[MUSIQUE] [MUSIQUE] Paul-Hubert Des Mesnards : Paul-Hubert, c'est mon prénom Des Mesnards, c'est nom. Alors, je me définis comme un ingénieur et pianiste. Donc rigueur et fantaisie, c'est ce que je vis tous les jours. Et je dirais que c'est important pour la créativité car faire de la créativité sans cadre, sans rigueur, c'est effectivement s'exposer à aller vite dans les nuages. Alors c'est très agréable mais c'est très frustrant parce qu'on n'en revient pas, et il n'y a pas de résultats. Mais faire de la créativité avec uniquement de la rigueur et sans un minimum de fantaisie ou d'imaginaire, on ne va pas inventer ou innover grand chose. Alors de métier, je suis ou plutôt j'étais car je suis un tout jeune retraité, consultant en créativité. J'ai exercé pendant 30 ans dans un cabinet qui s'appelle Créargie : créativité et énergie ou synergie, et puis en suite six ans en indépendant. Ce que je faisais, c'est d'aider les entreprises ou les organisations, les organismes, de toute taille, tout secteur, soit à innover, soit même tout simplement à améliorer leur fonctionnement en stimulant la créativité des équipes et en permettant aux gens de libérer trois personnages qui sont mes personnages fétiches pour la créativité qui sont : l'enfant, le poète, et le fou. Qui nous solicite? C'est d'abord bien sûr des entreprises, souvent des services soit marketing soit recherche et développement, mais aussi des agences. D'ailleurs celle dans laquelle nous sommes- Babel- m'a sollicité souvent, et souvent pour donner une touche de créativité, une touche de penser autrement dans des projets de design, par exemple de produits ou de services. Ma plus belle référence a été le renouvellement de la Cité des enfants à la Villette. Lors de sa création, quelques années auparavant, c'était un concept qui était radicalement innovant, qui a changé complètement le concept des expositions pour enfants. Et puis les années passant, il y a le succès bien sûr, mais on sent une certaine lassitude, une certaine obsolescence : le concept se banalise, il est copié, et puis on constate que le public n'en perçoit pas toute la richesse. Il y avait tout un certain nombre de raisons qui ont incité les responsables à se dire : il faudrait renouveler. Mais alors renouveler radicalement tout en gardant les espaces et le matériel comme ils sont. D'abord il faut savoir que l'on suit toujours un déroulement en trois phases que j'appelle imprégnation, illumination, cristallisation. Imprégnation pour s'imprégner du sujet, bien poser, former la question, faire le cahier des charges en quelque sorte de l'intervention. Illumination, c'est de trouver des idées, c'est le cœur, c'est là que des idées vont germer. Et puis cristallisation, c'est cristalliser, c'est-à-dire rendre ses idées concrètes, les sélectionner, les transformer en projet. L'intervention à suivi ce schéma en étant précédée quand même d'une très forte préparation avec ma correspondante au sein de la Cité des enfants, qui était chef de projet, et ça c'est très important, c'est-à-dire créer une relation de confiance avec le client, en quelque sorte. Et puis nous avons constitué l'équipe, le groupe de créativité. Alors là une des premières règles c'est que le groupe ne doit pas être composé uniquement de personnes du sujet, donc il y avait pratiquement plus d'extérieurs que de personnes de la Cité des sciences, enfin de la Cité des enfants: une psychanalyste spécialisée dans les enfants, une sociologue spécialiste des enfants, un didacticien, un spécialiste de l'enseignement, scénographe, designer, etc. Le profil idéal c'est des gens ouverts, des gens volontaires qui ont envie de se prêter à la démarche, et puis des gens diversifiés, voilà. À mon avis, c'est le plus important: volontariat, motivation et diversité. J'ai passé beaucoup de temps à expliquer la démarche, à expliquer pourquoi on faisait comme ça, pourquoi c'était différent de la façon habituelle de procéder. Ça c'est important, ça rassure. Et puis ensuite j'ai utilisé des méthodes qui ont permis de les décaler. Alors là, j'ai des outils, j'ai des techniques où je leurs fais imaginer, visualiser et scénariser l'environnement futur à base de découpage d'images et de créer des affiches, ou je fais des sketchs où on se projette dans l'avenir : on imagine qu'on est un utilisateur, ici un enfant, et comment on joue, qu'est-ce qui se passe, etc. On rentre dans la peau des personnages de manière ludique. Ça c'est l'imprégnation. Une technique très amusante qui est l'inversion. Au lieu de dire qu'on va faire un espace qui est attrayant, on va imaginer comment serait l'espace qui serait le plus repoussant. Vous savez, on est toujours plus créatif pour faire mal! Alors après évidemment il faut revenir au réel. Puis la deuxième phase a consisté à se projeter dans l'avenir et imaginer des scénarios. Et là, je les ai mis en petits sous-groupes, je leur ai donné comme à des enfants des Lego, de la pâte à modeler, des Geomag, vous savez c'est les trucs magnétiques qui permettent de faire des figures, Il y avait également des petites capsules avec des odeurs, etc. Le but est de réveiller l'enfant et de stimuler les sens, voilà. Et alors je leur ai dit vous avez imaginé et scénarisé, représenté avec ces outils comment vous voyez les expositions pour enfants du futur. Ensuite j'ai fait un important travail de remettre tout ça en forme. Et puis nous avons eu la partie finale, l'exploitation avec les personnes de la Cité des enfants, mes commanditaires, pour transformer tout cela en un dossier de recommandations. Ça consistait à choisir l'un des scénarios qui était sorti de la créativité, de le mettre en scène, mais cette fois-ci pour être présenté à un décideur. Et puis attendre le financement, parce que derrière il y avait quand même un financement, objectif atteint, et on a attendu plusieurs années, il faut le dire, pour pouvoir obtenir un financement. Ce qui veut dire qu'il y a une qualité aussi importante à avoir, c'est la persévérance. N'empêche, là où je suis heureux, c'est que quand je vais à la Cité des enfants, je revois quasiment l'un des scénarios que nous avions émis, élaboré au cours du séminaire de créativité. Je dirais que la clé c'est l'animation, c'est la posture de l'animateur, c'est ça qui est très très important. Bien sûr, il faut avoir un bon groupe, bien sûr un bon sujet, bien sûr des bonnes techniques, bien sûr un bon cadre, etc., etc. Mais s'il n'y a pas un animateur, et surtout qui a une posture particulière parce qu'il doit à la fois jouer sur l'équilibre entre la rigueur du cadre et la rigueur avec lequel le processus est mené, ça c'est un grand facteur de succès, et en même temps la liberté, la fantaisie, la spontanéité. Donc il doit à la fois créer un cadre rigoureux et en même temps qui ne soit pas perché comme cela. Nous, dans notre jargon, on dit que c'est une posture d'animateur qui est directif sur la forme et non directif sur le fond. Pour résumer, c'est la posture de l'animateur et l'énergie qu'il met tout en donnant un environnement à la fois rigoureux et en même temps plaisant et convivial. Dans le plaisir, voilà. J'aime bien terminer par le plaisir, après tout. [MUSIQUE]