[MUSIQUE] [MUSIQUE] À travers les témoignages de ce module, nous prenons conscience de l'intérêt grandissant au cœur de la finance pour le développement des fonds d'impact investing. La création d'une commission sur le sujet au sein même de l'AFIC, l'Association Française des Investisseurs en Capital, les parcours d'investisseurs et de banquiers reconvertis, tels que ceux de Xavier Thauron ou de Nicolas Célier, ou encore le développement de fonds d'impact investing à l'échelle internationale comme Phitrust, en sont la preuve. Si on se place dans la peau d'un créateur ou d'un dirigeant de fonds d'impact investing, quels sont les grands enjeux stratégiques auxquels il doit répondre, et les facteurs clés de succès de sa démarche? Cette question est intéressante, à double titre : à la fois pour vous, futurs développeurs de telles démarches d'avenir dans le monde de l'investissement, entrepreneurs d'un tel fonds, étudiants aujourd'hui intéressés par le capital risque à impact social ou encore futurs salariés d'un fonds d'impact investing, mais aussi pour vous, porteurs de projets et dirigeants dans l'économie sociale et solidaire qui, pour réussir à convaincre des financeurs, devez bien comprendre leur mode de fonctionnement et leurs contraintes. Je vous propose ainsi que nous articulions notre propos autour de trois enjeux clés pour les acteurs de l'impact investing. Un, la définition du positionnement stratégique d'un fonds d'impact investing. Quelle est la vocation du fonds? Pourquoi et pour qui a-t-il été créé? Deux, le modèle économique du fonds. Où trouver les moyens de son ambition? Que promettre aux investisseurs-mêmes du fonds? Trois, la détection et la sélection des projets à financer. Comment trouver les pépites bénéficiaires des fonds, gages de sa réussite demain? Alors tout d'abord, le positionnement stratégique d'un fonds d'impact investing. Un investisseur à impact social doit partir d'une démarche similaire à celle d'un entrepreneur social, à savoir, partir d'un besoin de financement clairement objectivé, émanant d'un ensemble d'entreprises bien déterminées dont on sait qu'elles auraient, grâce à des soutiens adaptés, une capacité à faire changer d'échelle leur impact social, et qui aujourd'hui ne trouvent pas les fonds nécessaires à leur déploiement. Ainsi, Nicolas Célier a fait le constat que certains projets de start-up très innovantes portées par un nouveau type d'entrepreneurs, plus jeunes, plus féminisés, animés d'une vocation d'impact social, mais croyant en l'utilité du business en ce sens et des outils numériques, ont été de plus en plus nombreux dans son deal flow. Ces derniers ne recherchaient pas la rentabilité avant tout mais la voyaient comme un levier pour être autonomes et avoir les moyens pour démultiplier leur impact social. Face à ce constat très concret, les produits de financement proposés par Alven Capital n'étaient pas adaptés, d'où la création du fonds Investir et plus dédié à ces projets. De son côté, France Active, présentée par Clémentine Blazy, a cherché dès la première heure à financer des chômeurs non bancarisables qui montaient des entreprises et des structures de l'ESS qui sinon n'auraient pas eu accès aux outils du droit commun facilement, type les prêts bancaires. Leurs interventions, par des prêts participatifs à taux avantageux et un accompagnement qui renforce la crédibilité et la solidité du projet, permettent ainsi les tours de table décisifs au développement des projets. Comme le rappelle ainsi Jean-François Galloüin, la première démarche pour un fonds d'impact investing c'est de définir une stratégie d'investissement. Pour cela, il précise qu'il s'agit de repérer et d'identifier des secteurs clés, un type d'entreprise, des zones géographiques, des besoins propres. En effet, il souligne d'emblée une des spécificités fortes de l'impact investing. Les souscripteurs des fonds cherchent non seulement à placer leur argent mais aussi à atteindre un objectif social. C'est pourquoi il est important de clarifier cette question fondamentale pour à la fois trouver les entreprises sociales à financer mais aussi convaincre les investisseurs du fonds. Il est d'autant plus important de connaître les objectifs que se donnent les investisseurs à impact en termes de cibles, que cela engendre pour les porteurs de projets des critères de choix et des points d'attention différents. Comme le rappelle Pierre-Emmanuel Grange, il y a une grande différence entre des business angels qui ont un coup de coeur pour leur projet ou des fonds solidaires de l'autre avec des exigences fortes en matière de retour social et financier objectivé de leur impact. Ainsi, plusieurs critères caractérisent la cible d'un fonds. Un, la question de la taille des cibles du fonds est clé. Alors que la Fondation Macif se positionne sur l'émergence des projets avant même qu'ils soient testés, un fonds comme Phitrust cible de son côté les projets qui auront fait la preuve de leur modèle économique et d'un impact social avéré. Investir et plus ciblera des projets pour lesquels il y a eu un test de marché mais où l'accompagnement est nécessaire car ils ne sont pas encore rentables. Deux, la qualification des besoins auxquels les investisseurs à impact social veulent répondre est, là aussi, clé. Alors qu'Investir et plus fait le choix d'investir du capital patiemment dans ces modèles avec un accompagnement resserré pour atteindre une rentabilité et une autonomie avec un objectif de retour et de recyclage de l'argent investi, la Fondation Macif, elle, va financer grâce à une subvention, par exemple de l'ingénierie et de la R et D au démarrage, pour faire émerger des modèles d'innovation sociale forte. De son côté, CoopEst, présenté par Bruno Dunkel répond à un besoin de financement, d'intermédiaires financiers locaux, capables d'accélérer le développement des coopératives, des mutuelles, des associations, des fondations et des entreprises sociales dans les pays de l'est. Trois, le territoire cible des projets financés est clé. Europe centrale pour CoopEst, pays de la Méditerranée pour Coopmed, Europe Afrique Asie pour Phitrust, mis bout à bout, l'ensemble des choix de critères d'investissement ainsi défini constitue le projet stratégique du fonds qu'on nomme sa thèse d'investissement. Quatre, enfin, le secteur d'activité ciblé n'est pas clé. La plupart des financeurs témoins de ce module n'ont pas de secteur de prédilection. Ainsi, France Active qui a clairement comme objectif d'impact social premier la création et le développement de l'emploi, l'exprime à travers de nombreux secteurs ciblés. La Fondation Macif, elle, souhaite à l'avenir entrer dans une logique de clés sectorielles. En ce qui concerne, l'impact investing, la taille du marché mais aussi la fragilité des modèles économiques des fonds ne permet certainement pas encore de restreindre le scope de financement à un secteur clé particulièrement.