[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bienvenue dans ce dernier Allons plus loin du MOOC Les alliances qui changent les territoires. Tout au long de ce MOOC, nous avons mis l'accent sur les territoires et insisté sur le potentiel d'impact d'une alliance composée d'acteurs d'un territoire, chacun expert dans un domaine particulier, qui se mobilisent pour résoudre une fragilité de ce même territoire. Alors d'abord les facteurs clés de succès des alliances dans ces territoires. Pour rappel, ces alliances territoriales produisent souvent trois types d'impacts principaux. Premièrement, un impact en termes d'innovation sociétale qui conduit au développement de nouveaux moteurs de croissance économique et à la réduction des fragilités. Deuxièmement, un impact sur la performance des parties prenantes de l'alliance, chacune dans son activité. Et troisièmement, la création d'un climat de confiance qui renforce l'engagement des organisations et des citoyens au service de leur territoire. Pour arriver à co-construire, nous avons vu que plusieurs préalables ou facteurs clés de succès, j'en parlais il y a un instant, sont nécessaires. D'abord, une vision commune de la problématique traitée, une capacité d'ouverture et de prise en compte de la différence et enfin un respect mutuel et des valeurs partagées. Ces alliances multi-acteurs sont alors confrontées à de nombreux défis. Comme nous l'avons vu dans le premier module, le territoire dans lequel elles s'ancrent, évolue en permanence. Il faut donc faire preuve d'une grande souplesse et d'une innovation constante pour s'adapter à ces changements de contexte économique, législatif ou encore politique. Pour les acteurs privés, le fait de travailler avec des acteurs publics introduit une complexité supplémentaire puisque ses interlocuteurs sont renouvelés au gré des élections, notamment pour ce qui concerne les élus. Or vous aurez certainement constaté au travers des nombreux témoignages de ce MOOC, à quel point ces alliances sont avant tout le fait de femmes et d'hommes engagés. Le danger est que ces « intrapreneurs » ne restent pas assez longtemps en poste pour réellement pérenniser l'alliance. Enfin, l'implication des habitants de ces territoires est essentielle et nous verrons à la fin de cette vidéo que le numérique peut être un outil très intéressant pour la favoriser. L'un des plus grands défis des alliances territoriales aujourd'hui est justement de les articuler avec d'autres territoires et d'adapter ses réussites dans d'autres territoires pour les dupliquer. Il s'agit donc de la question du changement d'échelle de ces alliances. Alors, pourquoi et comment faire changer d'échelle les innovations sociales en territoire? Mais au fait comment définir le changement d'échelle? Eh bien, nous pouvons pour cela reprendre la définition utilisée dans le rapport Ensemble Accélérons, fruit d'un groupe de travail sur le changement d'échelle des innovations. Ce travail est piloté par le SGMAP et le CGET, notamment Benoît Landau et Emmanuel Dupont que vous avez eu la chance de rencontrer dans ce MOOC. Cette définition du changement d'échelle est la suivante : Ce sont, je cite, les diverses modalités d'essaimage, de transfert, de transposition, de diffusion concourant à renforcer et à démultiplier l'impact d'innovations ou d'initiatives. Il s'agit plus précisément de faire bénéficier d'autres acteurs et d'autres territoires d'une initiative ayant fait la preuve de son intérêt, jusqu'au niveau où elle répond aux besoins. Pour aller plus en profondeur, reprenons la typologie développée dans l'ouvrage de référence réalisé par l'ESSEC intitulé Changer d'Échelle, Manuel pour Maximiser l'Impact des Entreprises Sociales et que vous trouverez dans les ressources complémentaires de ce MOOC. Ce manuel, qui est élaboré par la chaire Entrepreneuriat Social de l'ESSEC, met en avant quatre grandes catégories de changement d'échelle. Un, l'approfondissement, aussi appelé scale deep, qui consiste à faire mieux ce que l'on fait déjà, en changeant le positionnement d'une activité pour mieux répondre aux besoins des bénéficiaires par exemple. Deux, c'est la diversification ou scale out, qui consiste à faire autre chose que ce que l'on fait déjà, c'est-à-dire étendre son champ d'activité à de nouveaux produits ou services. Trois, la diffusion par duplication ou scale up, c'est-à-dire faire plus que ce que l'on fait déjà en diffusant son modèle