[MUSIQUE] [MUSIQUE] Outre un cadre réglementaire et des mesures incitatives, les différents gouvernements ont également encouragé l'enrichissement de l'écosystème et l'émergence de nouveaux acteurs favorisant son développement. Ainsi en 2012, le gouvernement a créé la Comissioning Academy, qui est un programme de formation dont l'objectif est d'améliorer les compétences des fonctionnaires et des acteurs du service public, tout secteur d'activité et administration confondus, en matière d'investissement à impact social, comme en matière de nouvelles formes juridique d'intervention, de nouveaux modes de financement, et de diffusion des informations, ou bien encore de nouvelles organisations. Cette période est aussi marquée par l'émergence et le développement de trois types d'acteurs : les offreurs, les clients et les intermédiaires. À cet égard, dans le rapport du commissariat général à la stratégie et à la prospective que je mentionnais précédemment, on peut noter que le marché britannique de la finance sociale, quasi-inexistant en 2000, a pris de l'ampleur suite à l'arrivée de nouveaux intermédiaires sur le marché, proposant de nouveaux produits financiers et apportant des conseillers spécialisés. Le Royaume-Uni est aujourd'hui un pays leader dans le domaine de l'investissement social, avec le développement d'initiatives telles que les Social Impact Bounds, SIB, une bourse des entreprises sociales, le Social Stock Exchange, et surtout la création d'une banque pour les investissements sociaux, la Big Society Capital. Ainsi la Big Society Capital a déjà réalisé 149 millions de livres de financement, en prêts et en investissements. Ca dotation initiale était de 400 millions de livres provenant des comptes dormants, et de 200 millions de livres provenant du gouvernement. À ce stade il convient de nuancer le propos en insistant sur le fait que le marché de l'investissement social reste en Angleterre dominé par les banques sociales et les fonds gouvernementaux. Or ces deux grands acteurs se concentrent sur des investissements peu risqués puisque les prêts garantis restent la forme d'investissement social la plus traditionnelle. La prise de participation dans les entreprises sociales représente un mode d'investissement minoritaire. Par conséquent, l'impact investing représente encore un segment de taille limité qui complète les financements traditionnels des entreprises sociales que sont les subventions et les donations. En 2014, le gouvernement autorise les mixed purpose ou mixed motive investment au bénéfice des charities. Le gouvernement a constaté que les charities se lançaient peu dans l'impact investing du fait de barrières réglementaires dont certaines étaient réelles, et d'autres étaient perçues comme des freins, qu'il convenait de lever. Les charities ont donc été autorisées à réaliser des investissements poursuivant le double objectif de la rentabilité financière et de la recherche d'un impact social. C'est un enjeu très important car les actifs des charities qui en simplifiant un peu sont l'équivalent de nos fondations, sont évalués à 63 milliards de livres sterling. Dans le même ordre d'idée, et pour faire émerger des intermédiaires nécessaires au bon fonctionnement du marché, la grande banque Big Society Capital dont je parlais il y a un instant a pu soutenir directement la création d'intermédiaires. Ainsi, l'action d'un bonds and venture s'en est trouvé renforcée et légitimée, et donc de nombreux investisseurs se sont engagés. En effet, la confiance et la stabilité sont deux éléments clé de la décision d'investir pour un investisseur quel qu'il soit. Enfin, en avril 2014, le gouvernement de James Cameron, engagé dans un programme de réduction drastique des dépenses publiques, a instauré le Social Investment Tax Relief (SITR), c'est une réduction de leurs impôts à concurrence de 30 % de leur investissement pour les particuliers qui investissent dans les petites entreprises sociales. En effet le manque de financement était réel, et les besoins des entreprises avérés et prégnants, et le dispositif en vigueur réservait les réductions d'impôts pour les dons à d'autres acteurs comme les charities par exemple. Ceci montre la place essentielle des pouvoirs publiques et le levier que constitue la politique fiscale en la matière. Le gouvernement a donc joué un rôle majeur qu'il est le seul à pouvoir jouer pour pouvoir créer les conditions propices au développement de l'impact investing. Venons-en au deuxième chapitre de ce module, quelle est la situation en France? Comme souvent, la réalité est nuancée, avec des points positifs, et des lacunes à combler. Parmi les points positifs, la loi sur l'ESS de juillet 2014 dont nous avons déjà parlé, qui a permis de déterminer précisément ce que pourront être les cibles des investisseurs recherchant une rentailité financière acceptable et un impact social ou environnemental, ou les deux, avéré. La loi a également défini ce qu'est l'innovation sociale, qui est le cœur de l'activité et la raison d'être des entreprises sociales. Dès 2008, le gouvernement Fillon, dans la loi de modernisation économique a posé l'obligation pour les entreprises de proposer des investissements dans l'économie solidaire, dans les plans de l'épargne d'entreprise PE, via les fonds 90 %/10 %. Ces fonds 90 %/10 % connaissent donc un essor spectaculaire, 6,02 milliards d'euro en 2013 déposés sur des produits d'épargne solidaire, avec une croissance de 28,3 % sur une année, qui ont généré 1,02 milliard d'euros de financement solidaire, pour soutenir des projets à finalité sociale et ou environnementale. Il convient cependant pour accélérer un mouvement qui ne demande que cela de suivre l'exemple britannique. C'est cet exemple qui a inspiré les groupes de travail organisé par le pôle finance innovation dont les travaux ont abouti à la publication du livre blanc de l'économie sociale et solidaire en novembre 2013. Les principaux besoins ont alors été pointés. Un, la création d'une vraie banque d'affaire, véritable structure d'ingénierie financière pour conseiller les entreprises et jouer un rôle d'intermédiaire dans les opérations financières. Ces seules ressources seraient les honoraires qu'elles factureraient au client pour ses conseils juridiques et financiers, lors de montages d'opérations aussi diverses que la levée de capitaux, la levée de dette, l'émission d'obligation, les fusions acquisitions, et les opérations de croissance externes, les transmissions d'entreprises. Deuxième besoin, développer la mesure de l'impact social afin de construire des outils de reporting extra-financier solides et crédibles pour fonder une décision de financement et d'investissement. Troisième mesure, trouver des solutions innovantes pour accroître les liquidités disponibles pour ses acteurs. Quatrième mesure, rénover et moderniser les titres anciens créés dans les années 80, titres associatifs et titres participatifs que je vous ai présenté lors des modules précédents de ce MOOC. Cinquième mesure, accompagner la création des Social Impact Bounds, aussi connue sous le nom de Pay for Success Bounds, qui permettent de lever des fonds privés pour financer des actions sociales publiques. Les premiers SIB ont été sans surprise on l'a dit tout à l'heure, lancés en Angleterre pour lutter contre la récidive des détenus sortant de prison. Le contrat repose sur des objectifs fixés, une évaluation précise, et si les objectifs fixés ont été atteints, alors les pouvoirs publics remboursent aux investisseurs leurs capitaux à un taux calculé en fonction des économies réalisées par la puissance publique, grâce au programme. Sixième mesure, stimuler les plateformes de finance participative, ou crowdfunding qui permettent à des particuliers de financer sans intermédiaire des projets sociaux et des entreprises sociales. L'enjeu est de proposer un cadre juridique qui soit protecteur sans pour autant limiter et brider ces sources de financement en circuit court et sans intermédiaire qui s'avère très prometteuses.