[MUSIQUE] Dans ce module, nous sommes entrés ensemble dans une nouvelle dimension. Celle où chacun peut se réemparer du sens donné à son argent, et où l'impact investing peut être l'affaire de tous. Circuits cours de financement, crowdfunding, épargne solidaire, autant de leviers qui sont à portée de main, des citoyens et des entrepreneurs sociaux, pour se rencontrer et faire un bout de chemin ensemble, autour du développement de projets à très fort impact social. Je vous propose que nous prenions du recul ensemble, à partir de l'ensemble des témoignages que vous avez entendus, pour : un, partager les spécificités du contexte français lorsqu'il s'agit du développement de ces outils de financement en circuits courts, deux, résumer les différentes possibilités qui s'offrent, d'un côté, aux citoyens pour donner du sens à leur épargne, et de l'autre, aux porteurs de projets, pour mobiliser des fonds sans passer par les financeurs traditionnels et solidaires. Trois, pour explorer quelques enjeux et perspectives d'avenir, propres à ce mouvement de fond dans l'impact investing. Tout d'abord, le contexte français du développement de ces nouveaux outils de financement en circuits courts. Il est intéressant, de noter dans le discours de notre expert fil rouge Guilhem Dupuis, que la volonté des citoyens de donner du sens à leur épargne et leurs investissements, n'est pas une mode, mais trouve ses racines dans la crise des années 70, au moment où émerge une volonté partagée de redonner une utilité sociale forte à la finance. Des clubs d'investissement, comme les Cigales, ou Garrigue, existent depuis des décennies. Ils consistent en un regroupement de particuliers qui mettent en commun des capitaux, pour investir ensemble, en capital, dans des entreprises ayant une finalité sociétale. Véritable précurseur de l'épargne solidaire en France, le Ccf des Terres Solidaires, lancé en 1983 avec des congrégations religieuses et le Crédit Coopératif, le premier fond commun de partage, FCP, en Europe. Fin et développement. Qui permet à chaque épargnant, de reverser une partie de ses intérêts directement à l'ONG. La France est le pays européen le plus mâture en la maière, et a su structurer un écosystème favorisant le déploiement de ces innovations, comme le rappelle à nouveau Guilhem. Le nouveau fond dédié à la finance solidaire, est le double de l'Angleterre. Pourquoi? On note plusieurs observations relevées par nos interlocuteurs. Un, des mécanismes innovants inscrits dans la loi, comme l'épargne salariale solidaire, qui oblige toute entreprise de plus de 50 salariés, à proposer à ces derniers d'épargner une partie de leur argent au profit d'entreprises sociales, comme le rappelle Jean-Michel Lecuyer. Ces fonds qui se créent, appelés également 90.10, investissent 90 à 95 % de leurs encours sur des marchés cotés en bourse, le plus souvent sur des critères socialement responsables. Et 5 à 10 % dans des entreprises sociales agréées. Ce mécanisme est unique en Europe. Entre cinq et dix pourcent des salariés sont intéressés et franchissent le pas, cela représente un flux nouveau de financements, chaque année, en direction des entreprises solidaires, non négligeable, de l'ordre de 50 à 60 millions d'euros. Deux, une culture très forte, en France, d'innovation au coeur des territoires, pour inventer des ponts entre l'argent des citoyens, et des projets qui revitalisent leurs lieux de vie. La coopération et l'innovation, à cette échelle où l'on se connaît et on se reconnaît, permet à la solidarité de s'incarner à travers, par exemple, des fondations de territoire. Des livrets, comme celui du Crédit Coopératif, dans le Nord, dédié à la transition énergétique. Mais aussi, le déploiement des outils que sont les fonds territoriaux de France Active, nous y reviendrons. Trois, enfin, une législation favorable au développement du crowdfunding, qui a permis en 2014, comme le rappelle Guilhem, l'émergence des acteurs et la