[MUSIQUE] Jean Moreau, 37 ans, co-fondateur de Phenix, une startup qui lutte contre le gaspillage alimentaire, et j'ai une deuxième casquette qui va nous intéresser aujourd'hui, en tant que co-président du mouvement Impact France avec Eva Sadoun. Le mouvement Impact, qu'est-ce que c'est? C'est le mouvement qui fédère, qui fait grandir et qui fait rayonner les entrepreneurs à impact positif, impact social, impact environnemental, qu'ils soient tech ou sans tech d'ailleurs, on est assez agnostiques là-dessus. Donc on a un mandat qui dure trois ans, et le but c'est de passer des pionniers à la norme. Au sein du mouvement Impact France on a trois piliers d'action. Le premier, c'est fédérer les entrepreneurs à impact positif. Le deuxième, c'est les faire grandir en favorisant le partage d'expériences et le retour d'expériences entre pairs. Le troisième, c'est de faire rayonner, donc ce sont des actions d'influence et de plaidoyer. [MUSIQUE] Au sein du mouvement Impact France, on a une définition qui est assez claire du terme d'impact. On est très vigilants à ce qu'il ne soit pas galvaudé, et donc chez nous il s'appuie sur quatre piliers : deux qui sont internes à l'entreprise et deux qui sont externes. Si je commence par les piliers externes, on considère comme une entreprise à impact une entreprise qui a un impact environnemental positif, pas en compensation, en impact net positif, et un impact social positif. Après, les deux piliers les moins connus, c'est des piliers internes : c'est la gouvernance, donc le partage du pouvoir au sein de la structure, et le partage des richesses, donc la lucrativité limitée et la répartition de la valeur entre les actionnaires, les managers, les fondateurs, fondatrices, et les salariés ; on essaye de faire en sorte que tout ça soit plus équilibré, plus horizontal, et moins vertical que ça a pu l'être dans le capitalisme traditionnel. [MUSIQUE] Comment on reconnaît un entrepreneur à impact? Un entrepreneur ou une entrepreneure à impact, c'est quelqu'un qui veut faire de son entreprise autre chose qu'une machine à chiffre d'affaires, qu'une machine à cash, qu'une machine à dividendes, et qui se bat pour un problème social ou environnemental mal solutionné, et qui est donc très fière d'avoir ces deux jambes, ces deux piliers : l'ambition de croissance, de création d'emplois, mais aussi la résolution d'un problème de fond de société fondamental. La vision qu'on défend au mouvement Impact France, c'est que les statuts ne sont pas la vertu, et qu'on peut être entrepreneur à impact quelle que soit la forme juridique sous-jacente, que ce soit une association, une coopérative, donc une SCOP, une mutuelle, une SAS, donc une entreprise privée avec un agrément ESUS, entreprise solidaire d'utilité sociale, qui respecte une règle de lucrativité limitée. Donc nous, on milite pour qu'on reconnaisse les pratiques de gouvernance, les pratiques de management, l'impact social et environnemental chiffré plus qu'une question statutaire ancrée dans le juridique. [MUSIQUE] Ça fait maintenant une dizaine d'années que je gravite dans l'entrepreneuriat social, l'entrepreneuriat à impact positif. Je trouve que les mentalités évoluent mais c'est vrai qu'on sort d'une période où il y avait beaucoup de préjugés autour de ces porteurs de projet, qu'on catégorisait souvent comme manquant d'ambition, parfois une question, aussi, de niveau, de formation, d'outillage de méthodologie, quand on les comparait aux startups traditionnelles, et je trouve que maintenant, tout ça est en train de changer, qu'on a de plus en plus de gros projets ambitieux sur des beaux marchés portés par des belles équipes dans l'impact, qui sont financés par de plus en plus de fonds ambitieux et qui ont les mêmes méthodes, la même agressivité disons, pour le dire positivement, et la même ambition que les fonds de VC, de venture-capital traditionnel. Donc que je trouve que les frontières commencent à être beaucoup plus poreuses qu'il y a quelques années, et donc, progressivement, ces préjugés, qui étaient manque d'ambition, niveau un peu moins élevé, et puis grille de salaires en décrochage par rapport au marché, sont en train de se corriger, et maintenant l'impact devient le nouveau standard et on rattrape la tech traditionnelle. Une autre croyance qu'on pouvait avoir dans l'écosystème, c'est que, très souvent, on considérait que l'impact et la croissance ou l'hypercroissance étaient antinomiques, et que pour être dans l'impact, il fallait être dans une croissance raisonnée, ce qui est en partie vrai mais on a des belles histoires, maintenant, de belles boîtes, de belles structures, qui montrent qu'en fait, on peut à la fois conjuger croissance, hypercroissance, levée de fonds, sans pour autant sacrifier sa mission, sa méthode de gouvernance, et là j'ai quelques exemples en tête, comme CASTALIE, comme AssoConnect, comme Simplon, comme Back Market. Donc dorénavant, on décomplexe un peu l'écosystème de l'impact, et on montre qu'on peut à la fois aller vers la route de la licorne sans sacrifier son âme et sans sacrifier sa mission première. [MUSIQUE] Je constate qu'il y a un gros engouement autour de l'entrepreneuriat à impact, que j'interprète de la façon suivante. Je trouve qu'il y a un alignement des planètes entre la quête de sens des talents des jeunes générations qui sont prêts à lâcher des postes en or pour rejoindre des structures à impact, donc ça donne envie de se lancer et de s'entourer de façon professionnelle. Il y a de plus en plus de financement, de plus en plus de fonds d'investissement, qui sont là pour soutenir ces entreprises. Il y a une mise en lumière médiatique de ces modèles qui sont devenus sexys, désirables. Et puis il y a des marchés qui s'ouvrent par la commande publique responsable, par les choix des consommateurs. Donc ces planètes-là font que, à mon avis, on est sur une tendance de fond et pas juste conjoncturelle ou juste impact washing. [MUSIQUE]