Beaucoup de gens pensent que l'on peut facilement influencer le comportement des consommateurs en modifiant leurs opinions. Il suffirait pour cela de les exposer à des messages marketing ou publicitaires, or, c'est beaucoup plus complexe que cela et on ne peut prêter aux techniques marketing un tel pouvoir de manipulation. Ainsi, deux personnes exposées à la même information, par exemple une publicité sur un produit, peuvent forger des opinions très différentes sur ce produit. Pour comprendre pourquoi, il faut comprendre les différentes étapes du processus de formation de ces opinions appelées attitudes en marketing. Tout d'abord les perceptions jouent un rôle essentiel et les responsables marketing savent qu'il peut y avoir un décalage très important entre le message qu'ils souhaitent envoyer et ce qui est réellement perçu par les clients ou les clients potentiels. En temps que consommateurs nos perceptions se forment en effet à partir de différents éléments des stimuli qui peuvent être des produits, une publicité comme dans l'exemple pris précédemment, une vitrine de magasin, des éléments stockés en mémoire, or, plusieurs phénomènes peuvent expliquer ce décalage entre le message émis et la perception de ce message. Tout d'abord, la perception peut-être partielle, on passe vite devant un magasin, on entend mal le son d'un message publicitaire, d'autre part, la perception est déjà une sélection et une interprétation de l'information. Chacun va sélectionner l'information en fonction de ce qu'il connait déjà par exemple, il va reconnaître plus facilement ou même compléter un stimulus familier. Ainsi, il y a fort à parier que les buveurs assidus de Coca Cola verront, c'est-à-dire percevront la marque Coca Cola dans cette image même si c'est le mot Pepsi qui est écrit. En effet, ils ont été exposés de multiples fois au logo Coca Cola et il est fortement présent dans leurs mémoires. Chacun va également interprêter une forme, une couleur, un mot ou un symbole en fonction des éléments stockés dans sa mémoire, ou de son contexte culturel, la couleur noire par exemple, connotera le deuil en Europe, une femme habillée entièrement en blanc sera identifiée comme une mariée, une fleur de lys sur fond bleu évoquera la royauté, et cetera. Ceci explique que des images ambiguës vont être interprétées de façon très différente selon les individus et leurs références culturelles, ou plus simplement de leurs connaissances préalables. Le décodage du message peut également dépendre de l'intérêt, de l'implication de chacun qui peut être situationnel. Ainsi, une femme enceinte percevra-t-elle de façon consciente des publicités pour des accessoires de puériculture qu'elle n'avait pas vus, c'est-à-dire perçus avant sa grossesse. Les éléments stockés en mémoire, et notamment l'opinion précédente à l'égard du produit ou de la marque présentés vont également influencer l'interprétation du message. C'est-à-dire que les éléments cohérents avec l'opinion précédente vont être surreprésentés dans la perception. Ainsi, si quelqu'un voit un vêtement d'une marque qu'il apprécie particulièrement, porté par une personne dont il a une opinion très négative, cela risque de perturber négativement non seulement son opinion mais même sa perception de la marque. Il aura tendance à ne pas voir le logo, à penser inconsciemment qu'il s'agit d'une imitation et non d'un produit original par exemple. Cette tendance à la cohérence cognitive explique que les opinions et attitudes soient très stables et difficiles à faire évoluer, en effet, chacun aura tendance à percevoir les informations cohérentes avec son attitude précédente et à les interpréter de manière à être cohérente avec elle. Les émotions jouent également un rôle très important dans la perception et l'interprétation de l'information. Ainsi, dans les campagnes pour la lutte contre la faim dans le monde, sont parfois montrés des enfants malnutris, ces images génèrent des émotions très fortes et des recherches ont pu montrer que ces messages très émotionnels sont jugés plus pertinents et génèrent un engagement plus fort que des messages purement informatifs Cependant, lorsque les émotions négatives générées, comme par exemple la peur dans certaines campagnes de santé publique, sont trop fortes, cela peut induire des stratégies d'évitement, c'est-à-dire que le message n'est pas du tout perçu. La perception n'est donc pas un processus neutre, c'est déjà une sélection et une interprétation subjective de l'information, or, ces perceptions répétées contribuent fortement à former les opinions, c'est-à-dire des prédispositions à juger, que l'on appelle en marketing, les attitudes. Il peut s'agir d'une attitude par rapport à une marque, par rapport à un produit, par rapport à une entreprise ou une enseigne. Et ces attitudes sont bien sûr très importantes pour prédire les comportements. Cependant, le processus de formation de ces attitudes à partir des perceptions peut être complexe, c'est la raison pour laquelle deux personnes, à partir du même message, peuvent former des attitudes très différentes. La compréhension de ces différentes étapes permet de dépasser l'idée qu'il suffirait d'émettre un message donné pour être compris. Les décalages entre deux perceptions ou entre deux croyances ne peuvent pas forcément être qualifiés d'erreurs. Les deux perceptions sont légitimes, elles sont simplement subjectives, reconnaître la complexité de ce phénomène permet aux entreprises de communiquer plus efficacement à destination de leurs clients, et à chacun d'entre nous de mieux analyser les déterminants de nos comportements.