[MUSIQUE] [MUSIQUE] Je suis François Debiesse. Je dois commencer cette présentation par un aveu. J'ai fait toute ma vie un très vilain métier, j'ai été banquier pendant plus de 40 ans. J'ai été monoemployeur, puisque j'ai travaillé exclusivement pour Paribas d'abord, puis pour BNP Paribas, après la fusion entre les deux établissements et j'ai eu, pendant cette longue période, j'ai fait beaucoup de choses différentes, c'est le charme des grandes banques. Mais j'ai eu deux missions principales. Une mission exécutive, qui a été de diriger, pendant 20 ans, ce qu'on appelle la banque privée, c'est-à-dire le secteur qui est en charge des relations avec les damnés de la Terre : les gens qui font de l'argent. Et puis sur une période un peu plus courte mais dans le même temps, j'ai été président de la fondation Paribas, puis BNP Paribas, c'est-à-dire l'entité qui est en charge de faire le mécénat de la banque. Ce que l'on appelle la Corporate Philanthropy de la banque. C'est de la conjonction de ces deux missions, des approches différentes que m'ont apporté ces deux fonctions, même si l'une était mon job et l'autre venait en plus, la fondation n'a jamais été mon job à plein temps, eh bien c'est de la conjonction de ces deux approches qu'est né mon engouement d'aujourd'hui et mon engagement d'aujourd'hui, au service de la philanthropie et de son développement. Alors, comment ça s'est fait, pourquoi? J'avais pris conscience, à travers le mécénat, de toutes les problématiques liées au financement de l'intérêt général, des problèmes de ressources, des besoins de plus en plus importants qu'il pouvait y avoir, dans ce domaine de l'intérêt général ou de ce que Jacques Rigaud, le créateur d'ADMICAL, appelait le bien commun, et puis parallèlement, depuis disons, grosso modo, une bonne dizaine d'années, dans le courant de mes pérégrinations dans le monde, pour aller au-devant de mes clients, puisque dans ce métier de la banque privée, il faut aller voir les clients, pour parler avec eux, les comprendre, c'est un vrai people-business, et qui nécessite beaucoup de relations, beaucoup d'engagement vis-à-vis des personnes pour connaître et comprendre leurs attentes, j'ai été confronté, de plus en plus souvent, à une affirmation qui m'a, interpelé disons, et qui était I want to give back, pour le dire en anglais, j'ai envie de rendre à la société une partie de la fortune que j'ai faite. Alors, si l'on essaie de comprendre pourquoi cette volonté de s'engager, de faire des choses, entre guillemets, au service de la société, eh bien c'est finalement assez simple. En fait, je dirais que l'Argent, avec un grand A, a beaucoup changé depuis les 30 dernières années. Il y a 30 ans et avant, la personne riche type, la personne fortunée, le client d'une banque privée type, c'était un vieux monsieur de plus de 75 ans et qui avait hérité de sa fortune. Aujourd'hui, les choses ont fondamentalement changé, et la personne riche type, le client type d'une banque privée et ça, c'est vrai partout dans le monde, dans touts les types de banques privées, c'est une personne active, beaucoup plus jeune, disons que la moyenne se situe entre 50 et 60 ans, ça peut être beaucoup plus jeune aussi et notamment pour ceux qui ont fait fortune dans le net, dans la net economy, où l'on voit des gens extrêmement fortunés de moins de 40 ans. Ce sont, de plus en plus souvent, des femmes et ça, c'est un point majeur, parce que les femmes n'ont pas la même relation à l'argent que les hommes et cela a impacté beaucoup l'approche en matière de philanthropie et puis, peut-être le point le plus important, en tout cas c'est celui dont on va le plus parler, c'est le fait que cette fortune, elle n'est plus héritée, mais elle a été construite par la personne, avec sa vie professionnelle, disons que le paradigme étant la cession de l'entreprise et ce que j'ai constaté, c'est que le jour où une personne qui a été chef d'entreprise pendant toute sa vie professionnelle vend sa boîte et se trouve confrontée, si je peux utiliser ce terme, à des sommes d'argent qui sont parfois considérables, des dizaines voire des centaines de millions d'euros ou de dollars, cela entraîne une espèce de questionnement un peu existentiel, mais finalement tout cet argent, pour quoi faire? Pour quoi faire, je ne partirai pas avec et donc, il faut que je réfléchisse à ce que je vais en faire pendant le temps qui me reste. Et les réponses, on se rend compte que partout dans le monde, elles sont un peu partout les mêmes. C'est-à-dire trois niveaux de réponses. Le premier niveau c'est, je vais vivre de façon sympathique jusqu'à