[MUSIQUE] [MUSIQUE] Une conviction forte anime l'ensemble des témoins de ce module. Face aux problèmes sociaux, économiques, et environnementaux majeurs de notre temps, force est de constater qu'aucun des acteurs, puissances publiques, entreprises, investisseurs privés, citoyens, ne peut plus prétendre réussir seul. C'est ensemble que les solutions les plus efficaces sont à être inventées demain. Dans un contexte où les problèmes sont de plus en plus complexes. Et les ressources traditionnelles de plus en plus rares. La notion de collective impact émerge ainsi en France. Pour mettre un mot sur des démarches novatrices de coopération au cœur de nos territoires. De nouveaux outils de financement, tels que les titres à impact social, dont nous avons entendu parler dans ce module, incarnent financièrement de telles dynamiques. Prenons du recul ensemble, pour à partir des témoignages entendus, synthétiser ce que nous pouvons retenir. D'un côté de la notion de collective impact, ou impact collectif. De l'autre, des nouveaux outils de financement, tels que les titres à impact social. Tout d'abord, le collective impact. De quoi s'agit-il? Comment qualifier le collective impact? Selon Christelle Van Ham, fondatrice du cabinet EEXISTE, le collective impact est une initiative qui va chercher à apporter une solution plus efficace et collective à un enjeu de société. Et donc essayer d'obtenir des résultats plus rapidement, plus intéressants. Ainsi, Cécile Dupré La Tour, fondatrice du Laboratoire régional des partenariats d'Alsace, au sein d'Alsace Active, souligne que sa mission même est de catalyser le collective impact à l'échelle de son territoire, en suscitant le lancement de projets de co-construction du bien commun entre acteurs locaux. La question n'est pas celle du défi de société à résoudre, qui peut être de natures différentes. Chômage, décrochage scolaire, préservation des écosystèmes. Mais bien celle de la façon d'y répondre. A savoir en alliant les points de vue, les compétences, les moyens et la créativité de chacun. En France, ces démarches de coopération ne sont pas nouvelles, et n'ont pas attendu ce terme venu des États-Unis pour se développer. Comme le rappelle Guilhem Dupuy, notre expert fil rouge, le mouvement de fond de création des pôles territoriaux de coopération économique au cœur de nos territoires en est une belle illustration. Ces pôles au service du développement de l'emploi pour tous sont issus de la collaboration rapprochée entre des acteurs de l'ESS, des PME, des acteurs publics et des organismes de formation et de recherche. Des sortes de pôles de compétitivité au service de l'emploi et non au service de l'excellence dans une filière économique donnée. À l'échelle d'un territoire, ces acteurs s'associent, parfois dans un même lieu, et mettent en commun des ressources pour agir ensemble. Et relever le défi de la création et la relocalisation d'activités, de la sauvegarde d'emplois, et du développement de nouveaux projets économiques porteurs d'emplois localement. D'autres exemples de nature différente en matière de collective impact sont ainsi cités par Christelle. Des fondations majeures en France, telles que la Fondation Accenture, la Fondation SFR, la Fondation AG2R La Mondiale, s'associent pour mettre en place des expérimentations novatrices autour de l'emploi. Alors ensuite, quelles sont les étapes d'une démarche de collective impact? À partir des contributions de nos experts et témoins, nous pouvons retenir les étapes suivantes. D'abord, la rencontre. Il s'agit pour cela de créer des lieux de rencontres improbables, comme le souligne Cécile. Et de mettre ensemble des acteurs différents, dans une posture d'ouverture, leur permettant de dépasser leurs idées reçues, et leur donnant l'envie de s'investir ensemble autour de projet. C'est ainsi par exemple que des speed meetings PME locales, associations alsaciennes, organisées par le Labo, ont permis à des associations culturelles de créer un partenariat avec McDonald autour de l'accès à la culture pour les enfants, alors qu'elles étaient a priori opposées à l'idée même d'une alliance avec la chaîne de fast-food, avant de se rencontrer. Ensuite, la connaissance mutuelle et l'ouverture des possibles. Il s'agit d'explorer toutes les voies potentielles de partenariats envisageables entre ces organisations, au services des enjeux rencontrés par chacun, et des défis adressés sur le territoire. À ce titre, l'association le RAMEAU a mis en place une typologie des partenariats possibles entre les acteurs locaux. Enfin, la construction d'un projet collectif. Apprendre à se connaître et décider de travailler ensemble peut aller vite. Ou prendre du temps. Car il s'agit, comme le rappelle Christelle, de remettre en question une vision individuelle de fonctionnement. Et entrer dans une vraie dynamique collective. Construire alors un projet collectif correspond à se donner des objectifs communs et monter des actions ensemble pour les atteindre. Alors maintenant, peut-on dégager quelques facteurs clés de succès d'une démarche de collective impact? Nous pouvons retenir les facteurs clés suivants. Un, partir de l'existant. Donner du courage à tous, en montrant que des solutions existent sur le territoire, ou sur d'autres. Et que la question la question est bien plus, comment les essaimer et les adapter à des contextes locaux particuliers? Comment les faire changer d'échelle? Comment aller plus loin ensemble? Deux, favoriser l'émergence de belles et nouvelles solutions locales, en laissant un droit à l'expérimentation, comme le rappellent Guilhem et Cécile. Cette logique va souvent à l'encontre de postures plus traditionnelles, de délégation de services publics, entre acteurs publics et opérateurs de solutions. Trois, détecter et encourager l'engagement de leaders intrapreneurs, au sein d'associations, d'entreprises, de collectivités locales, qui