Bonjour à tous, et bienvenu donc dans cette session, dans ce Hang Out du MOOC Morin, merci beaucoup de suivre l'activité de la chaire Edgar Morin, de la complexité, portée par l'Essec Business School, vous avez été plus de 12 500 inscrits à ce MOOC, il y a eu plus de 8 000 posts, sur les forums, et plus de 150 000 vues des différentes vidéos. Donc je suis ici en compagnie d'Edgar Morin, merci beaucoup Monsieur Morin d'être avec nous. Nous allons donc vous poser différentes questions, il y a eu beaucoup d'échanges, donc vous avez été très actifs sur les forums et les différents types de discussion, vous vous posez de nombreuses questions sur l'évolution de plus en plus rapide de notre monde, sur le processus de mondialisation en cours, sur votre positionnement et la gestion de la complexité ambiante et à venir, aujourd'hui donc nous avons la chance de pouvoir poser vos questions, en direct, à Monsieur Morin. Nous avons sélectionné donc trois premières thématiques principales, qui sont le temps, la mondialisation et le savoir, Nous avons présélectionné certaines de vos questions, postées sur les forums ce week-end, et nous allons donc pouvoir commencer cet échange. Merci encore d'être avec nous pendant cette heure d'échanges. Donc nous allons commencer avec la première thématique qui est le temps, et la première question. Monsieur Morin, donc la première question, comment le facteur d'accélération du temps, qui rend obsolètes certaines de nos compétences, contribue-t-il à la complexité? >> Eh bien, tout d'abord il faut dire que le temps, même quand il n'est pas accéléré, est un défi à notre pensée, parce que, non seulement le présent, que nous croyons connu n'est pas vraiment connu, parce qu'il y a des phénomènes souterrains qui échappent à notre connaissance et qui se révèlent trop tard, mais le futur comporte une part d'imprévisibilité. Donc, même sans accélération, nous avons un défi de connaissance. Mais là, c'est vrai que l'accélération rend encore plus difficile la prise de conscience, parce que il faut toujours un certain temps pour pouvoir comprendre l'évènement qu'on vient de vivre. C'est ce qu'on peut appeler l'hystérésis, le retard de la connaissance, ou de la conscience sur l'évènement. Et plus ça va vite, plus nous sommes voués à ce retard. Mais je dirai que ce n'est pas seulement cette accélération c'est que, ce n'est pas une accélération, ce sont des accélérations qui sont liées les unes aux autres. C'est un processus où pas seulement les développements techniques, mais les développements scientifiques, les développements économiques, les transformations sociales, religieuses, politiques, guerrières, tout ceci, disons, est emmêlé, et en quelque sorte en état d'interdépendance, et dans le fond c'est ça, la grande complexité. C'est que quand tout est ensemble embrouillé, comment voir clair? Alors, moi je crois que ce qui est possible, c'est de comprendre justement cette nature de processus incontrôlé, c'est de voir comment la science, les sciences, comment les techniques, comment les économies, comment tout cela évolue. Et disons faire un peu des scénarios d'évolution, compte tenu du fait que l'imprévisible surgira de toute façon. Mais nous sommes en face, disons, de ce qu'on pourrait appeler le probable, le probable, c'est ce qui continuera à se développer, et l'improbable c'est ce qui fera une rupture, un changement de voie, vraiment radical. Et donc nous ne pouvons pas le savoir. Donc nous sommes condamnés à naviguer dans l'incertitude, et je pense que la pensée complexe est une pensée qui nous aide à cette navigation, mais qui ne va pas dissiper, ni les brouillards, ni nous dire exactement où l'on va. Voilà ce que je crois, c'est que nous pouvons essayer de comprendre ce processus. Mais nous ne pouvons pas voir finalement ce qui va dominer. >> Alors nous allons rebondir sur une deuxième question, merci beaucoup, et donc rester sur la notion du voir, donc sachant qu'une situation évolue avec le temps, est-il seulement possible de représenter une situation complexe? >> Moi, j'emploierai plutôt le mot concevoir, plutôt que représenter. Concevoir, ça veut dire quoi? Vous arrivez, vous avez un événement qui surgit de façon imprévue, par exemple, dernièrement, le surgissement de cet État islamique, de ce prétendu État islamique, en Syrie et en Irak. Et ses très rapides victoires sur le terrain. Voilà ce qui était imprévu. Bon, qu'est-ce qu'on peut essayer de concevoir? C'est le contexte, voir les antécédents, voir les précédents, voir qu'il y avait Al-Qaïda, voir dans quelles conditions des conflits radicalisent et aggravent les tensions et favorisent les extrémismes, comme cette guerre, à la fois civile et internationale de Syrie. De voir que tout ce qui se passe en Syrie et maintenant aussi en Irak, n'est pas seulement des problèmes intérieurs à ces pays, mais dans lesquels finalement le monde intervient, les pays arabes interviennent en fournissant des armes aux uns et aux autres, l'Occident, la France et les États-Unis interviennent, la Russie elle-même, elle intervient en soutenant le régime de Bachar. Donc, vous voyez des guerres civiles qui sont en même temps, pas des guerres internationales, mais qui sont en même temps liées à des conflits internationaux, et donc ça, vous pouvez essayer de le concevoir. Vous pouvez essayer de dire dans ces conditions-là, essayer de réfléchir, que faire? Ce n'est pas en faisant quelques frappes limitées qu'on peut faire quelque chose. Peut-être même dire, peut-être que pour le moment on ne peut rien faire. Ou bien dire quelles seraient les solutions les meilleures