Bienvenue dans notre interview de cette semaine sur la connaissance. Nous apprenons beaucoup de choses, nous entendons beaucoup de choses, et pour autant, notre connaissance est toujours sujette à l’erreur. Elle repose sur notre mémoire, sur nos émotions. Elle dépend de beaucoup de choses, et souvent, on pense que pour prendre des décisions, on n’a pas de matière stable. Pour autant, quand on est dans, dans une situation inattendue, et qu’on doit faire face à l’illusion, tout repose sur cette connaissance. C’est pour ça qu’on fait des études et qu’on essaie toujours de développer notre, notre patrimoine et notre héritage de connaissances. Et finalement, il apparaît que le, notre seule solution, c’est de pouvoir mettre ces différentes connaissances mouvantes en relation, et de pouvoir les mettre en relation en nous mettant en relation, non pas uniquement avec des matières ou des matériaux de connaissances, mais également avec des personnes. Et aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir échanger avec Caroline, qui est une diplômée de l’ESSEC depuis 2010, de la chaire économie urbaine, qui vit dans la baie de San Francisco depuis trois ans, et qui a une expérience en business development, en consulting, en immobilier, en smart cities, et villes durables donc, et qui est aujourd’hui en début de PhD à Stanford, en Sustainable Design and Construction. Bonjour Caroline, et merci d’être avec nous aujourd’hui. Nous allons donc commencer par une première question. En quoi faire des études aujourd’hui vous semble complexe? Quels choix, quelles découvertes, quels constats ont finalement orienté votre parcours? >> Donc, bonjour, merci beaucoup, Léa, de m’avoir invitée à ce Google hangout, c’est vraiment un plaisir. Donc, j’ai essayé de reprendre des, des études après l’ESSEC pour faire un peu plus de recherches, mais ce qui me semble, aujourd’hui, le plus complexe dans le fait de faire des études, c’est que les études préparent à une vie professionnelle qui est longue, qui est variée, qui est multiforme, et finalement le temps d’études est extrêmement cours par rapport au temps qu’on va passer en entreprise. Donc, ce qui, il y a une sorte de tension, j’ai trouvé, dans l’éducation à l’ESSEC, mais je la retrouve aussi à Stanford, entre préparer les élèves à, c'est d'être employable en fait, de réussir à être employés à la sortie des études, et pour cela on doit avoir une connaissance assez spécialisée, extrêmement applicable. Mais aussi préparer les élèves à, à évoluer, à choisir des parcours, à faire en sorte qu’ils puissent changer de métier, changer d’entreprise, et ça se fait tous les deux ou trois ans, ici, dans la Silicon Valley, et aussi préparer à innover, à être des acteurs du changement à l’intérieur de leurs entreprises, dans des start-up. Et donc tout ça, tout ça en même temps, pendant quelques, quelques années à l’université. >> Merci beaucoup. Nous allons passer, donc, à la question suivante. Finalement, quelle, pour affronter cette complexité, et ce, cet écosystème mouvant, quelles expériences, ou quels cours, vous ont donné les meilleures armes pour comprendre et pour gérer cette, cette complexité? >> Les cours que, qui m’ont vraiment aidée, c’est les cours un peu, do it yourself, dans lesquels les professeurs prennent une position qui est un peu en retrait, qui, et qui sont là un peu comme des portes vers, vers la connaissance. Il y a plein de choses qui sont innovantes mais dans lesquelles les élèves ont la place la plus importante pour produire des résultats innovants, c’est-à-dire des produits qui sont de toutes les formes. Mais aussi pour être les acteurs de leur propre connaissance ou apprentissage, c’est-à-dire qu’il y a un, une emphase non seulement sur ce qui est produit, le produit fini, mais aussi sur les méthodes. Donc, on nous apprend à apprendre, entre guillemets. Une expérience un peu plus concrète, c’est d’utiliser des méthodes telles que les chapeaux de pensée, les thinking hats, de Edward de Bono, et dans cela, c’est une mise en situation où, on nous donne un sujet à traiter, une, un problème, un groupe, et dans le groupe, chaque personne doit prendre un point de vue différent. Donc, Edward de Bono dit qu’on peut approcher un problème de six façons différentes. Donc, il y a six points de vue, six positions. Celle du manager, qui a une vue globale, qui donne un peu la direction du projet. Une position un peu d’informations, de données, qui se concentre vraiment sur des faits. Un point de vue émotionnel à adopter, quelles sont les émotions qui, que l’on ressent qu’on, on pense à un problème particulier. L’avocat du diable. La position optimiste et la position créative. Et, ce qui est assez intéressant, c’est que, donc, c’est, effectivement, chacun met un chapeau, véritablement, on rentre à l’intérieur du jeu. Et, chaque étudiant va adopter un différent point de vue pour, pour se, pour étudier cette question. Ce que je trouve intéressant, donc, j’ai participé à ce genre de, d’expériences, et j’ai trouvé que c’était à la fois une expérience de groupe, sociale, dans laquelle on apprend effectivement à avoir son propre point de vue mais à écouter les autres, à aussi rentrer dans un dialogue constructif, parce qu’à la fin, on doit quand même, effectivement, répondre à la question. C’est une expérience