Alors, moi je dirais que, aujourd'hui, que nous sommes dans cette ère néolibérale, laquelle est inséparable de la mondialisation, et qui malheureusement prend l'aspect d'une sorte de dogme économique qui se, bien entendu, prête en science ; nous avons, quand même, bon, on va avoir deux conceptions de la compétitivité. L'une, à mon avis qui est illusoire, et l'autre, justement qui peut être féconde. Bon, alors, qu'est-ce que c'est qu'aujourd'hui la compétitivité? Ce sont des normes, de plus en plus précises, de plus en plus chronométrées, de plus en plus contraignantes, sur ceux qui travaillent dans les boîtes, pas seulement industrielles, mais dans les boîtes de services, dans les boîtes comme des téléphones portables, enfin de tout ce qui existe aujourd'hui, qui se développe à travers des sociétés souvent multinationales. Bon. Et, ça se répand partout. Par exemple, j'ai lu une thèse très intéressante, sur les cabinets ministériels. Bon, les cabinets ministériels apparemment ça n'a rien à voir avec les entreprises, et l'enquête a montré que dans le temps, les attachés de cabinet recevaient parfois des instructions de la part du ministre, avec la mention, le tampon U, ça voulait dire, urgent. Et avec le temps, les tampons U non seulement se sont multipliés, mais il y a eu, TU. Très Urgent. Et avec le temps, maintenant c'est TTU, très très urgent. C'est à dire on pousse de plus à l'accélération. Et-ce que le rendement est meilleur? Je n'en sais rien, mais c'est pour vous dire que ce contrôle accru qui existait auparavant dans les usines et qui maintenant est transplanté dans les bureaux, ces contraintes accrues, non seulement créent, à la limite ces burn-out, ces moments épouvantables et même ces suicides ; mais, ils sont stressants et finalement, ils sont contre efficients. Et non seulement ils sont contre efficients, mais, ils conduisent, dans une politique qui vise à lutter contre le chômage, ils visent à accroître le chômage. On dit c'est grâce à cette compétitivité que nous allons réduire le chômage. Mais comment se fait-il puisque en temps de compétitivité, on vide des travailleurs. On fait des réductions d'effectifs. On crée des nouveaux chômeurs. La aussi, il y a un total paradoxe et la question est de voir quelle est la bonne compétitivité? La bonne compétitivité, c'est effectivement, de pouvoir créer ce sentiment de communauté d'entreprise, de communauté de destin, de participation à un juste destin, du sentiment qu'on n'est pas traité comme un objet, du sentiment qu'on peut être respecté comme un être humain, écouter ses doléances, vous pouvez avoir une rétroaction de la base au sommet et pas seulement des ordres du sommet à la base. C'est l'humanisation de l'entreprise, c'est ça qui est, en quelque sorte, la clé de la bonne compétitivité. Mais pour comprendre ça, il faut quitter toute une vision du monde, fondée uniquement sur le calcul, qui finalement fait des êtres humains des purs objets, on ne voit que des objets et on croit que tout est manipulable et finalement on fait de la fausse compétitivité, en faisant, en créant, beaucoup de souffrances. Et alors, c'est la même chose, je dirais que parallèlement, ou plutôt, complémentairement, dans ces énormes entreprises, se développe la bureaucratie. Alors il faut séparer l'idée d'administration et de bureaucratie. L'administration est une chose absolument, évidement nécessaire, et la bureaucratie c'est la maladie de l'administration, qui devient vicieuse, qui devient bloquée, qui devient inhibitrice. Par exemple, bien déjà le problème se pose pour des administrations d'état, depuis longtemps, vous avez la compartimentation des responsabilités et la mentalité bureaucratique, c'est-à-dire chacun enfermé dans son secteur et je ne connais pas l'autre secteur. Alors vous allez à un guichet : ha non c'est pas mon secteur, c'est ailleurs. Où ça? bah... Donc souvent, les malheureux usagers, les clients, vont de secteur en secteur, de téléphone en téléphone, dans des organismes compartimentés, où les gens ne savent même pas ce que font les autres. Vous avez la séparation du commercial et du technique, qui dans une grande entreprise que je connais, ne communiquent jamais entre eux. Seulement les gens du technique disent : ha non c'est pas nous, c'est le commercial! Et les gens du commercial disent : ha non non, c'est le technique! Donc, vous avez, sans parler de la surcharge, parce que la perte de temps quand vous avez, vous attendez un quart d'heure au téléphone, à écouter une musique pseudo suave, parce que des personnes au standard sont occupées, là aussi, il y a un gaspillage parce qu'on ne veut pas utiliser une secrétaire de plus pour pouvoir répondre alors que c'est l'intérêt collectif que les choses aillent beaucoup plus rapidement. La bureaucratie généralisée est une des grandes maladies de notre civilisation. Et qui touche les entreprises évidemment, et qui affecte aussi bien leur propre rendement, que leurs relations avec les usagers. C'est un mal dont souffrent, pas seulement les entreprises, mais dont souffrent les citoyens et, les usagers, et on arrive toujours à ce même problème : c'est l'oubli de l'humain! Alors, maintenant, voyons un peu comment on peut envisager une réforme de l'entreprise par rapport à ses vices. Bon, vous avez d'abord des exemples par rapport au centralisme qui est une relative décentralisation. Vous avez même des grandes multinationales, qui contrôlent des entreprises concurrentes mais qui laissent ces entreprises faire leur concurrence, de façon à les stimuler. Donc, vous avez aussi des façons, vous avez des méthodes pour donner de l'autonomie et de la responsabilité. C'était déjà avant la guerre qu'en Tchékoslovakie, les usines Skoda, créaient des ateliers relativement autonomes, où il y avait un minimum de responsabilité collective d'atelier à atelier. Il y a des entreprises aussi aux Etats-Unis où les rapports humains ont profondément changé, autrement dit, il y a plusieurs, de multiples exemples de processus d'humanisation d'entreprise.