pour ce Moyen-Orient déchiré. Voilà ce que l'on peut faire, on peut essayer de concevoir, je répète, la chose, et de ne pas être perdu. Mais pour ceci, le mettre, l'inscrire dans l'histoire, l'inscrire dans les mentalités, l'inscrire dans les civilisations, et l'inscrire aussi dans ce phénomène que nous avons vu, aussi bien avec la guerre d'Algérie, avec la deuxième guerre mondiale, avec ce qui se passe en Israël, Palestine, c'est qu'un moment donné les conflits pourrissent, et quand ils se dégradent et pourrissent, ils favorisent le pire des deux côtés, les pires extrémismes des deux côtés, ça, nous pouvons le concevoir. Mais nous pouvons beaucoup, mais nous ne pouvons pas tout. Nous pouvons simplement penser et réfléchir sur des moyens d'action, autres que quelques moyens symboliques qui ne riment à rien. >> Et alors si on se projette dans l'avenir, pour donc nos enfants qui sont nés au XXIe siècle, comment est-ce que nous, qui sommes nés au XXe, nous pouvons donner un sens à leur existence qui est en train de se mettre en place? >> Vous savez, malheureusement, le sens de la vie, est une chose qui s'acquiert, c'est une chose. Mais ce que l'on peut faire, c'est comprendre quel est, qu'est-ce qui donne un sens au vivre, pour un être humain. Et si on voit ce qui donne ce sens-là, on peut essayer de voir comment est-ce que c'est possible au XXIe siècle. Qu'est-ce qui donne un sens? À mon avis, il y a la conjonction de deux choses qui semblent antagonistes. La première c'est l'affirmation de sa personnalité, c'est-à-dire, la capacité de réaliser ses possibilités et ses aspirations, autrement dit c'est l'épanouissement du je. Or, ce je, s'il reste tout seul, isolé, est un je égoïste, qui finalement ne trouve pas le vrai bonheur. Le je ne s'épanouit vraiment qu'au sein d'un nous, d'une communauté. Et tout être humain a en lui ces deux, je dirais presque logiciels, celui du moi je, qui s'affirme, et celui du nous, et dès l'enfance, le nouveau-né il a besoin de la caresse, il a besoin du regard, il a besoin de la tendresse et, bon, le premier nous c'est la famille, et nous avons un nous qui va surgir, avec les amis avec la patrie, avec la croyance, avec la foi, la religion, Nous. Donc autrement dit je dirais que donc, le peuple donnait un sens dans sa vie, que si le je s'épanouit, mais au sens d'un nous. Et ce sont ces deux choses qu'on voudrait retrouver. Alors, au cours du XXIe siècle, le vrai problème, c'est si nous avons une civilisation, qui tend trop à considérer des individus comme des objets. Parce que dès que vous considérez les êtres humains d'un point de vue du calcul, des statistiques, du rendement, de la compétitivité, et cetera, vous êtes transformés en objet. Donc, dans cette civilisation qui tend à nous faire des objets d'une grande machine sociale, il faut nous sauver en tant qu'individus pour conserver des parts de vies, des oasis de vies, que ce soit hors du travail, ou en temps de travail, pour épanouissement de sa propre personnalité. Et en même temps, il faut des oasis de communautés, de fraternités, d'amitié, d'amour. Et dans le fond de sens de la vie, c'est finalement ce qui est le plus important. Je dirais, c'est le vivre avec autrui, avec ceux qu'on aime et qui vous aiment. Ceux à qui vous donnez et qui vous donnent. Et ça, le sens de la vie, et je pense que chacun, en profondeur, le sait. Et chacun, parfois, a ce savoir tout à fait occulté par les nécessités du moment présent, ou par la nécessité de gagner sa vie, et ou de même, parce qu'il est pris dans un jeu d'ambition ou dans un jeu de défense par rapport à l'adversité. Mais c'est ça, dans le fond, le sens de la vie, et que je crois que dans notre civilisation, s'il ne peut pas pleinement s'épanouir, du moins, il peut trouver des zones, des oasis, des moyens pour s'épanouir. Merci beaucoup. On va pouvoir passer à notre seconde thématique dans le compte de la mondialisation, avec donc, un nouveau set de questions. La première, est-ce que le choc des civilisations ne cache pas en réalité un choc de religions? Oui, on peut dire aussi l'inverse. Est-ce que le choc des religions ne cache pas un choc de civilisations? Mais avant d'en venir à cette idée de choc, il faut concevoir que nous sommes dans une époque où il y a d'abord une symbiose de civilisations. C'est, si vous voulez, la civilisation occidentale qui, à travers le développement où la mondialisation se répand sur le monde, et apporte beaucoup de ces éléments de vie en Chine, au Brésil et en Afrique. Mais comme cette civilisation apporte une certaine unification technique et économique au monde, il se trouve que des cultures, à tort ou à raison, se sentent menacées, risquent, pensent qu'elles vont disparaître sous le fait de l'occidentalisation. Mais aussi, il y a des processus de résistance et de fermeture, comme vous l'avez vu, par exemple, en Iran, dès les années 1970. Seulement, ce qui est très curieux, c'est que l'Iran se referme religieusement, refuse la modernité de la civilisation occidentale. Mais il prend la modernité de la technique, des avions de chasse, de l'énergie nucléaire. Vous avez beaucoup de pays qui se referment au monde occidental, mais tout en prenant des techniques, évidemment, pour se défendre au combat. Donc, si vous voulez, nous avons affaire à un monde, où des processus de symbiose sont liés à des processus d'antagonisme. Et résumer la situation uniquement au choc de civilisations ou de religions, c'est ne voir qu'un aspect réel des phénomènes. Mais en même temps, vous voyez très bien que, prenez par exemple l'Islam, le Judaïsme, le Christianisme, donc, ces