[MUSIQUE] [MUSIQUE] Donc, moi, j'ai créé une entreprise qui s'appelle Tudo Bom, qui est, avant tout, bâtie sur une filière de production au Brésil, donc, ça partait de coton, qui venait du nord-est du Brésil, de l'état du Piauí, en particulier, mais aussi du Ceará ou du Rio Grande do Norte, qui était ensuite transformé dans le sud du Brésil, donc filé et tricoté et teinté, dans le sud du Brésil, pour revenir à Petrópolis, qui est une ville à côté de Rio de Janeiro, où là, on avait développé un projet de commerce équitable autour de la couture avec des petites coopératives ou des petits groupes autonomes de couturières. Ça, c'était la filière, la filière Tudo Bom au Brésil. C'était environ 400 producteurs de coton qui étaient impliqués. Alors, des tous petits producteurs, des gens qui avaient 1, 2, 3 hectares de culture en tout, dont peut-être, 1 hectare de coton. C'est des quantités assez, assez limitées de coton, 10, 15, 20 tonnes par an. 35 couturières qui travaillaient à Petrópolis, donc tout un tas de sous-traitants ensuite qui intervenaient le long de la filière. 500 sociétés exportaient en France, un petit peu vendu au Brésil, des groupements exportaient en France ou distribuaient dans 2 boutiques à Paris, sur Internet et auprès de revendeurs, de revendeurs à différents endroits en Europe. La plus grande difficulté sur, enfin, le plus gros enjeu sur la création d'activités, dans un pays comme le Brésil, qui est un pays très divers, où vous avez des niveaux de développement qui sont comparables à l'Europe, si vous allez dans les états du sud, qui sont comparables à l'Afrique subsaharienne, si vous allez dans les états du nord, déjà, c'est les distances, le manque d'infrastructures, et où les transports, c'est compliqué, les communications, c'est compliqué, et c'est vrai qu'au Burkina, c'est le même type de problématiques que je peux rencontrer, moi, aujourd'hui, avec des problèmes de connexion téléphonique, Internet, de longueur des trajets aussi et c'est vraiment des choses qu'il faut prendre en compte dans toute l'élaboration de projets, quels qu'ils soient, parce que c'est un vrai coût en temps et un coût financier aussi que ça représente. Donc, c'est vraiment un point, un point crucial, à mon avis, aujourd'hui à prendre en compte dans des projets d'entreprenariat social, dans des pays dits du sud. Pour financer des projets d'entreprenariat social au sud, c'est vrai que, bon, c'est un petit peu la même chose qu'au nord, il y a le même type d'investisseurs qui peuvent être présents, il y a des acteurs en plus, qui peuvent être les institutions de développement, l'aide au développement, donc type AFD en France ou GTZ allemand ou ICCO hollandais, par exemple, qui sont des bons partenaires. Nous, sur la filière coton, on avait travaillé avec ICCO qui avait financé en fait du temps de structuration de la filière et du temps de commercialisation de recherche de débouchés pour la filière. Donc, c'est vrai qu'on peut arriver à aller sur ce type de financeurs-là, aussi, avec toujours l'idée qu'il faut des parties prenantes, donc il faut toujours une partie prenante économique dans le système, donc d'avoir si c'est une filière de matières premières, il faut déjà avoir des acheteurs, pour pouvoir aller chercher ce type de financeurs pour développer par exemple le nombre d'acheteurs. Mais, ça, ça peut exister, c'est à prendre en compte. C'est plus trop vrai au Brésil, puisque le Brésil est moins un pays en voie de développement au niveau global, mais c'est vrai dans d'autres, dans d'autres pays, et, c'est des choses qu'on peut aller chercher en particulier. Les obstacles au changement d'échelle, moi, je dirais déjà, c'est la maturité et la solidité du projet, du business plan. Nous sur Tudo Bom, c'est vrai qu'on avait une filière formidable et en même temps, du coût des contraintes très fortes qui posaient sur la filière, donc c'était notre côté idéaliste qui était très fort et en même temps, une qualité de produit par rapport à l'extrême compétitivité du marché qui était peut-être insuffisante, en particulier dû à l'idéal de notre filière. Donc, tout ça, ça veut dire que l'articulation du projet, elle était un frein, elle-même, à un scale up important, donc on est resté un beau laboratoire qui n'a pas pu aller, aller, aller au-delà, et il aurait fallu faire des choix trop coûteux pour nous, par rapport à nos idées de départ, pour, pour inverser la tendance. On ne pouvait pas aller produire Tudo Bom dans un autre pays par exemple, pour nous, ce n'était pas possible, enfin, le 'iii' à ce moment-là, et du coup, on a, on a dû l'arrêter. Dans les obstacles au changement d'échelle, il ne faut pas oublier aussi l'aspect ressources humaines, pour moi, bien anticiper les besoins en ressources humaines, que ce soit celles, enfin, l'implication des équipes de départ ou le fait d'intégrer des nouvelles compétences. Et tout ça, ça a un coût et j'ai l'impression qu'on le sous-estime souvent, et c'est pour moi, un vrai, un vrai enjeu qui peut se transformer en obstacle, pour changer de, pour changer d'échelle justement. Sur les leviers du changement d'échelle, en tout cas les facteurs clés de succès du changement d'échelle, je pense que, encore plus dans les pays du sud qu'ailleurs, ce que je peux voir, moi, avec l'Occitane aujourd'hui, c'est qu'il faut tout de suite peser un certain poids quand même. On aimait des endroits qui sont un peu des Lord of Opportunity où il y a beaucoup de choses qui se passent, beaucoup de projets qui arrivent. Si vous n'avez pas une certaine surface au départ, si vous n'avez qu'une idée, je ne suis pas sûr qu'elle tienne très longtemps par rapport à quelqu'un qui a du