sur d'autres territoires. Et enfin quatrième modalité, c'est la diffusion par mise à disposition ou scale across, qui consiste à faire faire à d'autres ce que l'on fait déjà. Ici, une structure fondatrice met à disposition son expérience pour que d'autres s'en emparent avec ou sans contrepartie financière. Ce livre sur le changement d'échelle a été conçu à partir d'études de deux cas d'entreprises sociales et l'on peut tout à fait imaginer une transposition de ce modèle aux alliances territoriales puisque nombre d'entre elles sont justement les entreprises sociales. Mais au juste pourquoi changer d'échelle? Pourquoi ne pas se contenter de voir émerger ces initiatives innovantes un peu partout sur les territoires? Eh bien, la première raison et la plus évidente est liée à la finalité de ces alliances territoriales. Ces alliances visent en effet à résoudre une problématique sociale, sociétale et/ou environnementale majeure comme l'insertion professionnelle quand on parle du collectif pour l'emploi ou le recyclage pour reprendre l'une des initiatives accompagnées par le dispositif émergence. Ces problématiques peuvent être particulièrement présentes dans un territoire donné mais on les retrouve également dans de nombreux autres territoires. La première raison de changer d'échelle est donc d'accroître l'impact social ou environnemental d'un projet et d'en faire bénéficier plus de personnes sur plus de territoires. Le changement d'échelle peut également permettre de créer un cercle vertueux entre acteurs de différents territoires qui peuvent ainsi s'enrichir et s'inspirer mutuellement. Et c'est in fine un moyen de garder la dynamique d'alliance vivante. Malgré toutes ces promesses, le changement d'échelle des alliances territoriales est encore très peu répandu pour plusieurs raisons. Premièrement, le phénomène des alliances territoriales est extrêmement récent, or le changement d'échelle implique que le projet, l'alliance ait fait la preuve de concept et ait atteint un certain degré de maturité. Deuxièmement, les dispositifs de soutien au changement d'échelle sont bien moins nombreux et de loin que ceux encourageant la création d'initiatives innovantes. Les programmes d'accompagnement au changement d'échelle existants comme le programme scale up d'Antropia ESSEC ciblent par ailleurs des entreprises sociales individuelles et non pas, pour le moment, des alliances multi-acteurs. Troisième raison, faire changer d'échelle des initiatives locales n'est pas forcément naturel, instinctif. Vous avez vu que la coopération entre les acteurs d'un même territoire qui partagent une proximité géographique et culturelle est déjà loin d'être chose courante et facile. Imaginez donc la difficulté que représentent l'identification et la coopération avec des partenaires dans d'autres territoires. Les acteurs publics en particulier sont extrêmement cloisonnés, ce qui implique des coûts de transaction assez élevés pour diffuser une innovation d'un territoire à l'autre, d'un secteur à l'autre. Enfin, n'oublions pas qu'il existe une certaine concurrence entre les territoires puisque chaque territoire cherche à être le plus attractif possible, en particulier vis-à-vis des entreprises et des citoyens. Alors pour surmonter ces obstacles et réussir le changement d'échelle d'une alliance territoriale, les facteurs suivants sont essentiels. D'abord, avoir une stratégie de développement claire, élaborée et conçue en commun par tous les membres de l'alliance. Ensuite deuxième élément important, avoir une mesure des résultats et de l'impact collectif de cette alliance pour s'assurer de son efficacité. Troisièmement, disposer des ressources humaines et financières suffisantes. Et enfin, quatrièmement, bénéficier de dispositifs d'accompagnement et d'un écosystème porteur à la fois dans le territoire d'origine de l'alliance mais aussi dans le territoire où peut se réaliser l'essaimage. Quoi qu'il en soit, le changement d'échelle n'est pas un processus linéaire, il ne consiste surtout pas à plaquer un modèle existant à l'identique sur un autre territoire. Venons-en maintenant aux instruments et outils de financement permettant de démultiplier ces alliances, ce sont des outils innovants. Et donc nous allons pour cela nous intéresser à la notion de social impact bond, ou titre à impact social, qu'a mentionnée Hugues Sibille dans son témoignage. Les SIB, social impact bonds, sont des obligations dont le rendement