religions se sont entrechoquées violemment dans le passé, et aujourd'hui, il y a une recrudescence. Mais réfléchissez, le substrat de ces religions est le même. Le substrat de l'Islam, c'est le judéo-christianisme, c'est la Bible. Que ce soit Moise, de Moise à Jésus, ce sont des prophètes de l'Islam. Mais le Christianisme est fondé sur un prophète juif qui s'appelait Jésus, dont le message était universalisé. Donc, nous avons en même temps quelque chose de commun à ces trois religions, ne serait-ce que le monothéisme. Mais en même temps, elles se combattent pour des raisons de réalité, comme chaque religion a eu ses propres hérésies et ses propres divisions. Donc, si vous voulez, nous vivons un monde à la fois de conflits et de symbioses. Et il ne faut pas occulter les uns au profit des autres. Merci beaucoup. Et donc, si on se projette maintenant dans le futur, est-ce que votre vision de ce futur est compatible avec le système néo-libéral dans lequel nous vivons? Moi, je crois que le futur, disons que la philosophie néo-libérale est un moment de l'histoire qui va être dépassé. C'est le moment qui a suivi, si vous voulez, l'échec total de ce qu'on appelait socialisme de l'Union Soviétique ou en Chine, c'est-à-dire une économie entièrement bureaucratisée et centralisée. Or, la croyance que à travers la concurrence du marché, la plupart des problèmes humains vont trouver leur voie harmonieuse de solution, à mon avis, est une erreur. Et je dirais même que actuellement, ce n'est pas le marché qui triomphe, mais beaucoup plus la spéculation ou la domination de la finance, à mon avis. Donc, ce n'est pas le, je pense que le monde trouvera autre chose. Mais peut-être que c'est déjà dans la question suivante? On enchaîne donc. C'est une citation, et on vous demande de réagir à cette citation. La citation est la suivante. Les règles du grand jeu de l'économie mondiale sont en train de changer. Le capitalisme se meurt, et un nouveau paradigme qui va tout basculer est en train de s'installer, les communaux collaboratifs. Qu'en pensez-vous? Et bien, je pense qu'il y a aussi l'idée qui est peut-être un peu trop schématique. Il est certain que nous sommes dans une époque de transformation fondamentale, et là-dessus, puisqu'il revient. Mais je crois que nous espérons, enfin, la solution la meilleure, car l'amour rêve, serait dans le refoulement progressif de la domination du profit, de la domination inconditionnelle du profit, c'est-à-dire le refoulement progressif de l'hégémonie du capitalisme, aussi bien dans le monde industriel, dans le monde marchand ou dans le monde agricole, parce que dans le monde agricole, actuellement, il est vrai, la grande exploitation industrialisée qui est fondée uniquement sur le profit nous donne des produits de qualité très médiocres, et parfois dangereux pour la santé, que ce soit l'élevage ou que ce soit dans la production de céréales. Donc, à mon avis, il y a plusieurs forces qui peuvent jouer dans ce refoulement. Sur le plan agricole, il y a le retour. Il y a d'abord le développement de l'agroécologie et le retour d'une agriculture fermière. Et sur le plan, disons de l'économie, il y a l'économie sociale et solidaire, les mutuelles, les coopératives. Il y a toute une série de courants qui existent à l'état minoritaire, et qui peuvent confluer, et qui peuvent changer, disons, cette toute puissance du capital. Mais je ne vois pas en une agonie brutale du capitalisme, sinon en un moment de convulsion telle, où ça ne sera pas seulement le capitalisme qui sera en agonie, mais peut-être que le monde, tel que nous le connaissons et d'où naîtra peut-être un autre monde peut-être barbare, peut-être plus civilisé. Alors, la question suivante, justement, rebondit sur cette dernière remarque. Le grand intérêt de ce MOOC, ce MOOC participant, aura été de faire prendre conscience de l'imprévisibilité du monde et de son évolution. Et donc, finalement, comment modifier son chemin pour créer une mobilisation à la fois locale et globale qui ouvrirait la voie à un développement pluriel, donc économique, scientifique, philosophique, artistique et spirituel? Et bien, je crois que une nouvelle voie, une autre voie est possible, mais elle ne peut pas s'improviser comme telle. Il faudrait une multiplicité de voies diverses qui confluent entres elles comme les ruisseaux confluent pour faire des rivières, comme les rivières confluent pour faires des fleuves. Et à ce moment-là, on verrait que une nouvelle voie surgirait. Parce que la voie actuelle, elle est commandée par ce que j'appelais toute à l'heure, les processus incontrôlés déchaînés où la science n'est pas régulée, où la technique n'est pas régulée, où l'économie n'est pas régulée. Donc Donc, tout ceci, hum, nous voulons, nous n'allons pas réguler ça par un jeu de magie, de baguette magique, ce sont des processus qui en édifiant une nouvelle voie vont rendre de plus en plus obsolète la voie actuelle, et celle-ci va se décomposer au profit d'une nouvelle voie. Ce qui est une possibilité, actuellement tout à fait improbable, mais qui, à mon avis, porterait le salut, parce que, effectivement, je crois que là aussi ma vue du probable, c'est-à-dire de la continuation des processus actuels conduit à diverses catastrophes parce qu'elle n'est pas, je crois que en fait, la multiplication des armes nucléaires dans un monde de plus en plus livré à des conflits de toute sorte, et notamment, je parlais tout à l'heure du Moyen-Orient où c'est pas seulement des guerres civiles ou intra-religieuses mais aussi où interviennent tous les grands acteurs mondiaux, nous voyons que