la fin de mes jours, parce que je l'ai bien mérité. C'est normal. La deuxième, si j'ai des enfants, eh bien ces enfants je vais leur donner les moyens de construire la vie qu'ils ont envie d'avoir, mais sûrement pas les moyens de ne rien faire jusqu'à la fin de leur vie. Alors je vais leur donner, parfois dans des proportions importantes, mais il y aura un plafond à ce que je leur donnerai. Et pour le reste, je suis prêt à utiliser cet argent au service de la société. Je suis prêt à le rendre à la société, et le mot qui est utilisé, c'est je suis prêt à le réinvestir dans la société. Ça c'est très important, parce que ça démontre une évolution absolument fondamentale de ce que l'on appelait traditionnellement la charité d'autrefois, vers la philanthropie de demain. La charité d'autrefois, elle avait ses avantages évidemment, mais elle avait aussi ses risques ou ses faiblesses, qui ont été très visibles à différentes occasions et l'on peut dire que, le syndrome de l'ARC en France, a laissé des cicatrices importantes. Parce qu'en fait, dans la charité traditionnelle, il y avait un don et puis, derrière il ne se passait rien, c'est-à-dire que le donateur ne se préoccupait pas de ce qui se passait par la suite, de l'utilisation qui était faite de son argent, qui pouvait éventuellement être un peu biaisé, dévié, ou mis au service d'intérêts plus personnels que de l'intérêt général. Aujourd'hui les choses ont changé, substantiellement. Elles ont changé parce que justement, ces nouveaux riches ont été toute leur vie des professionnels et des entrepreneurs et donc, ils vont avoir, de leur philanthropie, de leur volonté de s'engager pour la société, une approche qui va être une approche d'entrepreneur et qui va donc chercher à vérifier en permanence l'impact, le levier qui représente le don qu'ils peuvent faire pour faire bouger les choses. Le point de départ, la volonté, c'est de faire bouger la société, d'être un facteur de progrès pour cette société, qui souffre de façons multiples et qui a des besoins de plus en plus importants et donc, le donateur va vérifier qu'effectivement, son acte de don aura servi à quelque chose et aura permis à la société, sinon de régler un problème, en tout cas de faire un petit pas vers la solution à ses différents types de problèmes. Donc, voilà une évolution absolument majeure de la philanthropie, qui représente pour l'avenir un point extrêmement important, parce que dans les évolutions que l'on ressent et dans le type d'engagement que souhaitent avoir ces entrepreneurs, on sent qu'une réflexion, de plus en plus importante, va se faire et va les amener à ouvrir le champ de leur approche de donateur, sur des méthodologies nouvelles, sur des approches nouvelles et c'est ainsi que, progressivement, l'impact investing est rentré dans le paysage de la philanthropie. On peut dire que traditionnellement, et ça c'est un constat que j'ai pu faire en tant que patron sur le long cours, si je puis dire, de deux banques privées, une évolution significative par rapport à un clivage traditionnel dans la tête, dans l'esprit des clients fortunés, entre la notion d'investissement et la notion de don. Traditionnellement, l'approche était de dire voilà, j'ai un patrimoine, je vais chercher à optimiser ce patrimoine, à en tirer un maximum, à le rentabiliser. Ça c'est une première case, un premier compartiment du cerveau, et puis dans le deuxième compartiment, il y avait, je donne. Parce que, voilà, je suis quelqu'un qui est soucieux de la société autour de lui, qui est soucieux des autres, qui a envie d'améliorer le vivre-ensemble et de contribuer à un meilleur vivre ensemble et donc, je donne.. Mais, pas de lien entre ces deux compartiments et pas d'impact, entre la notion de donnation et la notion d'investissement, ni en sens inverse bien sûr. Ça c'était vrai dans la tête des clients et c'était vrai, évidemment, dans la tête de ceux qui sont le relais par rapport aux clients, du discours financier et éventuellement, du discours philanthropique. Donc les commerciaux, ceux que l'on appelle les gestionnaires de fortunes, avaient intégré, depuis longtemps, cette notion de donnation, parce qu'ils avaient bien vu la sensibilité de plus en plus grande de leurs clients à ces sujets-là, donc ils allaient au-devant des clients, ils leur proposaient un accompagnement, pour leur permettre d'avoir une approche plus efficace de leur philanthropie, mais en revanche, ils préservaient, ils respectaient complètement, voire même ils cultivaient ce Chinese Wall, entre l'investissement d'un côté et la donnation, de l'autre. [AUDIO_VIDE]