dépend de l'efficacité et de l'efficience des politiques sociales qu'elles financent. Concrètement, les pouvoirs publics nomment d'abord un, ce que les Anglo-saxons appellent un commissioner, un délégué, en lui fixant des objectifs à atteindre. Cette personne va trouver un investisseur et fixer avec lui les modalités, les éléments d'évaluation des résultats du contrat. L'investisseur finance les SIB qui serviront à financer les prestataires de services sociaux. Les prestataires interviennent alors auprès des publics ciblés, sur le cœur de leur action et si cette action atteint les objectifs fixés, alors les pouvoirs publics considèrent qu'ils ont réalisé des économies. Et le délégué, celui qui est chargé de gérer le projet, va attribuer à l'investisseur une partie des économies effectuées, calculées et fixées à l'avance dans le contrat de partenariat. L'exemple le plus connu et le premier des SIB concerne le programme de réinsertion de la prison de Peterborough en Angleterre. Il a été lancé en 2010 pour un coût de cinq millions de livres, à peu près sept millions d'euros dépendant des cours de change. Ce programme visait à diminuer de 7,5 % en cinq ans le taux de récidive d'un groupe de 2 000 détenus. Le Ministère de la justice s'est engagé à rembourser le capital assorti d'intérêts en cas de succès, puisque la baisse de la récidive diminue évidemment les dépenses futures. Les premiers résultats publiés en 2014 étaient plutôt encourageants puisque le taux de récidive avait diminué de 8,4 %, ce qui donc a permis un versement d'intérêts aux investisseurs. Après leur création au Royaume-Uni en 2010, les titres à impact social ont essaimé en Amérique du Nord mais aussi en Europe, aux Pays-Bas et en Allemagne notamment. En tout, plus de 100 millions de dollars ont déjà été placés à ce jour dans le cadre de ces SIB. Je vous invite pour en savoir plus sur cette modalité de financement très innovante à vous référer au MOOC La finance qui change le monde, innover dans l'impact investing, qui est également en ligne sur Coursera. En mars 2016, la France a rejoint ce mouvement avec le lancement par le Secrétariat d'état à l'économie sociale et solidaire du premier appel à projets visant à mettre en place des contracts à impact social. Il s'agit d'une inflexion sensible des politiques publiques puisque l'on passe d'une obligation de moyens à une culture de résultats dans le prolongement de la loi LOLF de 2001 sur les gestion des finances publiques. Il faut savoir que les contempteurs de ces titres à impact social craignent deux choses : qu'ils accélèrent le désengagement de l'État et de la puissance publique ou qu'ils ne financent que des programmes relativement peu risqués afin d'assurer un retour sur investissement suffisant. Pour autant et malgré ces limites, on peut cependant considérer ces SIB comme une piste de financement à creuset pour assurer le changement d'échelle des alliances territoriales. Pour terminer, le numérique constitue un autre outil très utile pour développer ces alliances. D'abord, parce qu'il permet de mobiliser les citoyens, que cela soit au travers de forums permettant de récolter leurs attentes et ensuite parce que les outils numériques permettent aux citoyens d'être acteurs à part entière de ces alliances au travers du crowd funding notamment. Le numérique transforme également complètement la notion de proximité et donc de territoire en effaçant les frontières et en fluidifiant le partage d'information. Autant de barrières au changement d'échelle qui peuvent donc ainsi être surmontées grâce au numérique. Là encore l'outil crowd funding est présenté en détails dans le MOOC La finance qui change le monde, innover dans l'impact investing dont je vous parlais il y a un instant et qui est également en ligne sur Coursera. Nous arrivons maintenant à la fin de ce MOOC. Vous savez dorénavant quels sont les principaux acteurs du territoire, comment ils s'unissent au sein d'alliances, quels sont les outils pour construire et évaluer ces alliances et quels sont les défis auxquels ces alliances font face. Alors, que vous soyez chefs d'entreprises, fonctionnaires, dirigeants d'association ou citoyens, à vous maintenant de rejoindre ce mouvement. Allez à la rencontre des autres acteurs de votre territoire et partagez alors vos idées pour le transformer, car nous en sommes convaincus, chacun peut faire partie d'une alliance qui change les territoires. [AUDIO_VIDE]