toujours dans ce processus, processus dans lequel notre développement technique, économique, est en train de dégrader totalement la biosphère et la planète, donc de provoquer des catastrophes écologiques où le réchauffement climatique n'est qu'un des éléments catastrophiques, nous voyons que l'économie sera de plus en, de moins en moins régulée, et de plus en plus convulsive, donc je pense que les probabilités sont catastrophiques. Mais justement, le fait, si on arrive à comprendre que l'on va vers des catastrophes en suivant ce chemin, cela ne pourra que nous aider à imaginer un autre chemin. C'est, iii que je cite souvent, qui dit que là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve. C'est-à-dire la prise de conscience des dangers que nous courons va peut-être nous aider à trouver la nouvelle voie. C'est tout ce que je peux dire. >> Parfaite transition là à nouveau, pour la troisième thématique, donc, le savoir, et finalement, quels moyens avons-nous de gérer cette complexité et cette transition vers la nouvelle voie. Donc, une première question sur cette thématique : le savoir-faire s'acquiert facilement, plus facilement que le savoir-être et le savoir-penser. Quand la mesure de l'efficacité est incontournable, accepter de lâcher prise, n'est-ce pas ça le plus complexe? >> Alors, moi je crois que là aussi il y a un problème de complexité que nous dit de lâcher prise cette, cette maxime qui nous vient d'Orient et qui, qui nous dit il ne faut pas s'entêter, il ne faut pas s'obstiner à poursuivre des fins qui dans le fond ne sont pas des fins satisfaisantes pour nous, de lâcher prise. Bon, alors, moi je crois que cette idée, est juste, je dirais il faut lâcher l'emprise, il faut lâcher l'idée de notre emprise sur la nature, sur le monde, sur les objets, de nous rêver comme les souverains de l'univers, il faut lâcher l'emprise, il faut nous relâcher, il faut nous détendre, il faut trouver un rapport plus serein avec cette nature dont en plus, nous faisons partie, ça c'est vrai. Mais, il faut voir aussi que l'autre aspect des choses, il y a des cas où quand le but est un sens profond, a un sens humain, c'est à ce moment-là qu'il faut s'entêter, il faut s'obstiner. Prenez par exemple le cas de l'invention de l'aviation, c'est un rêve humain très ancien, vous avez le mythe d'Icare qui a essayé de voler, mais le malheureux, ses ailes ont fondu, la cire de ses ailes a fondu, il a fait une chute. Vous avez eu Léonard de Vinci, il a imaginé des ailes volantes, puis il a imaginé même l'hélicoptère, mais il avait compris que les ailes volantes, plutôt que l'être humain, est trop lourd, trop pesant, pour pouvoir voler par des ailes. Il avait bien compensé, et ce rêve de voler, il a été entretenu, et vous avez au XIXe siècle à ce moment-là, vous arrivez finalement à Clément Ader et le premier avion qui s'élève de quelques mètres du sol. Et son rêve de vouloir voler, il est réalisé maintenant, avec l'aviation. Donc si vous voulez, il y a des cas, quand on poursuit un but élevé, un but merveilleux, il ne faut pas lâcher prise malgré les échecs parce qu'il y a beaucoup d'échecs. Comment est-ce possible? Et vous savez que Bernard Palissy, le malheureux a tout perdu pour trouver cette formule évidemment, qui nous a donné l'art de faire de la céramique, mais il y a beaucoup de cas le propre d'un inventeur c'est qu'il s'obstine et finalement il peut trouver. Donc c'est, dans la vie, le grand problème, c'est de savoir à quel moment et pourquoi il faut lâcher, pourquoi au contraire il faut s'obstiner. Si par exemple je pense que, non pas qu'on puisse aller faire le meilleur des mondes, mais j'y crois pas, mais qu'on puisse aller vers un monde meilleur, mais je ne lâcherai pas cette idée-là, j'essaierai de la travailler, de voir de quelle façon pouvoir y aller, c'est un peu ce problème des lois dont nous parlions tout à l'heure. Donc il y a des moments où il ne faut pas lâcher, il ne faut pas abandonner, il ne faut pas s'écrouler, et d'autres au contraire, cessons, abandonnons des rêves insensés, des rêves de puissance, des rêves de domination, des rêves de maîtrise, que nous sachions ce que nous sommes, nous sommes des humains à notre échelle humaine. Donc vous voyez, tout ça c'est un peu, comme disons le, problème du principe de précaution, nous avons, il y a des cas où il faut prendre des précautions. Les OGM, il faut prendre le principe de précaution, il faut pouvoir le dire mais il y a d'autres, nous savons qu'il y a aussi un principe de risques, on ne peut pas, toute innovation comporte quelque chose de nouveau pour faire des risques. Quand on dit que le téléphone portable comporte un risque d'atteindre nos cellules auditives, donc si vous voulez, le propre d'aventures humaines, et d'aventures risquées, il faut prendre ses précautions et il doit assumer ses risques. Donc je dis que tout ceci ça se combine avec le lâcher prise prise et le s'entêter. >> Alors on rebondit sur une qualité là encore extrêmement humaine, l'intuition. >> Oui. >> Peut-on aborder et faire avec la complexité intuitivement? Alors, ce qu'on, d'abord il faut savoir ce que c'est que l'intuition. L'intuition, est d'abord une, une qualité, psychologique, à demi-inconsciente, où vous pouvez par exemple, deviner les intentions, la pensée, d'une personne, à partir des mouvements imperceptibles, de ses yeux ou de, des muscles de son visage. Je crois que c'est dans le même MOOC que j'ai cité le cas de Clévérins, de ce cheval qui était très psychologue, et qui voyait, d'après l'expression du visage de celui qui posait des questions sur un, une multiplication le