[MUSIQUE] [MUSIQUE] L'impact investing est comme on l'a vu un concept récent et nouveau. L'impact investing est en maturation dans tous les pays développés, il se développe dans un écosystème déterminé qui lui permet d'évoluer plus ou moins favorablement. Un écosystème favorable au développement de l'impact investing repose sur un cadre réglementaire incitatif et sur la présence d'un certain nombre d'acteurs œuvrant pour son développement. Différentes études montrent que les conditions de développement ne sont pas similaires et pas aussi favorables dans les différents pays du nord. Dès lors, ainsi que l'explicite le document publié en juin 2013 par le commissariat général à la stratégie et à la prospective, qui est un organisme placé auprès du premier ministre pour éclairer les choix économiques et sociaux du gouvernement, les pays du nord ne sont pas tous au même stade vis-à-vis du développement de l'impact investing. Dans de nombreux pays on observe que le secteur de l'impact investing est actuellement en cours de structuration. C'est le cas de la Suisse, des Pays-Bas, de l'Allemagne, ou bien encore des Etats-Unis. Un pays se détache cependant dans sa capacité à développer tout particulièrement l'impact investing, il s'agit du Royaume-Uni. Et c'est pourquoi dans ce module nous nous centrerons tout particulièrement sur cet exemple. Le Royaume-Uni en tant que terre de développement de l'impact investing, ce sera le premier chapitre de ce module, avant de nous pencher dans un deuxième chapitre, sur le cas de la France, la viabilité de son écosystème de développement, et les défis qu'il lui reste à relever. Commençons donc par le Royaume-Uni, pionnier du développement de l'impact investing, je le disais à l'instant. Le marché de l'impact investing s'est donc développé au Royaume-Uni depuis une quinzaine d'années. Le marché Britannique de l'impact investing est évalué à quelques 202 millions de livres par an. 90 % de cet encours est composé de prêts destinés à des entreprises sociales, et à des associations caritatives selon le rapport du UK Advisor Board to the Social Investment Task Force publié en septembre 2014. Si le marché de l'impact investing Britannique demeurer relativement petit, il est innovant à de nombreux égards. Il s'est construit véritablement depuis les années 2000, à travers une série d'initiatives tantôt politiques et réglementaires, tantôt émanant d'acteurs économiques gravitant à l'intérieur et aux frontières de l'économie sociale et solidaire. Intéressons nous à la période 2000-2015. L'écosystème britannique de l'impact investing ne s'est pas construit en un jour, ni même simplement en 15 ans. De nombreux antécédents favorables ont permis le développement de l'impact investing au Royaume-Uni. Cependant un tournant majeur est pris en 2000 avec la Social Investment Task Force, qui donne une impulsion au développement de l'investissement à impact. Ainsi, une série de mesures qui ont contribué à structurer et asseoir ce nouveau segment de la finance responsable ont été prises. La Social Investment Task Force est un comité indépendant présidé par Sir Ronald Cohen et lancé par le HM Treasury, département exécutif chargé de l'élaboration des politiques économiques et des finances publiques, en 2000. Elle avait pour objectifs principaux d'une part de comprendre comment l'entrepreneuriat peut combiner impact social et rentabilité financière, et d'autres part d'envisager de nouvelles sources de financement privées pour donner un nouveau souffle à l'entrepreneuriat, notamment social. Le rapport de la Social Investment Task Force, intitulé Enterprising Communities: Wealth Beyond Welfare, a donné lieu à cinq recommendations majeures qui ont contribué à catalyser et orienter la politique publique en matière d'investissement à impact. Mettre en place un allégement fiscal incitant à investir dans l'économie sociale. Deux, favoriser la création de fonds spécifiquement dédiés à l'accompagnement de nouvelles entreprises sociales. Trois, exiger des banques plus de transparence sur leurs activités de prêts. Quatre, favoriser des réformes réglementaires afin d'augmenter la marge de manoeuvre des acteur de l'économie social, notamment des investisseurs potentiels. Cinq, créer