mise en conformité de ces placements. Maintenant, intéressons-nous aux différents leviers qui s'offrent aux citoyens, pour être acteurs de l'impact investing et aux porteurs de projets, pour mobiliser chacun autour de leurs projets. Nous avons pu relever les différents canaux suivants, qui permettent à chacun de redonner du sens à son épargne : Un, via sa propre banque. Il est aujourd'hui, proposé des livrets d'épargne, des fonds communs de placement, et des SICAV, dites solidaires, pour les épargnants. Le Crédit Coopératif est un pionnier en la matière, comme le rappelle Guilhem. À chacun de questionner directement son banquier, sur es possibles placements au service du financement des entreprises sociales. Deux, via son entreprise. Depuis 2001, comme on le rappelait, les entreprises doivent proposer des plans d'épargne solidaire aux salariés, s'ils sont plus de 50. 60 % des flux des fonds solidaires proviennent de ce canal, comme le rappelle Frédéric Tiberghien. Trois, directement, de plus en plus de personnes deviennent actionnaires au capital d'une entreprise sociale, en bénéficiant par là même, d'avantages fiscaux par des dégrèvements possibles d'impôts sur le revenu ou sur la fortune. Ainsi, habitat et humanisme lève dix millions d'euros par sa foncière chaque année. Pour créer 1 300 logements pour des personnes très vulnérables. Quatre, via des outils de territoire. Comme rappelé par Agathe Freyche, les fonds France Active sont pleinement des outils de financement efficaces de la création d'emploi et d'activité pour tous dans les territoires, financés, notamment, par les collectivités locales. Là encore, il s'agit d'un outil local de circuit court, au service de l'emploi. Par ailleurs, sont citées IES, en Midi-Pyrénées par Agathe, ou encore Ericoa, en Corse, par Jean-Michel Lecuyer, qui sont des fonds de territoire, où les citoyens locaux financent et accompagnent les projets créateurs d'utilité sociale, sur leurs territoires. Des entreprises sociales mêmes, ont ouvert leur capital aux territoires, pour en faire de véritables entreprises de territoire. C'est le cas du groupe Archer, à Romans-sur-Isère, dont la SAS possède 110 actionnaires locaux Élus, chefs d'entreprises, présidents d'associations, citoyens, qui ainsi participent, par leurs financements et leurs orientations, à cette entreprise qui recrée de l'emploi, pour plus de 2 000 personnes par an, sur l'agglomération de Romans-Valence. Cinq, via le crowdfunding, à savoir la participation de tous, par des plateformes internet, à différents niveaux de financement des projets, comme le rappelle Kevin André. Via des contributions avec des contreparties : cartes postales, produits, des prêts, des dons avec reçu fiscal, ou encore du capital. Guilhem rappelle ainsi que les sites de crowdfunding représentent, en 2014, 150 millions d'euros. Soit deux fois plus qu'en 2013. Dont 75 % en prêts ou en capital. Pour finir, explorons les enjeux et l'avenir du développement de ces nouveaux outils de mobilisation citoyenne dans l'impact investing. Comme le rappelle Frédéric Tiberghien, l'épargne que nous avons, citoyens français, est un réservoir immense et une promesse de pouvoir d'action d'envergure, au service de la construction des projets et du monde de demain. Si nous pouvons maîtriser son allocation. Ainsi, ensemble, nous représentons 5 000 milliards d'euros. Une somme colossale, dont une part de plus en plus importante est affectée à la finance dite solidaire. Celle qui finance directement des chômeurs qui recréent leur activité, ou des entreprises qui inventent des solutions d'avenir efficaces dans l'économie, face à nos enjeux. Ainsi, Guilhem souligne que la finance solidaire a explosé ces 20 dernières années, multipliée par 20. Et des logiques nouvelles, telles que le crowdfunding, multiplient ces chiffres par deux chaque année comme on l'a vu. Frédéric Tiberghien nous rappelle cependant qu'aujourd'hui, seul 0.16 % de notre épargne