[MUSIQUE] [MUSIQUE] Je m'appelle Philippe Zaouati, je dirige une société de gestion d'actifs qui s'appelle Mirova, qui a une particularité, c'est qu'elle est totalement dédiée à ce qu'on appelle l'investissement responsable. Mirova est une entité qui a été créée il y a deux ans, qui gère aujourd'hui six milliards d'euros qui sont investis dans différentes classes d'actifs. Des actions, des obligations, des projets, des fonds d'infrastructures. Et avec une philosophie générale, un point d'ancrage, qui est de prendre en compte, de façon systématique, les impacts environnementaux et sociaux, dans les décisions de gestion que l'on prouve. Alors justement, quand je dis cette phrase, prendre en compte les impacts environnementaux et sociaux, j'ai donc employé le mot impact. Donc précisément, il s'agit ici d'impact investing. Alors, est-ce que prendre en compte les impacts environnementaux et sociaux, cela suffit pour dire que l'on fait de l'impact investing sur la totalité de nos six milliards? Si l'on prend en compte la terminologie générale sur le marché, la réponse serait plutôt de dire non. Parce que l'impact investing, c'est quelque chose de beaucoup plus ciblé, beaucoup plus précis. On y met généralement la microfinance, la finance solidaire en France, éventuellement les investissements dans des entreprises du commerce équitable, ou de PME dans des pays émergeants, mais on n'inclue pas là-dedans les fonds dits d'ISR, c'est-à-dire d'investissements socialement responsables, pour lesquels on prend en compte des impacts environnementaux et sociaux, mais on cherche d'abord et avant tout, à faire une performance, une rentabilité, qui soit une rentabilité forte pour l'investisseur. Autrement dit, on sépare généralement l'Isr et l'impact investing, en disant que du côté de l'ISR, on prend pour objectif principal le rendement, et comme objectif secondaire l'impact, alors que dans l'impact investing, on prend comme objectif primaire, principal, l'impact, et comme objectif secondaire, le rendement. Pour autant, notre vision, ma vision, serait plutôt de dire que les frontières entre ces deux mondes, sont en train de devenir plus floues, qu'il y a de plus en plus de recouvrement entre ces deux mondes. Le monde de l'investissement responsable doit aller vers le sujet de l'impact. Clairement, aujourd'hui, dire que l'on fait de l'investissement responsable, sans démontrer que ce que l'on a fait a vraiment un impact sur la société, c'est quelque chose qui ne répond plus aux objectifs des investisseurs. On le voit très particulièrement dans le sujet, par exemple, de l'environnement, où, y compris la loi, maintenant, demande aux investisseurs de mesurer l'emprunte carbone de leur portefeuilles, et donc, l'idée c'est bien de décrire quel est l'impact que l'on a en prenant une décision d'intégration environnementale et sociale. Donc, d'un côté, on voit bien que le monde de l'investissement responsable de façon générale, va vers l'impact. Et à l'inverse, le monde de l'impact lui-même est en train de grossir, et de prendre, de couvrir des zones qui sont de plus en plus larges, et qui commencent à intéresser des investisseurs, je dirais, traditionnels. Sur le marché obligataire, quand on investit aujourd'hui sur le marché dit des green bonds, qui est un marché qui s'est développé de façon très importante ces deux, trois dernières années, qui a atteint aujourd'hui 100 milliards de dollars, c'est-à-dire que c'est un marché qui commence à devenir significatif, qu'est-ce que c'est que les green bonds? Ce sont des obligations classiques, qui s'échangent sur les marchés traditionnels, qui sont émis par des entreprises, par des grands investisseurs, ou des grandes banques multilatérales, comme la Banque mondiale, la BEI, ou la Banque africaine de développement, et qui ont la spécificité d'être fléchées. C'est-à-dire que l'argent que l'on investit dans ces obligations, va servir exclusivement à financer des projets de création de création d'énergie renouvelable, ou d'efficacité énergétique notamment dans des pays émergeants. Donc, on a bien un marché financier traditionnel très classique, avec des investisseurs tout à fait classiques, privés, mais qui adressent une problématique ciblée, et donc là, on est bien dans l'impact investing aussi. Il y a réellement des besoins très importants, qui peuvent être couverts par des partenariats entre le public et le privé. C'est-à-dire où le public, les fonds publics, vont venir assurer le minimum de réduction de risques, prendre les premières pertes quand il y a des premières pertes, pour attirer, ensuite, les investisseurs privés vers ces sujets, vers ces enjeux que l'on doit régler, et là, on est clairement dans l'impact investing. Un des outils financiers qui a été développé ces dernières années pour répondre à cette problématique d'impact social, c'est ce qu'on appelle les social impact bonds. Social impact bonds, c'est un outils très intéressant, parce que d'une certaine façon, ils révolutionnent la façon dont les pouvoirs publics prennent en charge et financent les besoins sociaux. Habituellement, les pouvoirs publics, les États, embauchent des équipes pour par exemple, régler les problèmes liés à la réinsertion des prisonniers, ou aux enfants handicapés, ou aux problématiques de familles en difficulté, ou de surendettement. Et donc on crée des équipes, et on demande à ces équipes de fonctionnaires de régler les problèmes. Avec ces social impact bonds, on change complètement la vision des choses. On retourne la problématique. Et donc, là, on a une gestion tripartite. On a trois acteurs dans le social impact bond. Il y a d'un côté le pouvoir public, cela peut être l'État, une collectivité locale ou une collectivité territoriale. L'opérateur, généralement une association, une ONG, qui va venir régler un problème. Et puis le financier. L'État dit à l'association, dit à l'ONG, eh bien voilà je voudrais que vous régliez ce problème particulier. Par exemple, j'ai des prisonniers qui sortent de cette prison, leur taux de réinsertion est très faible, essayez d'améliorer le taux d'insertion, pour éviter la récidive des prisonniers. Mais j'ai pas d'argent à dépenser pour rien, donc je ne vous paierai que si cela marche. L'ONG, elle, dit au financier, voilà : l'État me paiera si cela marche, mais j'ai besoin de financements, pour commencer à travailler. Et donc le financier va dire OK, je vous prête de l'argent, et vous me rembourserez si l'État vous rembourse. Si l'État vous rembourse beaucoup, vous me rembourserez beaucoup, et donc j'aurai un rendement intéressant. Si vous ratez votre mission, l'État ne vous rembourse pas, et donc je perdrai de l'argent. Donc, le financier prend le risque, l'ONG est obligée d'évaluer la réalité et la réussite de sa mission, et l'État ne paye que sur les objectifs qui ont été atteints. Bien entendu, le social impact bonds n'est pas là pour régler tous les problèmes sociaux. Les sujets qui marchent bien et qui sont mâtures, il n'y a aucune raison de les financer avec les social impact bonds. Le social impact bonds, il est là pour financer de l'innovation sociale, de la nouveauté. Là où il va falloir prendre un risque, quelque chose que l'on veut tenter. Et puis si cela marche, peut-être qu'ensuite, l'État va embaucher des fonctionnaires pour le faire. Mais pour faire avancer cette innovation sociale, c'est un outil tout à fait intéressant. [AUDIO_VIDE]