[MUSIQUE] [MUSIQUE] Nous recevons aujourd'hui Arthur Gautier qui est ingénieur de recherche, directeur exécutif de la Chaire Philanthropie de l'ESSEC. Arthur, est-ce que vous pouvez nous présenter brièvement cette Chaire Philanthropie de l'ESSEC? >> La Chaire Philanthropie, c'est une chaire de recherche qui a été créée en 2011 pour développer et diffuser les nouvelles connaissances sur la philanthropie au sens large, les dons des particuliers, le mécénat d'entreprise, mais aussi l'action des fondations. Et donc, au sein de l'ESSEC, on a une petite de recherche et on essaye de faire partager tout ce qu'on trouve sur ces nouvelles façons de donner. >> Sur ces nouvelles façons de donner, sur ce que vous avez pu trouver, ce MOOC s'intéresse aux alliances territoriales, et donc aux différents moyens de regrouper, de rassembler des acteurs >> locaux, des acteurs territoriaux sur différents objets ou différentes causes. Est-ce que vous pouvez nous présenter le concept de fondation territoriale? >> Une fondation territoriale, c'est un organisme privé sans but lucratif, d'intérêt général comme toutes les fondations en France, >> mais qui a la particularité de recueillir des dons locaux pour soutenir des projets locaux sur un territoire donné, donc il y a un ancrage territorial très fort de ces fondations. L'enjeu, c'est de répondre à des fragilités ou des problèmes spécifiques à un territoire donné, c'est de fédérer des acteurs très différents, des entreprises, des particuliers, des collectivités locales, des groupements professionnels et je dirais que plus généralement, ça fait partie d'un mouvement international qui s'appelle les community foundations, donc les fondations communautaires comme disent nos amis québécois, et qui est un mouvement qui regroupe aujourd'hui 1 800 fondations, la moitié à peu près sont aux États-Unis. C'est un type de fondation qui est très répandu aussi en Europe, il y en a plus de 600 aujourd'hui, avec beaucoup de croissance en Allemagne, en Italie, notamment. La plus célèbre, la plus ancienne, on va dire, c'est la Cleveland Foundation qui existe toujours, créée en 1914, ça remonte un petit peu. Je dirais qu'en France, le mouvement est plus naissant, il y en a un petit peu moins, on pourrait en compter à peu près une trentaine avec un périmètre un peu large. Les plus connues sont la Fondation de Lille, la Fondation Passions Alsace par exemple, qui ont été créées dans les années 90 et 2000. >> Vous avez évoqué la réparation des vulnérabilités. Il y a aussi peut-être parfois l'idée de financer des grands projets ou d'impulser une dynamique territoriale? >> Oui, les causes sont très larges, vous avez tout le scope de l'intérêt général qui est concerné, vous avez certaines fondations qui vont aller sur la culture et le patrimoine, d'autres qui vont plutôt aller sur les questions d'emplois, d'économie sociale et solidaire. En fait, l'avantage de ces fondations, c'est que par rapport aux autres fondations types entreprises ou autres fondations reconnues d'utilité publique, c'est qu'elles ont un périmètre étroit et un objet très large. Périmètre étroit parce qu'on est cantonné à un territoire local qui peut être une ville, un département, une région, là où d'autres fondations agissent à l'international, mais par contre, on a un objet très large, on n'est pas uniquement sur un thème, trois thèmes comme une fondation d'entreprise, on peut être sur une variété de thématiques qui sont d'ailleurs souvent imbriquées les unes les autres et c'est au niveau local généralement qu'on peut plus traiter cet enchevêtrement des problèmes. >> Donc, si on s'intéresse à la fondation d'entreprise et aux autres formes de fondations, >> la différence principale entre une fondation territoriale et puis d'autres fondations, des fondations d'entreprises, c'est précisément cette dimension de périmètre? >> Oui, il faut aussi souligner que la fondation territoriale n'est pas un statut juridique à part. C'est important de le noter. C'est une forme de fondation mais qui peut adopter des statuts juridiques classiques, type fondation reconnue d'utilité publique, fondation abritée également, ou même fondation d'entreprise quand vous avez plusieurs entreprises qui veulent créer une dynamique territoriale. C'est le cas de Mécène et Loire par exemple, en Maine-et-Loire, qui regroupe une quarantaine d'entreprises. Vous avez plusieurs statuts différents. Ce qui est important, c'est vraiment la dynamique collective, ça peut être impulsé par une personnalité morale ou plusieurs. Vous avez par exemple à Bordeaux, Bordeaux Mécènes Solidaires, où c'est à la fois la ville, le CCAS et le Crédit Municipal de Bordeaux qui ont créé ensemble la fondation. >> Vous venez d'évoquer la diversité des statuts et on va dire l'absence de statut juridique des fondations. Quelles conséquences alors en termes de fonctionnement, de gouvernance, de financement? >> Un gouvernant, c'est un point clé, puisque vous avez des parties prenantes très différentes qui vont faire partie de la fondation. Vous allez avoir des organismes publics, vous allez avoir des entreprises, des particuliers, des donateurs, des associations qui organisent sur le terrain des actions. Donc, la question des