individuelle nourrit, par tous les canaux possibles, des projets solidaires. Le potentiel de développement est donc encore bien vaste. L'ambition est ainsi, pour Finansol, d'arriver à capter au moins 1 % de l'épargne des citoyens, à horizon 2020. Pour cela, les leviers prioritaires identifiés par nos interlocuteurs sont : Tout d'abord, la sensibilisation de tous, la pédagogie à grande échelle. L'acculturation et l'essaimage de ces pratiques qui marchent. Comme le rappelle Eva Sadoun, pour démocratiser l'épargne et l'investissement solidaire, il faut que les particuliers différencient Isr, épargne solidaire, finance solidaire, investissement au capital d'entreprises sociales. Et Jean-Michel Severino, de rajouter qu'il faut des projets sociaux à financer. Et que mettre en contact un univers assez conservateur avec des plateformes de crowdfunding branchées, dans un univers de communication qui privilégie le contenu numérique et le temps court, constitue un changement culturel. Agathe nous partage ce même regard. Le changement d'échelle de ces pratiques va demander une adaptation forte des deux côtés. Pour qu'il ne se crée pas un gap important entre des start-up solidaires entourées de la jeune génération agile, et des projets remarquables et citoyens qui n'auraient pas saisi ces opportunités. Ensuite, le professionnalisme, la transparence, les réussites, pour donner confiance, sont importantes. En effet, Eva souligne qu'il est pleinement possible, aujourd'hui, d'avoir un portefeuilles 100 % solidaire. Il y a des placements solidaires avec des niveaux de risque différents, y compris des risques bas. Il y a un enjeu à rendre toujours plus transparents les produits solidaires proposés par les intermédiaires financés pour donner confiance. Kevin André insiste beaucoup sur la notion de tiers de confiance, joués par des institutions comme 1001pact, kisskissbankbank, ou encore IES au groupe Archer. L'avenir sera à la fois la transparence sur les résultats et les taux de succès toujours plus forts, mais aussi à la sélection, la formation, et l'accompagnement renforcé des porteurs de projet. Troisièmement, Jean-Michel Severino, souligne de son côté la nécessité de développer toujours plus, des modèles économiques créatifs. Car les plateformes doivent pouvoir gagner de l'argent. Le déploiement de nouvelles formules juridiques va être un élément essentiel d'expansion du métier. Quatrièmement, tous soulignent l'enjeu de fond qui est la généralisation de ces outils, afin de les rendre accessibles à tous. Pour cela, il faut aussi que tout produit financier intègre une option solidaire, comme le souligne Frédéric Tiberghien. Les assurances vies, les livrets réglementés comme le livret développement durable ou le livret A. Et, plus largement, tous les gros investisseurs institutionnels : caisses de retraite, compagnies d'assurance, jouent le jeu, en proposant des fonds d'impact investing pour leurs épargnants. L'ambition serait ainsi que ces nouvelles modalités de financement, mobilisant chacun de nous, puissent contribuer, par leur immense potentiel, à couvrir l'ensemble du spectre des entreprises sociales et de leurs besoins. Des entreprises dans tous secteurs, des projets au nord comme au sud, et ceci, en dette, equity, ou dons, selon les modèles économiques. Mais aussi, des besoins dans l'émergence et dans le changement d'échelle des projets, insuffisamment couverts comme le rappelle Guilhem. Ce vaste mouvement d'innovation dans l'impact investing, créant des ponts plus directs entre épargnants et entreprises agissant au service du bien commun, est en cours de généralisation au coeur des territoires, mais aussi grâce aux nouveaux outils et plateformes web. Son développement important agit comme une force de transformation qui porte en elle un potentiel pour faire bouger la finance, et inoculer des principes plus forts de transparence et d'utilité des investissements, au cœur même de cette dernière.