personnelle parce que ça nous permet de voir dans quelle position on est le plus à l’aise, et est-ce que adopter une position différente nous permet effectivement de, de trouver d’autres solutions, d’avoir, d’enrichir notre, notre pensée et d’aboutir à quelque chose qui, qui est plus intéressant. Et, enfin, c’est réutilisable dans un contexte professionnel, c’est réutilisable dans la vie, c’est réutilisable même tout seul, en tant qu’expérience de pensée, quand on est devant un, un papier, enfin, un papier ou le fait d’écrire un article. Et donc, se concentrer sur ces méthodes d’apprentissage, et sur la mise en situation dans lesquelles les élèves doivent construire leurs propres, leurs propres savoirs, ça me semble quelque chose d’extrêmement, d’extrêmement utile. >> Merci beaucoup. En effet, pour appréhender, donc cette complexité, on jongle avec les différents outils, on prend du recul, et ces différentes méthodes, donc, qui permettent d’apprendre à apprendre, permettent une plus grande aisance, c’est certain, et permettent également de toucher à beaucoup de sujets et de tisser des liens entre les connaissances et les apprentissages. Finalement, cette interdisciplinarité, en quoi est-ce qu'elle vous semble importante pour votre vie professionnelle future? >> Donc, aujourd’hui, je suis dans un programme qui s’appelle, Sustainable Design and Construction, et qui se, qui se concentre sur la construction d’infrastructures et de bâtiments durables. Et je trouve que la construction, c’est quelque chose de, qui est assez exemplaire en termes d’interdisciplinarité, car aujourd’hui, en fait, on sait à peu près comment, quelle est la science derrière les bâtiments durables. Mais, une fois qu’on a construit le bâtiment, souvent, il n’est pas du tout à la hauteur des espérances, et c’est souvent à cause de la construction, du processus de construction, qui, qui en fait demande à plein de métiers différents, à plein de, de filières effectivement, extrêmement séparées, de travailler ensemble pendant un an ou pendant une, une durée assez courte, et de savoir travailler ensemble pour arriver à un produit final. Donc, c’est un exemple vraiment, assez parlant. Et cette industrie extrêmement fragmentée, demande du coup à ces gens de travailler, les uns après les autres, avec des gens qui sont, qui ont une fragmentation culturelle, parfois avec des, des project managers qui viennent d’un pays mais qui, qui emploient des, des travailleurs qui sont d’un autre pays, qui sont assez locaux. Et demande à tous ces métiers, effectivement d’aboutir à un résultat cohérent. Donc, ce qu’on fait ici, on travaille sur l’interdisciplinarité, donc, comment on rassemble tous ces gens, de milieux extrêmement différents, avec des a priori extrêmement différents, des manières de travailler très différentes, qu’on met dans une seule pièce et on essaye de, de les faire travailler ensemble pour savoir comment on va résoudre les problèmes à l’avance. Comment est-ce qu’on va planifier pour au mieux éviter les problèmes qui peuvent polariser. Et ça demande de la part de chacun de venir en connaissant ses propres problèmes, en connaissant son métier extrêmement bien, mais aussi en ayant la capacité d’écouter les autres, de faire un dialogue, des les faire parler, des les faire exprimer quels sont, eux, leurs besoins, pour savoir quels vont être les problèmes, et pouvoir trouver des solutions, ou au moins des méthodes à adopter quand on va enfin rencontrer ce problème. Donc, dans ce, >> Merci beaucoup. Pardon, vous vouliez rajouter quelque chose? >> Non, non. Dans ce, je trouve que dans ce type d’environnement, on retrouve les mêmes tensions qu’on avait dans l’éducation, entre venir avec des spécialités, et venir en ayant les compétences un peu sociales qui permettent de travailler en groupe, et enfin venir avec des personnalités, le fait de pouvoir, de pouvoir être innovants. Et pour conclure, ce qui me paraît le plus important dans l’interdisciplinarité, c’est que, ce n’est pas, l’interdisciplinarité ne veut pas dire qu’on doit savoir tout, ou on doit être un expert dans tout. Au contraire, il faut venir, à mon avis, avec son propre chapeau, sa propre expertise en termes de, de connaissance et en termes de façon de réfléchir, mais savoir être ouvert aux autres pour pouvoir participer pleinement à la discussion. >> D’accord. Parfait, merci beaucoup. On voit donc comment aujourd’hui, tant dans un parcours académique que dans un parcours professionnel, il ne faut pas avoir peur de jongler, de se tromper également des différences, en quoi finalement tout ceci est fécond pour résoudre des problèmes du quotidien et prendre des décisions en connaissance de cause, et on voit bien au travers de vos explications et de votre témoignage, comment les relations sont à la fois dangereuses parce qu’elles ne sont pas managées, et anticipées, et à prendre avec beaucoup d’humilité, et puis également notre plus grande richesse, puisqu’elles permettent d’aborder les solutions sous tous leurs angles. Et qu’aujourd’hui, pour aller de l’avant, il, il faut finalement savoir changer de casquette. Merci beaucoup, Caroline, d’avoir été avec nous. Et puis, nous vous invitons à continuer cette discussion sur le forum, et nous nous retrouverons la semaine prochaine pour une nouvelle interview.