moment de satisfaction et répondait de cette façon. Donc, moi je crois que, effectivement, l'intuition est quelque chose qui peut vous guider, et l'intuition c'est aussi quelque chose qui est lié à ce qu'on appelle le flair. Un docteur, si quelqu'un a un bon docteur, c'est quelqu'un qui détecte la nature d'une maladie avant que les signes évidents de la maladie apparaissent. Parce qu'au début d'une maladie, vous avez de la fièvre, vous avez, vous transpirez, mais ça peut voir pour toute sorte d'infections. Mais il y a donc, si vous voulez, il y a une qualité, il y a un art, mais cet art de l'intuition, il joue pour des réalités qui en fait sont complexes. C'est-à-dire que c'est l'art de décerner à partir des signes très faibles, des petits signes dont on est pas conscients de faire son diagnostic et de faire son jugement. Alors l'intuition, elle vaut pour beaucoup de choses, mais si vous voulez, Pour les grands problèmes de la complexité, il faut quand même examiner un peu quels sont les processus, quelles sont les interdépendances, quelles sont les interactions et cetera. L'intuition, à mon avis elle est toujours très utile, elle doit accompagner la pensée, elle doit accompagner la réflexion. Mais on ne peut pas se laisser aller seulement à l'intuition. Bien entendu l'intuition joue un très grand rapport, un très grand rôle dans les rapports interpersonnels. Et vous pouvez très bien avoir l'intuition de la personne qui vous convient, et à ce moment-là la chercher, la personne aura peut-être le même sentiment pour vous. Et vous avez ce qu'on appelle un coup de foudre. C'est-à-dire une double intuition qui vous donne la solution au problème d'amour. >> Merci beaucoup. Nous passons donc à la troisième question de cette série. Alors là c'est un commentaire. Donc, étudier la complexité donne du sens à notre vie, mais je suis professeur et ce n'est pas évident à mon niveau de l'enseigner. Les élèves sont formatés à l'explication binaire et les adultes aussi d'ailleurs. C'est aussi plus rassurant et cela masque notre ignorance. Alors Monsieur Morin, comment faire? Parce que ce que vous proposez est une véritable métamorphose culturelle. >> Vous savez les enfants sont formatés à la pensée binaire. Mais ils sont formatés par les professeurs, et par les maîtres et par les instituteurs, et puis aussi souvent par leur famille. Mais je pense que les enfants naturellement, ils ont le sens de la complexité, c'est-à-dire des relations entre les choses. Et ils perdent ce sens des relations quand on découpe la réalité en segments séparés. Je ne sais pas si j'ai cité dans un MOOC le cas de ces enfants d'indiens du Canada qui accompagnaient leur père dans la forêt et qui allaient chasser, et qui avaient le sens des relations entre ce que un bruit pouvait signifier, s'il signifiait simplement le vent dans les feuilles, ou signifiait l'arrivée d'un animal tapi. Bref, ils avaient une connaissance de la nature, et quand ces gosses-là après, ils allaient à l'école de modèle occidental, ils étaient entièrement paumés parce qu'on les obligeait à séparer les choses. Alors, si vous voulez, très naturellement, avant même toute éducation, nous avons en nous la possibilité, qui est d'échapper au dictat du oui ou non. Vous avez le peut-être, vous avez le c'est possible, vous avez c'est probable ou c'est improbable, vous avez à la fois oui et non. Et c'est ça qui semble contradictoire, mais c'est ce qui se passe dans le fond dans beaucoup de réalités complexes. L'homme est-il bon? Est-il mauvais? Il est potentiellement l'un ou l'autre. Tout à l'heure je disais le Je et le Nous. L'homme est-il égoïste? Bien sûr il a en lui des tendances égoïstes, et beaucoup, et certains sont beaucoup plus égoïstes que d'autres parce qu'ils n'ont pas le sens du Nous. Et d'autres ont contraire ont beaucoup plus le sens du Nous, et ils sont beaucoup moins égoïstes. Mais tout être humain a ces deux possibilités. Et donc la possibilité de l'égoïsme et de l'altruisme se trouve en chacun. La possibilité d'être un bourreau ou un héros se trouve en chacun, ça dépend des conditions qui vont permettre de réaliser ceci. Et donc vous voyez que cette possibilité humaine, les enfants l'ont, et malheureusement leur esprit se fait trop domestiquer par l'école, et ils sont trop habitués à ce moment-là à ne pas pouvoir échapper au oui, ou au non. >> Parfait, merci beaucoup. On va donc passer aux questions que des participants au MOOC ont posté tout récemment sur Twitter. Donc la première est celle-ci, qu'apportera l'intelligence artificielle à la pensée complexe? Et c'est une question de Régis Barandot. >> Je pense qu'elle apportera beaucoup d'éléments, de liaisons, dans les connaissances. Je pense que les capacités qu'ont d'ores et déjà les ordinateurs qui sont des intelligences artificielles qui n'ont pas encore pleinement développé, mais déjà ils nous permettent pas seulement de recueillir des données à travers, que ce soit Google ou Wikipédia, ils donnent aussi la possiblité d'établir certaines relations. Donc si vous voulez elle sera une aide à la pensée complexe, mais il ne faut pas que la pensée humaine soit au service de l'intelligence artificielle. Il faut effectivement que ce soit l'intelligence artificielle qui soit au service d'une intelligence complexe. >> Merci beaucoup. On passe donc à une seconde question de Monsieur Jean-François Blanide, utilisez-vous des outils pour modéliser les phénomènes complexes, ou est-ce simplement une façon de penser? Moi je pense que la modélisation est possible. Et par exemple mon ami le professeur Jean Louis Le Moigne qui a une association