[MUSIQUE] Nicolas Celier, je suis un investisseur en capital risque depuis bien longtemps. J'ai travaillé comme associé chez Alven Capital, cofondé le fonds Investir &+ et cofondé Ring Capital. Ring Capital c'est quoi? C'est une société de gestion qui gère trois véhicules, un fonds qui investit dans des sociétés technologiques relativement mûres à forte croissante et qui sont sustainables, un fonds de capital-risque early stage d'impact Ring Mission, qui investit dans des jeunes start-ups à fort potentiel dont le cœur d'activité est de résoudre un problème social, environnemental, et troisièmement, un fonds de dotation qui est un fonds de venture philanthropie, qui identifie finances et accompagne de très jeunes associations innovantes qui ont vocation à résoudre des problèmes environnementaux ou des problèmes d'inclusion de populations fragiles. [MUSIQUE] Ce qui fait que Ring Mission est un investissement à impact c'est le fait que Ring Mission n'investit que dans des jeunes start-ups technologiques qui ont été créées autour de la résolution d'un problème social ou environnemental. C'est les sociétés où l'impact n'est pas externe ou secondaire, mais l'impact est constitutif du business model. Ce sont des sociétés qui sont ce qu'on appelle impact by design. Donc, du coup, Ring Mission investit dans des sociétés qui ont réussi à innover afin que la recherche d'impact et la performance économique soient alignées et s'auto-alimentent l'une à l'autre. C'est, plus j'ai d'activité économique et de croissance, plus j'ai d'impact, et du coup plus j'ai d'impact, plus j'ai une croissance économique forte. Je crois que vous avez plus tard dans le MOOC le fondateur de Phenix, Phenix qui gère des déchets de distributeurs pour éviter que ces derniers gâchent de la nourriture et la distribuent à des associations ou à des réseaux d'épicerie solidaire pour permettre à des gens qui n'ont pas les moyens de se nourrir à prix plus modestes. Donc, un euro de chiffres d'affaires c'est X kilos de nourriture évitées et c'est X personnes qui auront pu se nourrir à un coût plus faible. Qu'est-ce qui nous distingue d'un investisseur traditionnel? Le premier point c'est le fait que nous n'investissions que dans des sociétés dont l'impact est le cœur du modèle. Le deuxième point est du coup que nous sommes, nous avons une double stratégie d'investissement, et notamment des critères à impact assez bien définis, assez précis, du type est-ce que l'intentionnalité du dirigeant est très forte et met l'impact au cœur? Quelle est la puissance de l'impact tant par le nombre de personnes touchées que par sa profondeur? Quelle est l'additionnalité? En quoi l'impact est supplémentaire ou vient créer un impact additionnel et ne remplace pas ce qui se faisait par ailleurs, et est-ce que cet impact est mesurable? Nous parlons du principe qu'à partir du moment où l'impact n'est pas mesurable, c'est qu'il n'est pas très clair et que ce n'est pas évident qu'il y ait un impact. Le deuxième point c'est que, et je pense que c'est un point important, c'est que dans la mesure où les sociétés dans lesquelles on investit ont un double objectif, je pense qu'un investisseur à impact a à cœur d'aligner la motivation de ses équipes. Et du coup, la rémunération d'un investisseur à impact, la rémunération des équipes d'un investisseur à impact prend en compte deux critères. D'une part, la performance économique, et d'autre part, la performance à impact, l'impact des sociétés du portefeuille. Typiquement, avant d'investir, on établit avec l'entrepreneur un business plan financier mais également un business plan à impact en identifiant des objectifs à impact à atteindre au bout de trois, quatre, cinq ans, et la rémunération à la sortie des équipes du fonds d'investissement dépendra à 50 % de l'atteinte ou non des objectifs à impact des sociétés du portefeuille. Et ça c'est une façon aussi de dire aux équipes, ne recherchez pas l'impact pour la performance financière, mais recherchez à aligner dans vos participations l'impact et la performance financière sans que l'un prenne le pas sur l'autre. Et l'idéal c'est aussi que par ruissellement, l'entrepreneur à impact rémunère également ses équipes sur le même schéma de performance financière et d'atteinte des objectifs à impact. Dans notre quotidien d'un investisseur, ce qui est spécifique à la recherche d'impact, c'est d'une part, dans la prise de décision, c'est cette recherche d'équilibre entre impact et performance économique. Et pour éviter que les décisions, notamment ce qui touche l'impact... La performance économique, c'est clair, c'est des chiffres, c'est de l'argent, c'est clair. Et pour éviter que les discussions autour de l'impact tournent soit à la querelle idéologique soit aux discussions du type café du commerce, il faut s'attacher à être extrêmement précis, même si ce n'est pas inné, à la définition de l'impact qu'on recherche, à la mesure de l'impact et avoir un référentiel partagé entre les équipes et les membres du comité d'investissement pour être archi clair, posé et efficace