[MUSIQUE] [MUSIQUE] Nous accueillons Arthur Gautier, qui est chercheur à l'ESSEC, directeur exécutif de la chaire philanthropie. Alors justement, aujourd'hui qu'est-ce c'est que la philanthropie, quelle définition et quels sont les principaux acteurs? >> Alors la philanthropie on la définit souvent comme l'ensemble des transferts de ressource librement consentie par des acteurs privés pour financer l'intérêt général. Donc ça peut être des individus, on parle souvent de petit donateur, de grand donateur quand il s'agit de montants plus importants, des fondations, et éventuellement des entreprises directement, ou via leur fondation d'entreprise. Et donc tout ces acteurs donnent des fonds sous forme de dons sans contrepartie directe, pour financer des associations, des projets d'intérêt général portés par des collectivités par exemple. Et cette philanthropie traditionnelle est donc basée sur le don, c'est l'acte de don qui est au centre de la philanthropie. Et ces trois catégories, donateur, fondation, entreprise, se sont depuis quelques temps intéressés à des façons de moderniser leur don, de plus seulement donner, mais peut être d'utiliser la mentalité d'un investisseur. >> Quelle différence fait-on aujourd'hui entre la aventure philanthropy et puis l'impact investing? >> Alors y a beaucoup de débats sémantiques entre ces deux termes. Généralement, on pense que la venture philanthropy fait partie de l'impact investing, puisque l'impact investing utilise des outils financiers que sont la dette, l'equity et le don. Et la venture philanthropy se focalise justement sur le don. Alors il y a d'autres définitions qui opposent un petit peu les deux, ce qu'il faut retenir c'est que c'est globalement la même approche puisqu'il s'agit de développer des outils financiers qui vont aller plus loin qu'un simple don, engager une relation très forte avec le bénéficiaire dans le but non pas de financer un programme ou un projet en particulier, mais de faire grandir l'organisation, de permettre son développement et le fait qu'elle puisse atteindre un impact social supérieur et mesurable. Donc finalement venture philanthropy et impact investing ce sont deux termes assez voisins qui désignent la même mentalité d'investissement au service du bien commun. >> Au delà de cette relation plus >> personnelle avec l'entreprise ou la personne à qui on donne de l'argent, au delà de cette volonté de démultiplier et d'augmenter son impact social, est-ce qu'il y a d'autres raisons qui conduisent un philanthrope à s'intéresser à l'impact investing? >> Oui bien sûr, il faut regarder en fait le type d'acteur. Pour les individus, notamment les individus assez fortunés qui sont par exemple clients en banque privée, eh bien il y a une recherche de plus en plus importante de sens à donner à ce patrimoine face à la montée des inégalités, et il y a beaucoup beaucoup de clients qui veulent changer de perspective et donner non plus de l'argent mais aussi du temps, des compétences, accompagner les organisations par des compétences extra-financières et aller plus loin que le simple don émotionnel basé sur les passions du donateurs. Du côté des entreprises, elles sont en pleine réflexion puisque leur politique de RSE traditionnellement a été d'éviter le risque, d'éviter, de garder une bonne réputation. Aujourd'hui, elles veulent aller plus loin et utiliser l'impact investing par exemple comme une façon de développer peut être de nouveaux business modèles de demain, qu'elles intégreront ensuite dans leur modèle d'affaire normal. Et les fondations, que ce soient d'ailleurs les fondations d'entreprise capitalisées ou les fondations de particuliers, eh bien elles ont été critiquées parfois puisque la façon dont elles plaçaient leurs actifs de leurs dotations, étaient parfois en contradiction avec leur objet social, financer des programmes pour l'enfance et elles investissaient dans des industries par exemple qui n'étaient pas très regardantes sur le travail des enfants par exemple. Et donc tout un mouvement est issu de ces réflexions pour que les fondations alignent en fait leur objet social et leur politique d'investissement de leur dotation. D'où l'impact investing comme une des solutions. >> Alors pour chacun de ces trois grands acteurs de la philanthropie, quelles sont les modalités d'implication dans ces actions d'impact investing? >> Alors, soit on y va seul, >> ce que font d'ailleurs certains philanthrope qui veulent passer le cap, les gens très fortunés, ils vont, ils ont déjà une expérience de donateur, et ils vont créer leur propre fonds, leur propre fondation qui va investir dans des organisations à finalité sociale. On peut aussi rejoindre un fond spécialisé déjà existant, c'est ce que font pas mal de personnes qui rejoignent par exemple en France Phitrust ou Investir&+. Donc le fond spécialisé va déjà présélectionner les entreprises sociales dans lesquelles investir, et l'investisseur, on va dire, va uniquement faute de temps, apporter son argent et faire confiance au fond d'impact investing pour gérer la transaction. >> L'investisseur ou le philanthrope. >> L'investisseur ou le philanthrope, la frontière étant parfois assez mince. Y a un modèle très intéressant, c'est le modèle d'Acumen Fund aux Etats-Unis, qui, vous me parliez tout à l'heure de la différence entre la venture philanthropy et l'impact investing, Acumen, il lève des fonds sous forme de dons, auprès de particuliers plus ou moins fortunés, d'entreprise, et ils utilisent ces dons pour investir dans les entreprises sociales. Et finalement, l'impact social est prouvé au donateur, mais y a pas de retour financier qui remonte au donateur. Le retour financier des investissements d'Acumen dans les différentes entreprises sociales est recyclé pour investir dans d'autres entreprises ou pour réinvestir de nouvelles sommes dans des entreprises sociales déjà dans le port folio d'Acumen. Donc là c'est très intéressant puisque les donateurs se dépossèdent de leur capital sous forme de don, mais après c'est Acumen qui va recycler ce don en investissement. >> Et ces fondations ont-elles >> des modalités spécifiques d'intervention en matière d'impact investing ou on est finalement dans quelque chose qui ressemble à ce qu'on vient de dire sur les personnes ou sur les entreprises? >> Alors y a des différences, les fondations, y a deux modalités qui ont émergé, notamment aux Etats-Unis, y a ce qu'on appelle le Mission Related Investment, MRI, >> et le Program Related Investment, PRI. Je vais pas rentrer dans les détails subtils, mais il faut savoir que ces deux modalités en quelque sorte accompagnent, complètent les projets financés sur le terrain par des investissements directement liés à ces projets. Par exemple une fondation qui va soutenir une population d'Afrique qui fait face à des problèmes de malnutrition ou d'absence d'agriculture forte dans le pays, va en plus de donner de l'argent, investir dans des terres agricoles qui vont ensuite être louées à bas prix à des agriculteurs dans ces pays-là. Donc vous voyez il y a toute une mise en résonnance et en cohérence de, des actions de la fondation sur le terrain sous forme de don, et de la façon dont son endormant est géré, et ça prend justement la forme de ces Program Related Investment. [AUDIO_VIDE]