qui s'appelle MCX qui avec des professeurs d'université MCX c'est modélisation de la complexité. C'est une voie qui est tout à fait possible. Moi je pense qu'elle est très utile, mais pour moi je dirais que la pensée complexe, c'est une façon qui est liée fondamentalement à la structure de la pensée, à ce que j'ai appelé un paradigme. Qu'est-ce que c'est qu'un paradigme? Un paradigme c'est une liaison entre des concepts maîtres qui gouvernent toutes les théories qui vont se faire sous son emprise. Par exemple nous vivons, nous, dans notre civilisation encore sous le contrôle, sous la gouvernance de paradigmes qui nous demandent de réduire et de disjoindre. Nous réduisons le complexe au simple, et nous disjoignons, nous séparons, nous séparons par exemple le biologique du culturel. Nous séparons ce qui chez nous, humains, relève de l'animalité, relève de la vie y compris notre cerveau, qui fonctionne avec des neurones, de ce qui relève de l'esprit, de la culture, et de notre société civilisée. Or en réalité les deux choses sont inséparables. Et donc je crois que de cette façon-là, c'est cette façon de penser qui est primordiale. Au lieu de disjoindre et de réduire, il faut joindre et distinguer. Bien entendu on ne peut pas tout confondre. Il faut à la fois séparer et lier. Voilà la chose que je crois. C'est une façon de penser, une façon de connaître, et finalement une façon d'être. Parce que quand on voit que on ne peut pas réduire l'humanité à ce qu'elle a de pire, ni même à ce qu'elle a de meilleur, nous nous rendons compte de la difficulté de traiter les problèmes humains ne serait-ce que sur le plan politique. >> Merci beaucoup. Et donc là, nous avons une question justement sur un point d'engagement planétaire, à savoir celui pour l'environnement. Peut-il, cet engagement, donc pour l'environnement, peut-il être une façon d'intégrer la complexité dans nos décisions? C'est une question de Monsieur Jean Luet. >> Moi je crois que l'engagement planétaire pour la biosphère disons, c'est quelque chose de plus que l'environnement, c'est-à-dire pour cette substance vivante dans laquelle nous sommes, nous met en face du problème typiquement complexe de notre relation avec ce monde de la nature, et notre monde humain. Parce que nous nous sommes séparés de ce monde par la technique, par la conscience, par la culture, mais nous en faisons partie par notre animalité, et ne serait-ce que par nos besoins élémentaires, de vie, de nous nourrir, de nous développer. Donc si vous voulez, dès que nous percevons que nous avons une relation avec la nature, l'environnement, la biosphère, nous entrons, même sans le savoir dans le domaine d'une connaissance et d'une pensée complexe. Et je crois que quand nous commençons dans cette voie-là, nous ne pouvons que continuer. Parce que l'écologie comme science est une science qui est complexe, parce que elle étudie des écosystèmes. Des écosystèmes ce sont des organisations spontanées qui se font dans des niches écologiques, à partir des conditions physiques, géographiques, géologiques, météorologiques, et les relations entre les unicellulaires, les microbes, les végétaux et les animaux, et tout ceci à travers les interactions multiples crée une organisation qui s'auto-entretient. Et ça, c'est ça la complexité, c'est montrer comment dans des rapports qui sont à la fois d'antagonisme puisque les uns mangent les autres, mais en même temps une solidarité fondamentale entre tous les êtres et toutes les espèces. Et je crois donc que l'écologie est une aide puissante à la pensée complexe. >> Merci. Donc une autre question, également, de Twitter, par Monsieur Olivier Leroux, une société complexe peut-t-elle être universelle? Ne faut-t-il pas toujours des entités plus simples et lentes? >> Bien, une société complexe n'est pas une société nécessairement rapide. Tout d'abord, je vais dire que, un des grands défis de notre avenir, c'est celui de la possibilité d'une société monde. C'est-à-dire d'une société d'un type nouveau qui ne serait pas comme des sociétés qui sont des nations avec leurs états, qui seraient agrandies à l'échelle de l'univers, ce seraient des sociétés dotées d'une autre structure et dans lesquelles l'état, du moins la gouvernance, n'aurait pas du tout les mêmes rôles que les états parce qu'il faut se rappeler que les états ont eu pour mission essentielle dans le passé de donner la cohésion à la nation face à des dangers extérieurs, c'est-à-dire à des ennemis des nations. Dans le fond, elles se sont fortifiées grâce à leurs ennemis, ce qui leur a permis d'avoir une certaine cohésion. La société universelle est une société qu'on ne peut pas imaginer mais dont on sait qu'elle ne sera pas l'agrandissement des sociétés actuelles. Ce sera et ce serait une société qui serait beaucoup plus, disons, à la fois libertaire et communautaire. C'est-à-dire, il y a ce que j'appelle le sentiment de terre-patrie, il faut que nous nous sentions frères parce que nous sommes les enfants de la terre, nous sommes des êtres humains, divers, ayant fondamentalement en commun cette hérédité humaine. Donc nous devons penser à une patrie qui vient des profondeurs de l'histoire humaine, qui englobe les patries sans les dissoudre. Autrement dit, moi je ne peux pas dire qu'on peut imaginer un modèle de société, celle-ci si elle existera, elle va se créer elle-même de façon iii, parce que quand il y a une création dans l'histoire de l'humanité comme dans l'histoire de la vie, elle n'est jamais prévisible à l'avance. On ne peut jamais dire à l'avance quelle sera la symphonie, la neuvième symphonie de Beethov' avant