[MUSIQUE] [MUSIQUE] Comme nous l'avons évoqué dans l'épisode un de ce MOOC, la pensée design peut être décomposée en trois phases pour amener à une innovation. Tout d'abord l'inspiration par l'immersion, qui correspond à l'identification d'un problème, donnant lieu à la recherche de solutions. C'est identifier précisément le besoin auquel on veut répondre. Ensuite l'idéation : une fois le besoin identifié, il faut développer des solutions par un processus de génération et de mise à l'épreuve d'idées. Enfin, troisième étape, l'implémentation ou mise en oeuvre par l'expérimentation, c'est-à-dire le développement de prototypes de tests, l'exploration de différentes options en impliquant les usagers et en recevant des feedbacks. Bien entendu, il ne s'agit pas de trois phases qui se succèdent de façon parfaitement ordonnée et linéaire. Au contraire, elles se chevauchent, peuvent conduire à des retours en arrière au fur et à mesure des avancées et des réflexions des parties prenantes. Pour autant, ces trois phases offrent une structure permettant à un chargé de projet de s'approprier la pensée design, de coordonner un projet sur son périmètre. Cet épisode a donc pour but de traiter la phase un du processus, la phase d'immersion, en évoquant ses enjeux et ses difficultés, ainsi que ses facteurs clés de succès, et en fournissant des outils, des méthodes, une identification des acteurs à mobiliser pour mener à bien cette étape dans le cadre d'une innovation au service des territoires. Évoquons tout d'abord l'enjeu de la phase d'immersion. Il s'agit de définir la problématique en identifiant les problèmes à régler et en les hiérarchisant. Cette phase a pour but d'identifier les problèmes posés au designer de services. Il s'agit pour lui d'une phase d'éveil et d'identification des besoins. C'est là un élément clé de la pensée design. Le designer ne vient pas simplement produire un service en aval à partir d'un problème identifié en amont. Pour que la forme du service soit efficace, il faut que le processus d'élaboration du service intègre pleinement l'utilisateur et les problèmes qu'il rencontre. Pour cela, le designer doit lui-même participer à l'identification du besoin et des attentes des usagers. Le design de services passe donc par une recherche et une analyse précise des besoins des usagers, pour maximiser l'utilité, la pertinence et la justesse du service rendu tout au long de son parcours. Pour ce faire, le designer de service effectue un travail de terrain au plus près de l'usager. Ce moment comprend différents cycles : un premier cycle d'observation, un cycle d'interaction, un troisième cycle d'immersion proprement-dit, pour aboutir au quatrième et dernier cycle, celui de la définition du besoin à partir des problèmes identifiés. Penchons-nous sur le cycle d'observation. Pourquoi observer? Selon Tim Brown, fondateur de l'agence IDEO à Stanford et auteur de L'Esprit design, Tim Brown dont je vous ai parlé à plusieurs reprises et qui a rédigé un des ouvrages de référence sur la pensée design, le travail du designer ne doit pas se fonder sur des données quantitatives qui mesurent ce que l'on a déjà et qui révèlent ce que l'on sait déjà. L'objectif est au contraire d'observer des comportements réels qui ne sont pas nécessairement représentatifs, mais qui sont sources de réflexion et qui peuvent nous renseigner sur des besoins non satisfaits. Comment observer maintenant? Eh bien ce n'est pas en restant derrière son ordinateur que l'on peut identifier les comportements réels des utilisateurs. Il faut sortir de son bureau pour aller sur le terrain. Observer le quotidien des banlieusards par exemple, des médecins, des éducateurs, des agents territoriaux, des collégiens, bref de tous les usagers. Les usagers sont en effet ceux qui bénéficieront en dernier lieu du service que le designer et le commanditaire élaborent. C'est bien eux que le designer doit satisfaire et c'est en apprenant à les connaître qu'il peut le faire. L'appel à des professionnels pour la phase d'observation peut être un facteur clé d'une observation réussie. Ainsi un psychologue, un anthropologue, un sociologue ou tout autre représentant de sciences sociales seront associés à ce travail en fonction du contexte. Les points de vigilance à garder en tête lors de l'observation sont les suivants. Le cycle d'observation est un cycle où l'on cherche du qualitatif plutôt que du quantitatif. L'objectif de cette phase n'est pas d'obtenir des résultats quantifiables, mais d'être une source d'inspiration pour le designer et pour les équipes de conception. Un employé de bureau collant des étiquettes sur ses câbles d'ordinateur pour les différencier peut être le seul de son service à le faire ; sa pratique n'en est pas moins remarquable et instructive pour le designer de services tout autant que celle de l'employé commençant sa journée par un passage à la machine à café, pratique pourtant beaucoup plus répandue. Les utilisateurs extrêmes peuvent être une très riche source d'inspiration. Il ne faut pas se concentrer exclusivement sur son coeur de cible lors de la phase d'observation. L'observation de ce qui se passe sur les bords, c'est-à-dire de ceux qui se comportent autrement ou pensent différemment peut nourrir notre inspiration. Faisons à présent un zoom sur le cycle d'interaction. Pourquoi interagir? L'objectif de ce cycle est de comprendre les pensées et les valeurs des utilisateurs en échangeant avec eux. Ces échanges permettent d'obtenir des insights utiles à l'identification des attentes et des besoins des usagers. Revenons quelques instants sur le mot insight, qui est un terme un peu barbare. Il désigne les informations que l'on ne peut obtenir qu'en se trouvant au coeur de l'action et qui permettent de révéler les besoins profonds, et souvent non exprimés verbalement des utilisateurs. Maintenant, comment interagir? L'interaction entre le designer de services et l'usager se fait généralement par des interviews qui peuvent être planifiées ou non. Les points de vigilance à garder en tête lors de l'interaction sont qu'une bonne interaction surprend par la nature des insights qu'elle offre. L'intervieweur doit se détacher autant que possible de réponses espérées ou attendues. Il doit formuler ses questions de façon à ne pas orienter l'interviewé dans un sens qui l'arrangerait et qui correspondrait à ses attentes. L'intervieweur ne vient pas valider ses idées, mais écouter et entendre son interlocuteur dans toutes les dimensions de son expression, y compris non verbale. Il est à la recherche de tensions, de contradictions, et on le disait de surprises. Il va s'attacher tout particulièrement à détecter ce que l'on appelle les signaux faibles. [MUSIQUE] [MUSIQUE]