[MUSIQUE] [MUSIQUE] Je m'appelle Gaël Guilloux, je suis chercheur-designer, directeur du Design Lab Care à l'École de design Nantes Atlantique. Le Design Lab Care a été créé donc en 2014, janvier 2014. Donc au sein du Design Lab Care il y a deux masters, un master qui s'appelle Sustainable Innovation qui accueille des étudiants anglophones étrangers et français et un master Innovation sociale et santé, et un programme de recherche par le design sur la qualité de vie sociale et environnementale et la santé des usagers. Le lab s'intéresse particulièrement aux usagers vulnérables, tels que sont par exemple les personnes âgées. Ils les considèrent comme des éclaireurs et s'intéressent à leurs pratiques et à leurs usages pour apporter des réponses aux problématiques qu'ils rencontrent et proposer des solutions adéquates et des solutions qu'on peut dériver à l'ensemble des populations ordinaires par la suite. Le lab s'intéresse aussi au design des politiques publiques et notamment dans ce design des politiques publiques à la réintégration de l'usager dans la définition de ces politiques publiques et dans la co-conception de ces politiques publiques, et également à la collaboration des acteurs privés et des acteurs publics dans les missions de services publics. Donc le design me semble répondre à ces enjeux pour différentes raisons. Tout d'abord, le design se positionne comme un animateur neutre et un modérateur dans le cadre des projets, qu'il a le souci de requestionner la problématique pour essayer d'en extraire les véritables causes et donc essayer d'apporter des réponses qui soient plus pertinentes et plus adéquates. Il a ce rôle de passeur et d'allié dans la réintégration de l'usager, c'est-à-dire cette capacité à accompagner l'usager dans la compréhension, dans les problématiques de ses usages et dans la définition d'une solution pour aider l'usager à comprendre et à appréhender les solutions qui sont apportées. Il a aussi cette capacité dans sa vision de réintégration de l'ensemble des critères et des acteurs, de travailler, d'identifier et de mettre en lien l'ensemble des acteurs de l'écosystème, pour du coup faciliter le passage de l'idée, de la solution vers une innovation, c'est-à-dire une idée qui rencontre son public et qui est rendue techniquement et économiquement faisable sur un marché en lien avec des acteurs, et du coup d'aider grâce à cette médiation les acteurs à se repositionner et à revenir sur leurs rôles, leurs inter-relations et leurs missions. Il a aussi cette capacité à considérer le modèle économique très, très tôt dans la démarche et donc à pouvoir très, très tôt mener de front une réflexion sur le modèle économique et sur la solution qui est mise en oeuvre. Les obstacles à surmonter pour pouvoir mettre en place une telle approche sont pour moi diverses, mais les trois principales sont la question des comportements et des habitudes des usagers, mais de l'ensemble des acteurs, qui est notamment la question du changement. La question d'évolution et d'induire de nouveaux comportements, qui est complexe. La question des rythmes. Quand on parle du design des politiques publiques, on a des acteurs publics et privés qui n'ont pas le même rythme, et que du coup il y a ce travail en fait sur les rythmes et comment on remet en relation les acteurs qui n'ont pas les mêmes rythmes. Et le dernier obstacle, c'est peut-être les intérêts individuels et collectifs de ces acteurs. Je crois qu'on a souvent tendance à évincer ces intérêts et qu'en fait il faut jouer avec ces intérêts, parce que finalement la capacité d'un écosystème à accepter une solution ou à pouvoir mettre en oeuvre une solution, elle dépend largement de la façon dont ils peuvent lire ou en tout cas, avec un effet miroir, retrouver leurs intérêts dans les solutions qui sont proposées. Donc le projet Leroy Merlin Source a pour objectif de travailler au maintien à domicile des personnes âgées et de réfléchir à l'ensemble des