Les institutions financières rendent des services dans un monde incertain. Commençons d'abord par définir les institutions financières qui constituent l'industrie financière. Ce sont des entreprises qui vendent des services financiers, et en tant que telles, elles se caractérisent par la matière première sous-jacente à toutes leurs activités, qu'est l'argent. L'argent provenant des clients ou des marchés financiers. Cette activité est risquée, dès lors qu'elle engage des sommes d'argent dont la valeur est dépendante de multiples facteurs. Il s'agit donc d'une activité complexe par nature. Si l'on entend par institution financière, non seulement les banques mais aussi les investisseurs, les fonds d'investissement, les brokers, et cetera, on peut dire que toutes les activités propres à ces institutions revêtent intrinsèquement une complexité extérieure. Cet univers incertain, dans lequel évolue le secteur financier, n'est évidemment pas spécifique à l'activité financière, mais le risque, parce qu'il est au cœur de l'activité, est le sujet central. Tout le savoir-faire d'une institution financière se résume le plus souvent à la capacité de gérer les risques, et donc, le meilleur service qu'elle puisse apporter à ses clients, est de gérer au mieux cette complexité. Contrairement à certaines entreprises industrielles, elle ne cherchera pas nécessairement à éliminer le risque, car cela lui enlèverait toute possibilité d'assurer la performance demandée par ses clients ou ses actionnaires. Mais elle cherchera au contraire à apporter la meilleure performance pour un risque acceptable pour ses stakeholders, c'est-à-dire les clients et les actionnaires en premier lieu, mais aussi pour l'ensemble de la société par la conformité à la régulation. La crise financière récente a mis en exergue le risque systémique du secteur bancaire. Même si cette crise n'a provoqué qu'un nombre limité de faillites dans le monde bancaire elle a révélé le risque intrinsèque au secteur financier qui provient de l'interdépendance des banques entre elles. Par le biais des marchés monétaires et financiers Les institutions financières empruntent, prêtent ou placent leur argent chez leur concurrentes. Ce qui les rend dépendantes de la confiance qu'elles s'accordent mutuellement. L'analyse financière pratiquée par les agences de notation est claire : on cherche à objectiviser l'opinion que l'on peut se faire d'une institution financière et de sa solidité. Mais elle demeure une perception, la réalité. Face à l'éventuelle diversité des opinions des analystes et pour éviter des crises de confiance qui pourraient avoir un effet dévastateur sur leur système financier, les mécanismes de régulation se sont renforcés au fil des ans et ont donné lieu à une standardisation de la mesure du risques. Bâle III, qui régule le système bancaire, et SOLVENCY II, les assureurs et les gestionaires de fonds, ont établi des standards de mesure qui sont censés à la fois diminuer le risque systémique global et sécuriser les activités des institutions financières. À première vue la régulation semble apporter ainsi un cadre simplificateur et sécurisant. Mais à y regarder de plus près, elle introduit aussi plus de complexité dans les décisions quotidiennes des institutions. Et peut engendrer des effets pervers. En fait, elle a fait naître les actions de conformité qui jalonnent aujourd'hui toutes les décisions dans le monde de la finance, en introduisant une forme nouvelle de complexité sous la forme de contrainte supplémentaire. Une des conséquences, peut-être aussi une paralysie du crédit, et l'apparition d'autres acteurs sur le marché du crédit moins expérimentés, générant ainsi d'autres risques. Les services financiers sont censés répondre à un besoin des clients, qu'ils soient particuliers ou institutionnels. Les particuliers souhaitent emprunter ou épargner. Les institutionnels collectent des fonds auprès de leurs clients ou de leurs actionnaires et cherchent des produits financiers pour leur apporter une rentabilité et les entreprises industrielles ou commerciales empruntent, placent des excédents ou cherchent à gérer le risque au travers des produits ou des marchés financiers. La plupart de ces services exigent une gestion du risque et par conséquent, d'une forme de complexité. L'utilité sociale de ces métiers financiers en découle. Mais elle n'est pas toujours perçue par ceux qui sont à l'origine de la demande. Le malentendu qui en résulte, est probablement à la source des critiques vis à vis de ceux qui apparaissent essentiellement comme des profiteurs. La réalité est que très souvent la complexité n'est pas perçue ou autrement dit, qu'il existe une forme d'aversion générale au risque, mais que les clients ne sont pas toujours prêts à en payer le prix. Pour que la valeur de ces services soit reconnue et d'une certaine manière pour qu'elle paraisse légitime il est nécessaire qu'il soit rendu dans la plus grande transparence c'est d'ailleurs en partie le sens que doit prendre la régulation, en se donnant pour objectif d'accroître la transparence des institutions financières qui sont soumises à ces règles. La transparence induit aussi plus de responsabilité de la part des acteurs qui en l'espèce, doivent justifier du prix de leurs actes. La régulation peut donc n'être pas seulement une nouvelle source de complexité comme il est signalé précédemment, par le supplément de transparence qu'elle produit, elle responsabilise les acteurs, elle peut réduire le champ des aléas. La complexité intrinsèque des activités financières engendre une crainte dans la société. L'aversion au risque est d'autant plus grande que ces activités sont mal comprises. Si la régulation apparaît rassurante aux yeux de certains, du fait notamment de la plus grande transparence qu'elle induit elle n'apporte pas de réponse sur le sens. Pourquoi les banques prennent-elles des risques? Comment peut-on faire pour que ceux qui prennent des décisions risquées soient en capacité de les assumer? En fait, il s'agit d'une question de responsabilité qui n'es pas seulement individuelle. Certes, certains métiers de la finance exigent une compétence technique affinée et il serait irresponsable pour ces professionnels de travailler sur des produits complexes sans en avoir une bonne connaissance technique. Mais la responsabilité liée à cette complexité ne s'arrête pas là. Chaque organisation, ou chaque individu a d'une certaine façon des objectifs financiers qu'il s'agisse de placements, de projets ou d'activités à financer, d'épargne en vue du futur ou même d'acheter ou de vendre un risque. Le contexte dans lequel ces besoins financiers se manifestent déterminent le risque. Il est absurde de ne pas relier le besoin au contexte. Par exemple, cela n'a pas de sens d'exiger d'un produit financier une rentabilité de 15 % par an sans risques et dans un contexte non-inflationniste. En bref, si les clients de la finance que nous sommes tous, apprenons à relier les choses entre elles et si la régulation du secteur financier nous permet d'avoir toute l'information nécessaire pour le faire, nous parviendrons alors beaucoup plus facilement à maîtriser cette complexité.