qu'il l'écrive. Donc nous avons quelque chose qui va être, et qu'est-ce que c'est finalement une société complexe? C'est une société où il y a le maximum de libertés et d'initiatives pour les individus et pour les groupes. Mais ces libertés et ces initiatives, si elles sont seules, elles détruisent la société. Qu'est-ce qui peut sauvegarder une société complexe? C'est le sentiment vécu par chacun de ses membres qui appartient à un nous collectif, qui fait partie d'un nous collectif. Autrement dit, c'est le sentiment vécu de solidarité avec l'ensemble et avec les autres qui permet la liberté qu'est la complexité. Parce que dans la liberté, la créativité, évidemment possible, et la richesse des, de la vie, des vies diverses, est également possible. Donc, là encore, on revient à ce problème fondamental, la liberté n'a de sens que si elle s'inscrit dans une grande communauté. >> Merci beaucoup. Hum, on a des questions maintenant qui nous viennent de YouTube, hum et celle-ci donc est la première, de Monsieur, donc, Jhil Ibrahim : pourquoi vouloir dénouer la complexité? >> Bien, je ne peux pas la dénouer, je veux la saisir, parce que si je la dénoue, je perds la complexité. La complexité c'est un ensemble de choses qui sont liées les unes avec les autres, et c'est ce lien que je veux montrer, que je veux découvrir, mais si je dénoue le lien, je perds les relations avec tout. Donc je pense que c'est une question qui n'est pas tellement bien posée. >> Merci, hum une question maintenant de Mathéa Cosmoratine, hum, qui demande ceci : En fin de compte, la pensée complexe ne nous aide-t-elle pas à redevenir humains? >> Je pense qu'elle peut nous aider à devenir humains parce que nous pouvons mieux comprendre autrui. Pas seulement celui qui est différent de nous, parce que nous pouvons comprendre qu'il est à la fois singulier, différent de nous, et en même temps semblable à nous fondamentalement, parce qu'il connaît les mêmes possibilités de joie, de souffrance et de bonheur que nous. Et je dis autrui, qui peut être un autrui de notre même culture, de notre famille même, mais je dis autrui aussi d'une autre culture, d'une autre religion. Autrement dit, je pense que la connaissance complexe du monde nous donne l'incompréhension, la capacité de maniabilité, la capacité de pardonner en espoir que celui qui a fait une faute ou un crime pourra se racheter. La complexité nous donne un sens beaucoup plus humain parce que nous nous rendons compte que, de quels tissus si étonnants nous sommes faits chacun d'entre nous, que chacun d'entre nous a ses vertus, a ses carences, a ses défauts et, et donc nous nous rendons compte que nous sommes tous des pauvres humains, nous sommes voués sur cette terre à affronter notre destin, un destin commun avec cette même tragédie qu'est la mort. Je pense que effectivement, d'ailleurs cela dit quand vous pensez à Shakespeare, à Dostoïevski, et ce sont des, justement, ils vous mettent en face de la complexité humaine, ils vous mettent en face du destin humain, et je pense qu'à travers la littérature, la littérature, le roman, le théâtre sont très riches en complexité et si nous gardions en nous de façon permanente ce que nous avons ressenti quand nous voyons un film, quand nous voyons, quand nous lisons Crimes et châtiments, quand nous lisons ces œuvres-là, nous garderions une compréhension humaine beaucoup plus grande, une fois que nous avons quitté la salle de théâtre ou la salle de cinéma ou la lecture du roman. Alors comme nous rentrons dans la vie réelle, nous gardons toutes les vertus de compréhension que nous avons eues pendant que nous avons vu le film, pendant que nous avons lu le roman et pendant que nous avons été au théâtre. Donc, voilà ce que je crois que la complexité, en effet, nous rend plus humains. >> Merci beaucoup. Maintenant une question sur le milieu de l'entreprise : Dans une entreprise, quelle est selon vous la plus grande source de complexité? >> Il y a la a source interne et la source externe. La source externe, c'est effectivement les aléas du milieu extérieur dans lequel l'entreprise se trouve. Et effectivement, pour savoir que dans cette situation, notamment celle du marché devenu mondial, il y a une extrême complexité, une extrême incertitude, et qu'il faut avoir une stratégie et une pensée capables d'affronter ces défis. La deuxième source de complexité c'est la complexité humaine, tous ceux qui travaillent dans l'entreprise. Or, souvent, l'organisation hiérarchique et autoritaire empêche ceux qui travaillent dans l'entreprise. Or, souvent, l'organisation hiérarchique et autoritaire empêche ceux qui travaillent dans l'entreprise de pouvoir exercer leurs aptitudes ou leurs initiatives, alors que celles-ci pourraient être très profitables à l'entreprise. Donc, la deuxième source de complexité, ce sont Donc, la deuxième source de complexité, ce sont les qualités humaines de ceux qui travaillent à tous les niveaux de l'entreprise, et pas seulement au niveau des cadres supérieurs, mais au niveau, qu'on juge inférieurs, mais on est, en prise avec la matière même du travail fondamental de l'entreprise. >> Merci beaucoup. Alors une autre question de, d'Amandine Lemasseu qui vous demande : Prendre conscience de la complexité d'une situation ne peut-t-il pas parfois nous empêcher de prendre une décision? >> Oui, je crois que, effectivement, peser le pour et le contre, voir des différentes possibilités peut nous paralyser. Mais, je crois aussi que si nous prenons une décision, dans le cadre d'une connaissance complexe, nous pouvons donc être plus lucides que si nous prenons une