statuts est clé puisque la rédaction des statuts peut prévoir différents collèges qui vont représenter toutes les parties prenantes. Et éventuellement un code de déontologie, puisque vous vous en doutez, il y a aussi potentiellement des conflits d'intérêts, voire des questions de couleurs politiques qui pourraient teinter certaines de ces fondations, ce que veulent vraiment éviter généralement les fondateurs. Donc, par les statuts, on peut vraiment organiser la gouvernance de manière paritaire en fonction des différents intérêts qui sont représentés et faire en sorte que les donateurs soient bien représentés, mais aussi un collège d'experts ou de personnalités qualifiées qui peuvent venir apporter leurs compétences pour choisir les causes et bien affecter les dons. >> On parle de causes justement. Est-ce que vous pourriez nous donner un ou deux exemples de projets, de réalisations très concrètes de ces fondations territoriales? >> C'est très vaste, je pourrais en citer deux. À Lyon, vous avez l'Université de Lyon qui a lancé un mouvement de fondations qui finalement regroupe tous les acteurs qui s'intéressent à la recherche scientifique à Lyon et dans sa région, et ils ont réussi à financer de manière expérimentale les premières promotions d'une nouvelle école, une école spécialisée sur la peinture murale et donc c'est via la fondation territoriale que ce projet a vu le jour. Des donateurs, des habitants de Lyon ont financé les premiers étudiants dans cette école. Un autre projet c'est par exemple la Fondation Alsace Passions qui tous les ans fait un grand appel à projets pour valoriser des initiatives associatives d'Alsace. Non seulement ils les financent, mais ils ont un partenariat médias avec Les Dernières Nouvelles d'Alsace, France 3, pour mettre en avant ces réalisations associatives, donc là aussi pousser le secteur associatif vers là. >> On voit bien que ces fondations territoriales sont des objets de ce qu'on appelle parfois le collective impact, l'action collective, c'est bien la dynamique qui est à l'œuvre dans >> cette démarche. D'ailleurs, on a eu l'occasion de présenter ces questions de collective impact dans tout ce qui est impact investing dans un autre MOOC, La finance qui change le monde, que nous faisons à l'ESSEC. Une dernière question sera autour de l'impact justement. Est-ce qu'on peut donner quelques pistes d'évaluation ou de mesure de cet impact et de l'impact de ces fondations territoriales? >> Le premier impact, il est financier. C'est une évidence, la plupart de ces fondations sont des collectrices de dons qui vont ensuite être fléchés envers des projets sélectionnés. Donc, il est évident qu'à l'époque où les subventions publiques sont de plus en plus rares, certains acteurs associatifs qui font du travail remarquable sont à la recherche de nouveaux financements et ces fondations viennent là principalement en soutien financier. Mais le soutien ne s'arrête pas là, vous avez aussi au sein des fondations territoriales des rencontres très intéressantes entre justement des chambres de commerce, des représentants des entreprises locales, des chapitres locaux d'associations type École de la deuxième chance ou autres. En fait, cette rencontre dans un cadre neutre, je dirais dépolitisé et avec un intérêt commun qui est la dynamique du territoire, ça permet de faire des rencontres intéressantes et peut-être de créer de nouvelles alliances puisqu'on parle de ça dans ce MOOC, les fondations territoriales peuvent être ces espèces de laboratoires de rencontres pour justement trouver des nouvelles solutions à des problèmes concrets localement. >> Vous venez d'évoquer les questions de gouvernance, la multiplicité des parties prenantes, si on va un peu plus loin en termes du financement de ces fondations, quelles seraient les caractéristiques, les spécificités des fondations territoriales? Les fondations territoriales vivent de deux grands types de financements. D'abord, les financements qui vont servir à constituer ou à alimenter la dotation de cette fondation, puisque le principe c'est de créer une dotation dont on utilise ensuite les revenus pour faire une action de long terme sur le territoire. Mais vous avez aussi des financements plus ponctuels, par exemple des campagnes de collectes peuvent être organisées. Par exemple en 2008, il y a eu une grande tornade à Lille qui a dévasté une partie du territoire et la Fondation de Lille a fait une grande collecte auprès des habitants qui ont pu, je crois, lever 150 000 euros pour des familles relogées ou sinistrées. Les financements peuvent venir de particuliers, on en a parlé, des gens très modestes comme des gens plus fortunés. >> Un peu comme du crowdfunding finalement. >> Voilà, vous avez une forme, d'ailleurs la plupart des fondations aujourd'hui lancent des plateformes de crowdfunding au sein de la fondation territoriale. Vous avez bien sûr les entreprises qui sont souvent les plus gros financeurs des fondations territoriales et puis, vous avez potentiellement aussi des financements publics qui peuvent être abondés, les financements de types dons privés serviront d'effet de levier pour entraîner d'autres financements. 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