vont faire bouger les lignes et déplacer les frontières au service de l'innovation. Quatre, enfin, associer à l'innovation collective, la recherche de la mesure de la performance, pour prouver l'efficacité de ces coopérations, et donner envie à d'autres de s'engager. Cette efficacité peut être envisagée sous des angles multiples. Efficacité au regard des objectifs fixés, mais aussi en matière de changement de pratiques des acteurs. Un des enjeux majeurs du développement de ces démarches de co-construction de solutions, est bien celui dans une deuxième phase de leur financement. À ce titre, les titres à impact social sont des nouvelles modalités de financement qui peuvent y contribuer. Posons-nous la question suivante. Quelles innovations inventer au cœur de l'impact investing pour financer des démarches de collective impact? Tout d'abord, quelles sont ces innovations financières au service de l'impact collectif? Comme le souligne Christelle, ces dynamiques d'impact collectif sont souvent ancrées au cœur des territoires. On s'attendrait ainsi à ce que les collectivités locales, ou encore les acteurs de la finance solidaire, très territorialisée, joue un rôle fort pour les initiés. Mais force est de constater que les solutions sont en train de s'inventer au-delà des frontières des acteurs actuels. Ensemble, et de façon créative. Pour autant, Jean-Michel Lécuyer, notre expert fil rouge, a à cœur de souligner que les fonds territoriaux de France Active, qui financent pleinement les initiatives les plus porteuses en termes d'emplois dans les territoires, sont des creusets d'innovations financières collectives, mêlant l'apport d'acteurs publics, collectivités locales, Bpifrance, CDC, État, et des fonds privés. Cette hybridité permet de sécuriser la formule accompagnement des porteurs de projets d'un côté et financement. Dans le même esprit, Guilhem rappelle ainsi que les circuits courts de financement dans les territoires et le crowdfunding sont aussi pleinement des démarches de financement collectives. Car plusieurs acteurs ou personnes y contribuent. Au-delà, des démarches de titres à impact social sont apparues en Angleterre et en France. Comme le souligne Guilhem, il s'agit de mécanismes de financement innovant, dans lequel la puissance publique, des investisseurs privés et des opérateurs de solutions que sont les acteurs de l'ESS innovant interviennent. À partir d'un enjeu majeur qui coûte cher aux acteurs publics, décrochage scolaire, chômage de longue durée, placement des enfants, l'ambition est de susciter l'expérimentation de solutions nouvelles, plus efficaces et souvent collectives, financées par des fonds privés, qui seront rémunérés directement en fonction des objectifs sociaux atteints par ces opérateurs. En ce sens, les titres à impact social sont une réponse au financement des démarches d'impact collectif, dans leur constitution et dans leur objet même. Alors ensuite, quels sont les atouts de ces nouvelles modalités de financement? Au-delà des réticences et craintes suscitées par ces nouvelles modalités de financement, nos interlocuteurs en soulignent les atouts suivants. Un, la possibilité de faire bouger les lignes et changer les postures traditionnelles des acteurs. Passer de logiques de délégation descendante, rapport de commanditaire à opérateur, à des logiques d'expérimentations collectives de réponses innovantes plus efficaces. Mais aussi entrer dans des logiques d'évaluation collective de la performance réalisée. Deux, la mobilisation de fonds privés supplémentaires au service du financement du bien commun. Comme le souligne Philippe Zaouati, les titres à impact social peuvent permettre d'attirer des investisseurs privés autour de ces enjeux d'intérêt général. Cependant, selon Jean-Michel Lécuyer, il s'agirait de limiter le risque engagé par ces investisseurs. Dans le contexte français particulièrement, pour que cela marche. Trois, la possibilité pour des entrepreneurs sociaux de bénéficier de ressources stables sur des périodes plus importantes. La durée d'un titre à impact social peut être de cinq à sept ans en moyenne, comme le rappelle Guilhem. Alors, plus largement, quelle est l'étendue de ces nouveaux mécanismes de financement? Si on se place d'un point de vue plus global, ces titres ont donc trouvé leur origine dans le monde anglo-saxon. Avec 30 titres sur 45 dans le monde présent au Royaume-Uni. Dans des secteurs aussi différents que la prévention de la délinquance, la santé, le soutien aux populations marginalisées comme les sans-abris. En ce qui concerne les pays du Sud, des Development Impact Bonds ont été pensés, pour financer des politiques sociales insuffisamment soutenues. Cependant, comme le rappelle Marion de la Patellière, nous en sommes encore au stade de l'expérimentation dans les pays du Sud. Avec un premier cas au Kazakhstan de financement par des fondations indiennes et des bailleurs internationaux de solutions autour de la scolarisation des enfants. L'avenir est sans aucun doute à leur développement. Et l'intérêt pour Jean-Michel Severino est notamment le fait de lier financements et résultats. Ces outils pour se développer devront cependant dépasser les enjeux suivants. Un, le renforcement des capacités des administrations locales, pour pouvoir mettre en place ces outils élaborés. La professionnalisation et l'outillage des acteurs pour mettre en place des solutions complexes est ainsi clé. La question de la capacité à mesurer l'impact des politiques de développement est notamment essentielle pour réussir à monter un tel outil de financement. Deux, le développement de contextes et cadres juridiques adaptés dans les pays. Cependant, le train est en marche. Et d'ores et déjà, des initiatives dans le domaine rural, en Afrique orientale, sont en cours de financement, par l'expérimentation de Social impact bonds, comme le souligne Jean-Michel Severino.