a dans la rencontre de ces alliances territoriales, j'allais dire, les praticiens que sont les structures d'intérêt général et les acteurs économiques, et puis on a le facilitateur qu'est la collectivité territoriale, gardien, j'allais dire, de l'unité du territoire et de la capacité à répondre à ces enjeux d'intérêt général. >> Alors, les acteurs sont maintenant clairement identifiés, sont bien posés. Quels sont les instruments qui existent au service de ces acteurs pour cette co-construction des partenariats. >> Alors, les instruments qui sont au service, on a un peu vu dans le MOOC 2, mais j'aimerais bien pouvoir y revenir. C'est d'une part cette capacité de dialogue territorial, donc d'être capable de dialoguer ensemble sur cette vision des territoires. C'est, deuxième outil, les expérimentations finalement qui peuvent être menées, permettant d'articuler les différents acteurs entre eux et finalement les différentes solutions que chacun peut amener comme dans un puzzle finalement, des pièces de puzzle. Et puis, la troisième, c'est l'outil d'accompagnement des partenariats parce que on le sait, pour que des partenariats puissent se développer et notamment pour qu'ils puissent durer dans le temps, la notion d'accompagnement est extrêmement importante, en amont, pour les faire amorcer. Mais aussi, à un moment donné, pour pouvoir en évaluer la pertinence, et pouvoir aller plus loin, cette dynamique d'accompagnement des partenariats est très structurante et c'est ce que permet les alliances territoriales. >> Alors, le propre de ces partenariats, vous venez de le rappeler, c'est de mobiliser de nombreux acteurs. Quand il y a de nombreux acteurs, il faut qu'ils travaillent ensemble de façon efficace et se pose donc une question de gouvernance. Comment, dans ces alliances territoriales, la gouvernance se met-elle en place et se développe-t-elle. >> Alors, un point qui est essentiel dans la gouvernance c'est que, au départ, pour fonctionner, il faut qu'elle soit relativement informelle. Et il faut, et c'est vraiment important, qu'aucun des acteurs n'ait le sentiment d'être finalement le propriétaire de cette démarche. Il peut y avoir un instigateur, et d'ailleurs dans le réseau des 200 pionniers des alliances en territoire, on constate que un tiers provient des collectivités territoriales, un tiers provient du secteur associatif et un tiers provient des entreprises. Donc, on voit bien que peu importe l'instigateur, mais il faut que l'instigateur invite finalement l'ensemble des acteurs a être au même titre autour de la table et ça c'est un point extrêmement important. Donc plus la gouvernance au départ est formelle plus ça empêche finalement de la co-construire. Et finalement ce qui est très intéressent c'est que la gouvernance est peut-être le dernier élément qui se co-construira entre les acteurs du territoire. Nous suivons, depuis huit ans maintenant, des expériences de co-construction territoriale et finalement, contrairement à ce que l'on peut penser et ce qui est souvent la tradition en France de commencer par quel dispositif, quelle gouvernance, c'est finalement après cinq, six ans d'expérimentation commune que la question de la gouvernance réellement finit par émerger en se disant bon, maintenant une fois qu'on ait la preuve de concept, une fois qu'on voit bien ce qu'a permis ces alliances territoriales, comment est-ce qu'on peut les pérenniser et c'est donc après et non pas avant que la question de la gouvernance finalement finit par se poser. >> Alors, de nombreux acteurs, une gouvernance plutôt informelle, plusieurs outils de régulation, d'accompagnement, d'aide, >> tout ceci paraît bien complexe. Comment inciter les acteurs du territoire à s'engager dans ces démarches d'alliance territoriale? Et puis comment les pérenniser? >> En fait c'est tout le contraire, c'est-à-dire que ce n'est pas du tout complexe, c'est le bon sens même. Si nous sommes aujourd'hui convaincus, que face à l'ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés, il n'y a plus de capacité d'une seule organisation à trouver une solution toute seule. Alors, la première notion importante c'est le dialogue, c'est de se mettre autour d'une table pour dire qu'est-ce qu'on fait? Si il faut articuler aujourd'hui les acteurs entre eux, les domaines d'action entre eux, les territoires entre eux, personne n'ayant la solution, mais finalement qu'est-ce qu'on fait ensemble? Donc c'est juste une formule de bon sens, c'est de sortir du cloisonnement que nous avons connu, notamment depuis 70 ans en France, avec une volonté très louable de pouvoir répondre chacun à des enjeux bien clairement identifiés finalement il y a 70 ans, mais qui se reposent aujourd'hui de façon tellement structurante et structurelle que quelque part le bon sens commence à commencer ensemble. Et du coup, être ensemble, c'est déjà la première démarche de l'alliance territoriale et c'est progressivement par petits pas, par stratégie de petits pas, que finalement va se construire la solution qui est la plus opportune pour le territoire, en fonction des enjeux qui sont les siens. >> Donc finalement la complexité est plutôt issue du cloisonnement que de cette volonté de décloisonner. >> Absolument. >> Une fois qu'on a convaincu de ce qui est une évidence pour nous mais pas forcément pour les acteurs. Quels sont les facteurs clés de succès de ces alliances territoriales? >> Alors justement c'est beaucoup de pédagogie, c'est-à-dire finalement c'est de pouvoir témoigner de ce qu'on a vécu, ce n'est pas une théorie la co-construction territoriale, c'est vraiment une dynamique vécue. Donc ceux qui l'ont vécu, que ce soit les collectivités territoriales, que ce soit les entreprises, que ce soit les associations, que ce soit les acteurs académiques, finalement de pouvoir témoigner de cela et de pouvoir dire, mais en fait on est dans la vraie vie, on est dans le principe de réalité et du coup de sortir d'une théorisation du sujet pour dire finalement, moi, qu'est-ce que j'ai vécu et comment est-ce que je peux impliquer autour de la table finalement mes autres pairs? Le deuxième point c'est l'altérité, c'est-à-dire de commencer par se dire qu'est-ce que je peux changer moi avant de pouvoir dire qu'est-ce que les autres vont changer autour de la table. On est tellement dans une attitude où on dirait finalement avant que moi-même aie à changer, que ce soit d'ailleurs à titre individuel ou à titre des organisations, il faudrait que les autres commencent par changer. Non. Quel est le pas de côté que je peux faire? Et faisant ce pas de côté, finalement les choses vont permettre d'éclairer différemment les choses. Et puis, la troisième chose, c'est peut-être la plus importante, c'est la confiance et le temps. Puisque nous sommes sur des dynamiques avant d'être sur des actions et que ces dynamiques sont des dynamiques structurantes, pour qu'elles puissent produire réellement leur effet, finalement il faut un, faire confiance, se faire confiance à soi, aux autres organisations du territoire et à la capacité collective du territoire à répondre à ces enjeux, donc une triple confiance. Et puis derrière, après, se donner le temps. Or, nous savons bien, 99 % des solutions existent déjà aujourd'hui. Elles ne sont pas à inventer, elles sont à articuler parce que si nous savons comment les acteurs publics, les acteurs économiques, les acteurs d'intérêt général, les acteurs, finalement, académiques, les acteurs médiatiques peuvent contribuer finalement à un projet partagé, si les citoyens finalement se mobilisent et ont envie de ce projet partagé, finalement, ils sont eux-mêmes co-constructeurs. Alors, nous allons régler les problématiques auxquelles nous sommes confrontées. [MUSIQUE]