décision dans le cadre que j'appellerai manichéen, c'est-à-dire moi, je suis le défenseur du bien, qui lutte contre les défenseurs du mal. On prendra, disons moi je, je pense que la décision sera beaucoup plus réfléchie. D'ailleurs, c'est pour ça que je dis qu'il faut savoir que toute décision est un pari, c'est-à-dire que, ne jamais croire que. La réussite, le succès, va venir automatiquement au service de la décision qu'on a prise. Au contraire, il se peut que le résultat de la décision soit absolument contraire à ses intentions, et même désastreux. Donc, je crois, si vous voulez, que, effectivement, la conscience de la complexité peut amener, à un moment donné, une réflexion, une hésitation, mais finalement, à force de peser le pour et le contre des événements, cela, une fois qu'on aura pris la décision, sera beaucoup plus utile. Alors, donc, si vous voulez, il y a toujours un risque dans la pensée complexe, mais le risque d'éviter la pensée complexe est encore beaucoup plus grand. >> Merci beaucoup. Une question maintenant d'Ambroise iii. Montaigne disait, nous sommes tous des humains. Que voulait-il dire par là? >> Vous savez, il a dit aussi Tout homme est mon compatriote. Ce qu'il a voulu dire, il a fait une profession de foi d'humanisme intégral, si j'ose dire. Déjà, le poète latin Térence disait Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger. Mais Montaigne va beaucoup plus loin parce qu'il dit tout homme est mon compatriote. Et en plus, il a montré dans son chapitre sur les cannibales quand il parle des indigènes d'Amérique, qu'on traitait de barbares parce qu'ils mangeaient leurs ennemis morts. Montaigne disait, mais ils ne sont pas du genre tout à fait barbare parce qu'ils ne font pas de mal à ces ennemis, puisqu'ils sont morts. Alors que nous, nous oppressons les vivants, nous asservissons les vivants et nous les torturons. C'est nous les barbares. Autrement dit, Montaigne, c'est le premier grand humaniste des temps modernes, je dirais même de toute l'histoire occidentale, et je crois que ce qu'il a voulu dire, c'est cette profession, tout être humain quel qu'il soit, tuer son origine, tuer son, quel que soit son sexe, et cetera, mérite d'être reconnu dans sa qualité humaine autant que moi je mérite d'être reconnu. >> Merci beaucoup pour cette, pour cette conclusion. Il y a un fil sur les forums du MOOC, qui a été très animé. C'était un fil sur les citations préférées des participants, et donc nous souhaitions vous demander quelle était votre citation et si vous souhaitiez nous la partager. >> Alors, j'en ai, j'en ai deux. La première, c'est la première citation, à force d'oublier l'essentiel pour l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel. Ça, c'est donc qu'entre un peu la façon de vivre au jour, de penser ou de vivre au jour le jour, dans l'immédiat, et de rejeter toujours à plus tard les problèmes qui sont, qui ne sont pas apparemment urgents alors que les problèmes essentiels sont urgents, et je crois que dans la période de crise que nous vivons, c'est de plus en plus vrai. Ma deuxième citation, c'est, tout ce qui ne se régénère pas, dégénère. Ça veut dire que rien, aucun acquis, n'est irréversible. Si, par exemple, vous avez la démocratie. Si la démocratie ne se régénère pas, ne retrouve pas sa vitalité, elle va dégénérer, elle va tomber en décadence, elle sera remplacée par un régime autoritaire. Donc, dans le fond, et, si vous voulez, c'est le secret de la vie. Qu'est-ce que c'est que vivre? Vivre, c'est une régénération permanente. Pourquoi? Parce que, à chaque respiration, l'oxygène va pouvoir aller dans les vaisseaux de mon sang à travers les battements, les pulsations de mon coeur et détoxyfier toutes les cellules de mon organisme. Donc, c'est un processus de régénération. Dans mon organisme, sans arrêt, j'ai des cellules qui meurent, qui sont remplacées par des cellules nouvelles. Donc, mon organisme se régénère. Mes cellules ont changé, moi je suis resté le même, mais mes cellules ont changé de très nombreuses fois au cours de mon existence. Donc, le processus de régénération est un processus capital, nécessaire en permanence. >> Merci beaucoup, monsieur Morin, d'avoir été avec nous pendant une heure et d'avoir répondu à nos questions >> Merci à vous. >> Aux questions des internautes. Merci à tous d'avoir pris ce temps, donc, en cette fin d'après-midi pour clôturer ce MOOC. Nous allons vous souhaiter une bonne fin de cours. Nous savons que c'est la dernière semaine, nous espérons que ces différentes activités, ces différentes vidéos vous auront permis de réfléchir, de prendre du recul, et donc et donc de comprendre aussi peut-être votre méthode pour prendre vos décisions. Nous avons demain une discussion, que vous allez nous faire partager avec Jean-Michel Blanquer, Directeur Executif de l'ESSEC, qui sera animé par Laurent Bibard, le Professeur titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, autour de la question de l'éducation. Vous pourrez tous, soit venir écouter en direct cet échange au campus de la défense de l'ESSEC, ou la suivre en direct également sur Youtube. Nous vous remercions de votre engagement tout au long du MOOC. Nous savons que certains d'entre vous ont déjà proposé des suites et sont en train de mettre en place différents modules pour continuer de faire vivre le MOOC. De notre côté, nous ne manquerons pas de vous tenir informés des prochaines sessions de mise en place du MOOC et des éventuelles suites que nous y donnerons. Merci infiniment à tous, merci encore, monsieur Morin, et à très bientôt. Excellente soirée à tous. Au revoir. >> Merci.