[MUSIQUE] Maintenant, posons-nous la question de la définition de l'impact investing. Notre expert Nicolas Mottis, précise avant tout, que l'impact investing est sans aucun doute un concept à la définition variable et en cours de maturation. Il nous rappelle aussi que cette dynamique au sein de la finance s'inscrit dans celle plus large de la finance responsable qui s'est développée depuis plus d'un siècle maintenant. Nous pouvons rajouter qu'elle s'inscrit dans la continuité de la finance solidaire, dont un des pionniers forts en France aura été le réseau France Active représenté par Christian Sautter, et qui finance avec succès depuis 1988 les entreprises sociales et les chômeurs créateurs d'activités. Nos interlocuteurs, notamment Emmanuel De Lutzel et Nicolas Mottis, ont eu à cœur de bien dissocier l'impact investing de l'investissement socialement responsable dont la vocation est, sur les marchés, d'exclure des portefeuilles d'investissement certaines entreprises dans des secteurs jugés peu vertueux, ou bien de choisir dans certains secteurs les meilleurs de la classe, selon des critères extra financiers sans exclure aucun domaine d'activité a priori. Ensuite, Emmanuel De Lutzel rajoute que l'impact investing concerne des entreprises non cotées, à la différence de l'investissement socialement responsable, et que l'ambition première des investisseurs n'est pas tant celle du rendement que celle du sens, comme le souligne Christian Sautter. Ceci ne signifie pas qu'on laisse la question de la rentabilité de côté, mais cependant que ces investisseurs vont chercher à investir dans des modèles d'entreprises qui, au-delà de leur pérennité économique, indispensable à toute entreprise, auront à cœur dans leur démarche, d'avoir un vrai impact social. Jérôme Schatzman, précise ainsi très justement qu'en tant qu'entrepreneur social, ayant dirigé plusieurs entreprises, il est indispensable de bien comprendre les exigences de retours financiers des impact investors, dont le curseur peut varier selon les institutions et leur fonctionnement. Nos interlocuteurs s'accordent pour dire que ces investisseurs cherchent a minima un retour du capital investi, ils sont tous en attente de prouver l'utilité sociale de leur placement. Jean-Guy Henkel précise ainsi l'impérieuse nécessité de témoigner des résultats concrets atteints aux partenaires et particuliers qui investissent dans le développement de jardins de Cocagne. En réponse au besoin croissant pour ces financeurs d'un nouveau type, non seulement dévaluer leur risque financier mais aussi de juger de leur impact social, à l'image de ces nouveaux phil-entrepreneurs, exigeants et engagés, cités par François Debiesse. Alors ensuite, la question de la durée, le besoin de temps pour que ces modèles fortement innovants trouvent leur équilibre est essentiel dans l'impact investing, comme rappelé par Christian Sautter ou Jean-Guy Henkel. Ce qui se traduit souvent du côté des investisseurs à impact social, par une double fonction, de financeurs mais aussi d'accompagnateurs des équipes et des modèles selon Olivier De Guerre. Ainsi, cet accompagnement est au cœur des pratiques d'un acteur comme France Active ou encore du Comptoir de l'innovation qui développent un réseau d'incubateurs en France et à l'étranger pour soutenir et conseiller ces projets fortement innovants. Cet accompagnement, au-delà de la stratégie d'entreprise à constituer, peut porter aussi sur la constitution des tours de table. En effet, Jérôme nous rappelle la grande diversité des acteurs et des modalités de financement dans l'écosystème que peuvent soliciter les entrepreneurs sociaux, Love money, banque, business angel, fonds d'investissement, fonds public, à ce titre, certains réseaux comme France Active se sont donnés comme mission de faire effet de levier, pour convaincre et fédérer d'autres financeurs plus traditionnels de l'économie comme les banquiers autour des projets, comme nous le rappelle Christian Sautter. Il est intéressant de conclure sur les enjeux liés au développement de l'impact investing d'ores et déjà cités par nos interlocuteurs. Alors voilà trois points essentiels qu'on peut retenir. Avant toute chose, Christian Sautter nous rappelle le besoin de développer davantage de vocations d'entrepreneurs sociaux. Des formations comme la Chaire entreprenariat social de l'ESSEC ont pour mission d'y contribuer. Ensuite, en réponse au désir de plus en plus fort de transparence et de sens dans la finance, il s'agit aussi de rendre de plus en plus accessible aux particuliers ces formes d'investissements producteurs d'utilité sociale, comme le souligne Nicolas Mottis. Continuer ainsi à développer ainsi l'épargne solidaire, le crowd-funding solidaire, ou encore des formules de plus grande proximité telles que l'investissement au service de projet solidaire de l'autre côté de la rue, comme le propose Christian Sautter, est pleinement dans la tendance actuelle des désirs des épargnants citoyens et nous l'étudierons plus en profondeur. Enfin, il n'est pas vain de rappeler ce qui a été souligné à maintes reprises par les financeurs interrogés, à savoir un grand besoin de développer l'accompagnement humain et stratégique des modèles pour sécuriser leur création et catalyser leur changement d'échelle, avec notamment un enjeu majeur de professionalisation et d'outillage fort de ces acteurs partagés par tous autour du pilotage de l'impact social généré, pour naviguer au mieux et rendre compte avec justesse des aspects financiers et extra-financiers de l'entreprise sociale, nous y reviendrons là aussi.