[MUSIQUE] [MUSIQUE] Après le cycle de l'interaction vient le cycle de l'immersion proprement dite. Pourquoi s'immerger? Observer et interagir avec les utilisateurs est très riche d'enseignements et nourri l'inspiration du designer mais cela peut également présenter un biais. Le designer reste en dehors du cadre de vie des utilisateurs. Étant tour à tour observateur interviewer, il ne fait pas l'expérience du vécu des utilisateurs. L'immersion permet de se plonger réellement et complètement dans le monde des utilisateurs en vivant ce qu'ils vivent en réagissant soi-même, même face à ce qui l'entoure. Il s'agit dans ce cycle de faire l'expérience personnelle de l'espace de conception afin de mieux le comprendre et de pouvoir être à même d'élaborer un service efficace et inscrit dans le réel. Alors comment s'immerger, chausser les bottes d'un autre? C'est ce en quoi consiste l'immersion. Tim Brown dans l'esprit design, donne un exemple illustrant parfaitement nos propos. Lorsque son agence de design IDEO, s'est vue confier une mission sur l'agrandissement d'un hôpital de St Louis aux États-Unis, les designers ont voulu s'immerger dans un des espaces les plus exigeants de l'hôpital, la salle des urgences. Un des membres de l'équipe a simulé une blessure au pied pour être intégré au service et avoir une vision du service de l'intérieur en éprouvant lui-même le processus d'admission. Il souffrit l'angoisse d'être véhiculé par un inconnu de service en service, le stress de la succession des étapes. Il vécu dans une certaine mesure ce que peut vivre un patient qui entre au service des urgences. C'est par ce vécu, cette expérience que le designer de service est le plus à même de définir un besoin auquel il faut répondre, même si ce besoin n'est pas explicitement formulé. Pour illustrer ce point, je vais partager avec vous une expérience personnelle lorsqu'en tant que président de la maison départementale des personnes handicapées du Val-d'Oise, j'ai décidé en 2011 avec le président du Conseil départemental du Val-d'Oise, de repenser l'accueil et le traitement des demandes à la MDPH. Nous avons passé deux fois une demi journée dans les services de la MDPH avec Guy Kauffmann, le directeur général des services du Conseil départemental du Val-d'Oise, pour suivre étape après étape le parcours d'un dossier de demande. Et cette immersion fût très instructive. Pourtant, grâce à un de mes cinq enfants qui était autiste, j'avais été utilisateur des services de la MDPH, et j'avais pu mesurer l'ampleur des disfonctionnements. Mais cette immersion au cœur du système a complété ma compréhension et m'a permis toute une série de problèmes et de questions qui m'étaient inconnues et que seuls les acteurs du service pouvaient identifier et éventuellement résoudre. Pour conclure sur ce cycle, il est essentiel de rappeler que l'immersion n'est pas le moment où l'on cherche à faire valider par les autres mais un temps où l'on fait abstraction de sa propre idée pour se mettre pleinement à l'écoute des signaux faibles que j'évoquais précédemment, c'est-à-dire que l'on n'entend pas d'habitude, ceux que l'on ne voit pas au quotidien, tout cela, pour détecter le besoin réel. Enfin, le dernier cycle est celui de la définition du besoin. Le passage de l'identification de problèmes à l'identification d'un besoin est une étape essentielle comme préalable à la phase d'idéation. Il s'agit, pour les designers de service de définir une problématique, un angle d'attaque à partir des observations, des interactions et de l'immersion. L'identification de problèmes doit maintenant être perçue comme l'expression d'un besoin, d'une attente. Si l'on reprend l'exemple de la salle d'urgence vécue par les équipes de Tim Brown, la problématique est clairement identifiée après la phase d'immersion. Du point de vue de l'hôpital, le parcours du patient se résume à une succession d'étapes incontournables, de la vérification de l'identité à l'attribution du lit. Le patient, lui, vit ce processus comme une situation toujours un peu plus stressante. Le besoin exprimé ou ressenti par le patient est donc clair. Comment améliorer son expérience, son ressenti sur le parcours? On parle de ressenti car le besoin n'est pas toujours exprimé pleinement et de façon formalisée par le patient ou le client. Cette expérience de l'hôpital de St Louis a servi de base au co-design d'un programme dans lequel les équipes de l'hôpital travaillèrent avec les équipes d'IDEO pour explorer des centaines de possibilités en vue d'améliorer l'expérience du patient. La définition du besoin vient préparer la phase suivante de l'approche design, la phase d'idéation, cette phase au cours de laquelle il faut déterminer un angle d'attaque précis, c'est-à-dire bien définir le besoin auquel il faut répondre pour pouvoir proposer des solutions. Pour conclure, un besoin bien défini permet, un, de répondre à un problème en particulier et vous évite la tâche impossible de devoir répondre à tous les problèmes. Deux, d'inspirer l'équipe en charge du projet en lui fournissant un objectif bien défini. Et enfin, trois, cibler un public avec qui co-concevoir le service. [MUSIQUE]