volume. Donc, nous, on l'a vu sur le coton aussi au Brésil, on avait des petites quantités, on a perdu plusieurs fois des partenaires, parce qu'on était trop petit et on ne pesait pas assez lourd, donc il y a une question d'ambition et de comment on se positionne pour exister dans un marché qui bouge, enfin dans un marché, le marché des idées, le marché des projets, qui bouge beaucoup et où il y a des gens qui arrivent avec des fois des gros trucs, et où il faut être capable de se comparer, en tout cas, à ces autres projets-là. Donc, ça, c'est un point important parce qu'on peut mourir de ça, avant même de pouvoir changer d'échelle, et au Good Lab, on a un projet qui nous tient particulièrement à cœur, qu'on développe avec, ce qu'il s'appelle le service filière durable, chez l'Occitane, qui concerne la filière ingrédient karité, qu'on a développé au Burkina Faso, depuis une trentaine d'années maintenant. Donc, là, c'est vraiment, c'est une activité qui représente 20 % du chiffre d'affaires de l'Occitane, c'est un ingrédient clé pour nous et qui est un ingrédient à haute valeur symbolique pour l'Occitane. Ça s'appelle l'or des femmes, le karité, ça a des vertus hydratantes et nourrissantes très, très importantes. Aujourd'hui, la filière karité de l'Occitane, c'est 17 000 femmes qui sont collectrices de karité, qui sont groupées dans 7 unions. On achète 750 tonnes cette année de karité, contre 250 il y a encore 5 ou 6 ans. Donc, on est en très très forte croissance sur ça. Et on a mis en place une filière équitable sur le karité, avec des prix d'achat qui sont supérieurs au prix du marché, des contrats annuels qui garantissent un volume à l'avance, une certification avec Ecocert, donc sur une certification qui s'appelle ESR, donc sur cet aspect équitable justement, on est en cours de conversion sur le bio, l'objectif, c'est que l'intégralité de la filière soit bio à horizon 2018. On en est à 35 % aujourd'hui. Et puis, on a des enjeux importants sur cette filière aussi d'accompagnement de la structuration de la filière, en fait, avec toujours en tête, l'idée qu'il y ait plus de valeur ajoutée qui soit faite sur place. Au Burkina Faso, comme dans d'autres pays en voie de développement, il y a un gros enjeu, c'est que il y a de la matière première, il y a des ressources, il n'y a pas de transformation, du coup il n'y a pas de valeur, il y a peu de valeur ajoutée, qui est faite sur place. Donc, là on a des projets pilotes de semi-industrialisation, avec les unions, on laisse toujours les unions être leaders de ces projets-là. Mais, nous, on va être là en accompagnement, premièrement parce qu'on est acheteur, donc on est toujours la contrepartie économique de tous les projets, on est là pour dire oui, nous, on va acheter ce qui va sortir de cette usine ou de cette unité et après on essaie d'apporter de l'accompagnement technique, du transfert de savoir-faire, du transfert de compétences, trouver les bons partenaires aussi, que ce soient des partenaires financeurs ou des partenaires techniques, pour qu'il y ait de plus en plus de valeur ajoutée qu'il soit faite sur la filière karité et le beurre de karité, en particulier. Dans cette démarche, dans cette démarche équitable, l'Occitane essaie aussi d'impliquer ses clients, en fait, plusieurs fois par an, on propose aux clients, ce que l'on appelle des produits partages, des produits solidaires, qui vont mettre en valeur cette filière, même si les produits karité sont là tout au long de l'année. On a des produits qui vont particulièrement mettre en avant cette filière, en proposant aux clients de s'impliquer directement dans le financement de programmes de développement au sein de la filière justement. Et finalement, c'est vrai quand on regarde les choses, aujourd'hui, on pourrait se dire, le beurre de karité, c'est quelque chose qu'on pourrait acheter à des traders en Europe sans se compliquer la vie à aller monter, entretenir une filière équitable en Afrique. Nous, on a fait un choix différent, on a fait le choix, et c'est vrai que ça ressemble à, c'est un choix d'entrepreneurs sociaux de monter la filière, de l'entretenir et d'impliquer dedans l'intégralité des parties prenantes. Donc, ça part du client, les salariés aussi, que ce soit les salariés qui travaillent directement sur la structuration de cette filière au sein de l'Occitane ou tous les autres salariés, qui sont aussi très impliqués par rapport à ça, on a des associations salariées qui vont faire du transfert de compétences, par exemple auprès des femmes de la filière, les producteurs, donc, 17 000 femmes qui sont regroupées en union, donc qui sont des fédérations ou des unions, des coopératives de collectrices de karité, qui assurent la collecte, le premier, les premières étapes de transformation, ce sont aussi les ONG avec lesquelles on travaille, donc je citais Entrepreneurs du Monde, on a aussi des programmes de santé avec des ONG, comme Light for the World qui travaille sur la santé oculaire en Afrique, parce que pour nous, on a une responsabilité sur l'intégralité des terroirs sur lesquels on travaille et tout ça mis ensemble, ça fait la filière équitable de l'Occitane au Burkina qui existe depuis 33 ans maintenant, et qui nous permet au niveau aussi donc business de revendiquer cette filière, ce rôle de pionnier, qu'on a toujours aimé avoir, on l'a eu en Provence, et on l'a au Burkina aussi, avec une image d'entreprise engagée et responsable, ce qu'on est depuis 40 ans, et aussi un travail de sécurisation de nos approvisionnements, puisque, comme je le disais, ce sont des ingrédients qui sont très importants pour nous. 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