Bon. Alors, vous savez, le propre de la science, c'est qu'elle est fondée sur des méthodes qui cherchent avant tout de trouver une vérité objective, et qui sont fondées, disons, sur la volonté d'éliminer toute sorte d'erreur. Si vous faites par exemple, dans un laboratoire, vous allez isoler un élément chimique, vous allez l'étudier. Vous allez éliminer de ce laboratoire tous les éléments qui peuvent perturber cet élément. Donc, mais disons plus largement. Les sciences sont fondées sur un dispositif à quatre pôles. Le premier pôle, c'est effectivement l'observation ou l'expérimentation. On croit beaucoup que la science, c'est seulement l'expérimentation, et c'est vrai pour certaines sciences expérimentales comme la physique, comme la chimie, comme la génétique, et cetera. Mais il y a beaucoup de sciences d'observation qui sont fondées sur l'observation des astres, par exemple, tout ce qui est l'astrophysique. Vous avez l'éthologie animale, la connaissance des comportements animaux qui sont fondés sur l'observation, enfin observation. Mais l'observation, c'est pas n'importe quelle observation, c'est l'observation vérifiée. Par exemple, quand Jane Goodall a voulu étudier les mœurs des chimpanzés, elle est restée plusieurs années de suite dans un observatoire au Kenya pour vraiment pouvoir, avoir un certain nombre de faits qu'elle pourrait vérifier. Et donc, le problème, c'est que le pôle observation, expérimentation, deuxième pôle, vérification. Et on vérifie soi-même, et surtout une connaissance scientifique n'est vraiment admise comme telle que si elle est vérifiée par d'autres expérimentateurs. Regardez, c'est ce qui s'est passé pour le problème de la mémoire de l'eau. Moi, j'ai aucun point de vue là-dessus, mais ce qui est clair, c'est que l'équipe de Benveniste qui a semblé établir que, il y avait une mémoire dans l'eau, cette expérience n'a pas pu être refaite par d'autres. Et donc, les scientifiques dans leur majorité ont dit, ce n'est pas scientifique, ce n'est pas établi. Bon, il y a donc, si vous voulez, observation, vérification, et alors, il y a l'autre pôle qui est la rationalité, c'est-à-dire une théorie doit être rationnelle, c'est-à-dire logique, fondée sur l'induction et la déduction. Vous savez ce que c'est que l'induction? L'induction, c'est quand vous partez d'un certain nombre d'observations, et que vous les généralisez parce que elles se répétent sans arrêt. Et dans le fond, l'induction peut vous dire, d'ailleurs c'est Karl Popper qui a dit que l'induction c'est très bien, mais parfois c'est pas suffisant, parce que si vous constatez que tous les cygnes sont blancs de tous vos voyages, mais que vous n'avez pas été en Australie où les cygnes sont noirs, eh bien, cette vérité que tous les cygnes sont blancs, elle n'est pas totale. Bon, et par contre, vous avez la déduction qui est un instrument qui est beaucoup plus formel, qui est beaucoup plus décisif. Vous dites par exemple que dans le syllogisme, tous les hommes sont mortels, Socrate est un homme, donc il est mortel. Bon, vous avez ces deux choses, plus l'expérimentation donne une force, une validité à la science. Et il y a cette dernière idée dont je viens de vous parler, qui est la réfutabilité. Même quand une théorie semble bien établie, il est possible qu'elle soit réfutée, c'est-à-dire qu'elle accepte le principe d'être abandonnée, si surviennent des éléments ou des faits nouveaux. Prenez par exemple le fait que nous avons vécu jusqu'à Copernic dans l'idée que les étoiles, y compris le soleil tournaient, enfin que les planètes, excusez-moi, y compris le soleil, tournaient autour de la Terre. Il a fallu que Copernic parte d'un certain nombre d'éléments perturbants dans cette théorie pour oser la renverser et dire que c'était la Terre et les planètes qui tournaient autour du soleil. Et entre-temps, il y a eu une théorie intermédiaire qui était de l'astronome Tycho Brahe qui disait oui, la Terre tourne autour du Soleil, mais les planètes tournent autour de la Terre. Et cette théorie a été abandonnée, et nous avons vu cette théorie qui a dominé, et puis nous avons pendant longtemps pensé avec la science que le cosmos était immobile, et ce n'est que depuis 1920, 30, 40, que, on a commencé à penser que l'univers était en cours de dilatation et d'expansion. Donc, d'ailleurs Whitehead, il l'a très bien dit. Il a dit que la science est beaucoup plus changeante que la théologie, parce que la théologie et le dogme de la Sainte-Trinité n'a pas changé depuis l'époque du concile qui l'a établi au IIe siècle de notre ère. Alors que toute la plupart des grandes théories scientifiques du passé ont été abandonnées, même aux celles du XIXe siècle, à l'exception de la théorie de l'évolution qui est de la thermodynamique. Donc, voilà ce qui est intéressant, c'est que même dans la science, vous n'avez pas la certitude absolue. Vous avez des théories qui sont partiellement vraies, mais on se rend compte qu'elles sont erronées comme la théorie géocentrique, c'est-à-dire où le Soleil tourne autour de la Terre. Alors, ce qui est intéressant, c'est que la science jusqu'au XXe siècle, jusqu'au début du XXe siècle était fondée sur des principes qui semblaient les seuls principes féconds pour la connaissance. Quel était ce principe? Le premier principe c'était le déterminisme universel. Tout est déterminé. Et c'est Laplace qui l'expliquait en disant voilà, on peut imaginer qu'un démon doté d'une intelligence extrêmement puissante puisse connaître non seulement tous les évènements du passé, mais tous les évènements du futur. Le monde était une machine parfaite, oui. Tellement parfaite qu'elle était imparfaite, parce que si c'était la même chose, ce produit n'a aucune création, aucune nouveauté, aucune innovation. Mais ça, c'était un dogme que la science a dû abandonner avec la thermodynamique, la microphysique, la cosmophysique, et cetera. Et vous avez aussi deux principes qui étaient le principe de réduction. Et ça, je vous en ai parlé. C'était, on pensait qu'on pouvait connaître un tout à partir des parties de base qui le constituent. Et comme je vous l'ai dit, un tout produit par son organisation des qualités nouvelles, des émergences. Ce principe est en cours d'être abandonné, et l'autre principe, si vous voulez, qui est pas seulement la réduction, qui est la disjonction, c'est la séparation entre les disciplines qui causent beaucoup de temps à la connaissance. Alors, en réalité, nous avons affaire à des sciences nouvelles qui sont des sciences complexes, et dont je vous parlerai la prochaine fois.