dans ses décisions. Moi j'ai eu par exemple le cas, en présentant des sociétés à nos investisseurs, on a parlé d'une belle société qui utilisait les datas et les algorithmes pour aider des couples qui souffraient d'infertilité à avoir des enfants. Et un de nos investisseurs qui était plus porté sur l'impact écologique était estomaqué, il dit, mais je ne comprends pas votre truc, là, c'est pas de l'impact cette société, c'est même le contraire de l'impact. Si on veut sauver la planète, il ne faut pas aider les gens à avoir des enfants, il faut leur interdire, tout faire pour qu'ils n'aient pas d'enfants. Et voilà. Et là, ça nous pose une question sur quelle est notre définition de l'impact et quels sont les problèmes qu'on décide d'adresser quitte à en exclure d'autres. Le deuxième point c'est que je pense que ce qui est différent dans notre quotidien d'investisseur, c'est dans la façon dont on accompagne les entrepreneurs à impact. L'entrepreneur est classique, il est drivé par la performance économique, pas uniquement, mais c'est son principal moteur ou en tout cas son principal critère, son principal objectif. L'entrepreneur à impact, bien souvent, cette performance est un moyen d'arriver à la finalité qui est de résoudre un problème social ou environnemental. Et donc, il faut faire attention dans les conseils d'administration quand on discute ou qu'on suit ces entrepreneurs sociaux, à ne pas avoir un prisme trop business, trop financier, mais à intégrer aussi les sujets d'impact et les valeurs de l'entrepreneur. Je me souviens d'un conseil d'administration d'une belle société à impact qui avait un petit problème de cash et qu'il devait résoudre au cours des prochains mois. L'ensemble du conseil d'administration s'est concentré sur ce problème de cash, refonte du business plan, identifier les causes, trouver des moyens de survivre, et à la fin du conseil, l'entrepreneur social était très déçu de notre comportement et nous a dit, mais c'est dingue, vous avez passé trois heures à ne parler que chiffres, finances, euros, business plan, et aucun d'entre vous ne m'a demandé l'impact social que j'avais eu depuis trois mois alors que c'est quand même la raison d'être de notre société. Donc, je pense qu'il faut être vigilant à intégrer cette partie jusque dans la relation avec les managers pour les pousser à être performants mais performants en vue d'avoir de l'impact et ne pas perdre ça de vue. Enfin, dans notre quotidien d'investisseur, il y a aussi une difficulté, et je pense que c'est la même pour les entrepreneurs sociaux ou les entrepreneurs à impact, c'est à partir du moment où publiquement on met des bonnes pratiques et le respect des individus, la protection de la planète au cœur même de notre proposition de valeur, ça fait peser sur nous et sur les entrepreneurs sociaux une très forte exigence en tant que bonnes pratiques personnelles. Un investisseur à impact se doit d'être d'autant plus protecteur et vigilant vis-à-vis de ses équipes, vis-à-vis des parties prenantes, et vis-à-vis de l'environnement que d'autres, parce qu'il sera encore plus facilement jugé là-dessus et les gens auront encore plus beaucoup d'exigences sur le fait qu'il s'applique à lui-même ce qu'il prétend mettre en place dans sa stratégie d'investissement. [MUSIQUE] Les deux croyances infondées concernant les investisseurs à impact auxquelles nous avons été confrontées c'est très simple, l'une est la réciproque de l'autre. La première, c'est un peu moins le cas maintenant d'ailleurs, la première qui tend à s'effacer c'est de dire, attendez, vous ne ferez jamais d'argent là. Soit vous avez un impact soit vous faites du business. Mais depuis que le monde est monde, il y a les gens qui font de la philanthropie, les gouvernements, les associations et le business, quitte à ce que les gens qui font le business réparent les externalités négatives en ayant une forte activité philanthropique à côté. Et je me rappelle, il y a quelques années quand on a démarré, les gens nous riaient au nez, mais non, vous êtes des doux rêveurs, Monsieur, vous êtes un doux rêveur. La deuxième croyance qui est aussi fausse c'est l'inverse. C'est de dire, mais ce n'est pas possible si on a du business, si on fait de l'argent, si vous avez une croissance du chiffre d'affaires, vous ne pouvez pas avoir de l'impact. Hypercroissance ne peut pas aller avec impact. Donc, on va faire de la décroissance ou de la sous-croissance, mais on ne peut pas cumuler croissance et impact. Et je pense que ça c'est aussi peut-être une position un peu idéologique, mais ce n'est pas la croissance qui est mauvaise, c'est sa conséquence. Et si la conséquence de la croissance c'est de diminuer la fracture du numérique, c'est de mettre fin à la pollution, remplacer le plastique par d'autres matériaux plus protecteurs, il n'y a pas de limites à la croissance, même si il faut quand même que... Chaque hypercroissance peut créer d'autres externalités qu'il faut mesurer et qu'il faut bien s'efforcer de prendre en compte pour ne pas remplacer un mal par un autre. [MUSIQUE]