[MUSIQUE] [MUSIQUE] Il s'agit maintenant dans cette seconde partie de comprendre comment la pensée design, notamment dans sa déclinaison la plus moderne du design de service, peut favoriser l'innovation dans la sphère publique et quelles sont les grandes étapes de cette approche. Commençons par définir le design de service à partir de notre définition du design évidemment. Nous avons tous des anecdotes à raconter sur des services après ventes injoignables, des formulaires incompréhensibles, des délais inexplicables, des erreurs jamais suivies d'excuses, des toilettes sales, inaccessibles ou payantes. Le design de service est ce qui va permettre de rendre l'expérience utilisateur plus fluide. Et selon Birgit Mager qui est une pionnière de la discipline, le design de service s'intéresse à la fonctionnalité et à la forme des services du point de vue des clients. Il a pour objectif de s'assurer que l'interface du service est utile, utilisable, désirable du point de vue du client et efficace, performante et différenciante du point de vue du fournisseur. L'utilisateur est donc placé au centre de la conception du service, le service est créé pour lui mais aussi en partie par lui. On parle d'une démarche centrée usager. La démarche de design de service heurte de plein fouet la culture administrative et la tradition [INAUDIBLE] d'innovation par le haut. Elle repose sur la convergence des logiques des différents acteurs. Le design de service a du succès parce qu'il permet de concilier l'aspiration des salariés du secteur public à davantage de participation, celle des citoyens à bénéficier de services plus en phase avec leur époque et celle des élus et pouvoirs publics de trouver des nouvelles solutions simples et efficaces dans un contexte budgétaire serré. Le MindLab danois a grandement inspiré le gouvernement français en matière d'innovation par la pensée design. Le MindLab ne cesse de confronter les politiques publiques au regard de designers mais aussi de chercheurs en sciences humaines, d'anthropologues ou de sociologues. Le critère central, c'est l'efficacité. Un service de meilleure qualité, mais aussi, point très important étant donné le contexte actuel, moins cher. Un des exemples les plus connus d'actions conduites avec succès par le MindLab est la lutte contre la fraude fiscale. En se concentrant sur l'explication plutôt que sur les fraudeurs, les services fiscaux ont pu diviser par trois les effectifs des services affectés à la fraude depuis 2005 sans perte de recettes, et ce grâce aux retours des utilisateurs du service. En France, la 27ème Région conduit des programmes de recherche-action visant à tester de nouvelles méthodes d'innovation avec des acteurs publics. Elle fait le pari de la pluridisciplinarité en mobilisant des compétences issues du design et de la conception créative, des sciences sociales, ethnographie, sociologie de terrain, observation participante ou encore des pratiques amateurs, le do it yourself, l'éducation populaire et d'autres approches de cette nature. Le point commun de cette approche est qu'elle privilégie l'expérience vécue par les utilisateurs agents et citoyens comme point de départ pour réinterroger les politiques publiques. L'approche design peut être caractérisée par trois étapes successives pour élaborer une innovation. Ces trois étapes sont l'immersion, l'idéation et l'expérimentation. L'enjeu est de co-construire l'innovation, c'est-à-dire d'impliquer les différentes parties prenantes mais aussi des profils variés dans la construction de l'innovation. Première étape donc, l'immersion ou inspiration dans le vocabulaire d'IDEO. Toute démarche de design de service commence par une phase dite d'immersion, inspirée par des pratiques ethnographiques. On en a parlé il y a un instant. Les designers s'installent dans le lieu qu'ils souhaitent observer, à côté des gens qui y vivent et y travaillent sans idées préconçues. Ils passent du temps sur le terrain, observent, écoutent, s'imprègnent de l'atmosphère ambiante. Il s'agit d'une phase d'éveil et d'identification des pratiques et des besoins par le designer de service. Des entretiens qualitatifs viennent ensuite compléter l'immersion, ces entretiens étant menés à partir des observations faites sur le terrain. Cette étape permet aux designers de cibler au cours du processus les enjeux et besoins des usagers. Après la première étape d'immersion, la deuxième étape, celle de l'idéation. C'est une étape qui est en réalité l'axe de développement stratégique de la phase un. Il s'agit de générer des idées en équipe avec la participation de différents acteurs : les ethnologues, les sociologues, les designers de service, les usagers mais également les acteurs du service public. Là encore la valeur ajoutée de l'approche réside dans le croisement des regards. L'étape deux ne découle pas linéairement de l'étape un. Au contraire, au début de l'étape deux, les parties prenantes ré-ouvrent le champs des possibles et au fur et à mesure du développement d'idées prennent en compte les résultats de l'étape un. On parle d'un processus de double diamant. Une étape un sans idées préconçues où l'on va progressivement converger pour identifier les enjeux et besoins, puis une étape deux où l'on ré-ouvre le champ des possibles pour converger vers des idées en prenant en compte les résultats de l'étape un. Enfin, venons-en à la troisième étape qui est celle de l'expérimentation, qui est aussi appelée implémentation dans le vocabulaire d'IDEO ce qui explique l'anglicisme. Dans cette étape, il s'agit d'effectuer un prototypage de la solution. Les parties prenantes vont maquetter le service ou le produit, l'accompagnement du service et du produit ensemble. C'est par un jeu d'aller-retour permanent que le designer de service améliore le concept ou la manière de rendre le service. En fait il s'agit d'expérimenter, c'est-à-dire de réaliser des expériences afin d'avoir des retours sur ces expériences et d'améliorer, de repenser ou de valider le service en fonction de ces retours. C'est en se donnant les moyens d'évaluer les expérimentations que l'on peut déterminer la qualité de la solution et la modifier ou la supprimer si besoin. Revenons à l'exemple que je vous ai donné sur le rappel par SMS aux adolescents des rendez-vous avec le médecin du planning familial dans le Conseil Départemental du Val d'Oise. À l'issue des deux premières étapes de la pensée design, les parties prenantes avaient abouti dans un premier temps à la mise en place d'un numéro vert en substitution des consultations physiques. L'étape trois d'expérimentation de cette idée de a été un échec cuisant. Aucun étudiant n'a appelé. L'expérimentation a permis d'invalider l'idée obtenue en étape deux et donc de réfléchir à une solution plus efficace, le système de rappel par SMS qui comme nous l'avons vu a fait ses preuves. [MUSIQUE] [MUSIQUE]