la CDFA, Community Development Finance Association, afin de mettre en réseau et d'appuyer les fonds oeuvrant au financement des entreprises sociales. Ces mesures ce sont toutes concrétisées et ont favorisé de façon décisive le développement du marché de l'impact investing en Grande-Bretagne. Le comité ne s'en est pas tenu à ce seul rapport puisqu'il a produit en 2003, 2005 et 2010 trois autres rapports visant à favoriser le développement de l'impact investing en Grande-Bretagne. Dans ces autre rapports, de nouvelles recommendations ont été formulées, telles que la création d'une banque de l'investissement social, utilisant les comptes dormants des bilans, ou bien encore la création et la mise en place des Social Impact Bonds. L'apport de la Social Investment Task Force a été essentiel dans la mesure où ses recommendations ont contribué à créer des liens entre les différentes parties prenantes de l'investissement à impact. De plus, la publication du rapport et sa remise au gouvernement a débouché sur l'élaboration et la publication d'un plan stratégique gouvernemental sur 10 ans visant au développement de l'investissement à impact en particulier, et des entreprises sociales britanniques en général. Ce plan comporte notamment de nombreuses mesures politiques incitatives. Les différents gouvernements britanniques ont donc tous joué un rôle dans le développement de l'écosystème de l'impact investing. Au delà de l'appui au secteur de l'économie sociale et à la création d'intermédiaires solides favorisant son financement, certaines mesures réglementaires ont été essentielles pour que l'impact investing se développe. Par exemple, la Community Investment Tax Relief, CITR, est une exonération incitant les investisseurs institutionnels et individuels à investir dans les institutions de financement des entreprises sociales au Royaume-Uni, appelées Community Development Finance Institutions, CDFIs. Cette incitation fiscale établie par la loi de finance britannique de 2002 a beaucoup contribué à une augmentation substantielle des investissements attribués à ce qu'on appelle les CDFIs. La personne bénéficiant de la CITR obtient une réduction d'impôt de 5 % du montant investi par an quand l'investissement se prolonge sur 5 ans. L'investissement dans une CDFI peut prendre la forme d'un prêt, d'un dépôt ou d'une part de capital. Cependant la CITR n'a pas eu le succès escompté au long terme. Son ingénierie était trop complexe et trop lourde et sa diffusion s'est rapidement limitée aux CDFIs les plus importantes. Sa création a néanmoins éminemment favorisé le développement de l'impact investing en attirant de nouveaux investisseurs dans ce tiers secteur. Le gouvernement britannique s'est également attaché à structurer le secteur de l'économie sociale en accordant un statut aux entreprises sociales à travers le Companies, Audit, Investigation and Community Enterprise Act de 2004. Cette loi a contribué à créer les Community Interest Companies, CIC, structures d'entreprises conçues spécifiquement pour les entreprises sociales utilisant leurs profits et leurs actifs pour le bien public. Les entreprises sociales ne diffèrent pas des entreprises classiques à trois exceptions près : les CIC sont contrôlées par un régulateur vérifiant qu'elles accomplissent bien une mission de bien public. Deux, les profits dégagés ne peuvent pas être redistribués aux membres de l'entreprise. Trois, les CIC doivent publier un rapport annuel. Le Royaume-Uni comptait en 2014, 10 000 CIC. La création de ce statut a permis de légitimer et normaliser le concept d'entreprise social au Royaume-Uni, de donner une identité aux entreprises sociales, et par là même, de les rendre plus accessibles aux différents investisseurs. La loi des comptes dormants, de Dormant Bank and Building Society Account Act approuvée en 2008, autorise un fond créé par le gouvernement à collecter et redistribuer les montants sur les comptes dormants des banques et des sociétés de crédit. Cette loi a favorisé l'arrivée d'une nouvelle source de capital au sein du marché de l'investissement à impact social. Les politiques britanniques ont ainsi contribué à structurer un écosystème positif et favorable au développement de l'impact investing au Royaume-Uni.