dispositifs au sein de l'habitat qui, mettre en relation les usagers séniors rentrant en dépendance avec l'ensemble des acteurs entrant au domicile ou autour du domicile que peuvent être les professionnels, la famille, en passant par l'artisan qui va pouvoir intervenir au domicile pour mettre en accessibilité, mais aussi en intégrant l'ensemble des industriels qui sont concepteurs de produits qui rentrent dans l'habitat. Dans le cadre de ce travail, les bénéfices attendus, en tout cas les bénéfices qu'on souhaite apporter, ils sont de différents ordres. Ils sont d'abord de remettre en relation l'usager avec les dispositifs et de créer un dispositif qui soit en adéquation avec ses besoins et ses envies, et quelque part lui permettre de se réaffirmer et de continuer à prendre des décisions malgré sa dépendance. Le deuxième objet, c'est de faire de ce dispositif qui peut être, qui se veut être aussi redéfini. C'est-à-dire quand on parle de dispositif, de quoi on parle? On parle d'un ensemble, d'une articulation d'aide technique et d'aide humaine. Donc de bien penser ce dispositif comme étant global et d'en faire un porte-voix qui va permettre à l'ensemble des autres acteurs de l'écosystème de mieux comprendre l'usager et de mieux comprendre quelles sont ses attendues en matière d'usage. Le dispositif porte-voix est aussi conçu en considérant les éléments mous et les éléments durs du projet. Ce qu'on appelle éléments durs c'est les éléments sur lesquels l'usager ne veut pas transiger, qui sont importants. Un exemple, cette femme qui est Alzheimer qui pour pouvoir se coucher a besoin de fermer sa porte à clé et de laisser sa clé dans la porte. Sa fille qui a besoin de rentrer à n'importe quelle heure du jour ou la nuit en cas de situation d'urgence va pour des raisons de mise en sécurité de sa mère lui confisquer la clé, et là on tombe sur un élément d'intransigeance, un élément dur sur lequel la personne ne veut pas transiger et quelque part si on transige, on est en train de lui supprimer un morceau d'autonomie qu'elle continue à avoir. La deuxième, un des gros bénéfices aussi qu'on cherche à travers ce projet c'est donc d'utiliser ce dispositif comme un os à ronger. C'est-à-dire comme un élément qui va permettre à l'écosystème de mieux comprendre ce que veut l'usager et plutôt que de rentrer en négociations et d'imposer des choses à l'usager, eh bien de se mettre en harmonisation, en harmonie avec cet usager et du coup de pouvoir, à travers des outils qu'on met en place, que peuvent être les jeux de rôles les serious games, les aider à se repositionner, à inventer les scénarios de leurs rôles, de leurs interrelations entre eux pour pouvoir devenir des porteurs de l'idée et en faire une innovation. Et en réintégrant à travers ces outils des notions notamment de modèle économique, on leur permet aussi, en lien avec les intérêts dont je parlais tout à l'heure, d'identifier leurs intérêts, leurs intérêts en matière de modèle économique pour pouvoir les aider à se positionner, à se repositionner et accepter finalement, comme dirait Virenque, à l'insu de leur plein gré, le repositionnement. Il y a une montée en puissance des outils du design sur ces thématiques. D'une part parce que grâce au design thinking on a quelque part un petit peu marqueté l'approche- design et que du coup peut-être un certain nombre d'acteurs se sont rendus compte de l'effet et de l'effet positif que pouvait avoir cette approche dans le cadre dans lequel ils évoluent. D'une part parce qu'on est aussi sur un contexte assez compliqué, dans lequel finalement le design est vu comme une sorte de simplificateur ou en tout cas d'outil qui permet de dé-complexifier un certain nombre de choses, et notamment dans un contexte où on a de plus en plus de critères à gérer, de plus en plus d'acteurs, eh bien il permet de rendre plus lisible ce qu'on peut faire, il permet de mieux comprendre les enjeux et puis de mieux les traiter. [MUSIQUE] [MUSIQUE]