[MUSIQUE] [MUSIQUE] Je suis Marie Trellu-Kane, je suis diplômée de l'ESSEC et plus récemment de la Harvard Kennedy School. En 1995, en sortant de l'ESSEC, avec une amie américaine, inspirée par le service civil américain que Clinton venait de lancer, j'ai créé Unis-Cité, qui est aujourd'hui considérée comme l'organisation pionnière du service civil en France, pour avoir inspiré la politique publique du même nom. Aujourd'hui, Unis-Cité, ce sont environ 250 salariés, dans 50 sites, 24 millions d'euros de budget, et environ 2 000 jeunes mobilisés chaque année, de Bac- 5 à Bac + 5, pour donner une année de leur vie à la communauté. Effectivement, de 2005 à 2010, j'ai contribué à la création de la chaire entrepreneuriat social de l'ESSEC, où j'ai enseigné les enjeux de l'économie sociale, de l'entrepreneuriat social, nous avons rédigé un livre, avec Thierry Sibieude, sur l'élaboration de business plans adaptés à des projets à finalité sociale. J'ai réalisé un référentiel de bonnes pratiques en matière de transparence, gouvernance et gestion associative, et pour finir, à l'ESSEC, j'ai créé l'incubateur social Antropia, qui, je crois, existe toujours. Comme tout entrepreneur, les entrepreneurs sociaux augmenteront leurs chances de succès, en particulier dans leur levée de fonds, s'ils savent puiser les idées, les bonnes pratiques, les contacts ailleurs, et en particulier, parce que les entrepreneurs sociaux ont deux spécificités, dont l'une rend leurs levées de fonds particulièrement complexes. Cette première spécificité, c'est celle de leur finalité sociale. À la différence des entrepreneurs classiques, les entrepreneurs sociaux, eux, ne peuvent pas promettre à des investisseurs à des financeurs, un retour financier sur leur investissement, à la hauteur de ce qu'attendent habituellement les investisseurs. En revanche, ce qu'ils promettent, c'est un impact social, donc c'est ce qu'on appelle un retour social sur investissement, et arriver à en faire la preuve, et à quantifier le retour social sur l'investissement des partenaires financiers qu'ils ont en face, c'est particulièrement compliqué, d'où l'intérêt de se faire accompagner, pour essayer d'avoir le bon vocable, les bons indicateurs, en puisant notamment dans les expériences autres. Et la deuxième spécificité, qui rend l'accompagnement très utile, c'est que les financeurs qu'ils soient des partenaires entre guillemets philanthropes, qui donnent l'argent, ou des investisseurs solidaires qui attendent un petit retour sur l'argent, notamment quand ils apportent au capital des entreprise sociales, ce ne sont pas forcément les mêmes que les investisseurs qui investissent dans des entreprises traditionnelles. Il faut donc connaître le paysage des investisseurs et des financeurs solidaires, comme on les appelle, et à ce titre, avoir un accompagnement, se révèle souvent fort utile. À la différence du business plan classique, le business plan social doit afficher clairement, dès le début, la finalité sociale du projet. La vision, la mission, les objectifs que l'équipe qui porte le projet s'est fixés, en réponse à quels besoins de société. Il doit afficher clairement l'impact social attendu du projet, dans l'idéal, avec des indicateurs et des objectifs chiffrés le plus précis possible. Le BPS montrera, par ailleurs, dans la structure juridique choisie, mais aussi dans les ressources humaines que les porteurs de projet souhaitent mobiliser, les spécificités liées à son caractère social. Par exemple, sa capacité à mobiliser des ressources bénévoles ou volontaires pour aider à porter le projet, et l'une des spécificités, qui sera mise en avant. C'est justement parce qu'il montrera l'impact social attendu du projet, que le business plan social répondra aux attentes spécifiques des financeurs solidaires. Ce qu'on appelle le retour social sur investissement du projet. Comme le business plan, le business plan social est très utile. Non seulement parce que c'est un outil de vente, vis-à-vis des investisseurs, financeurs potentiels, mais aussi parce que c'est un très bon outil de pilotage et de gestion du projet. Car l'élaborer, permet de clarifier sa vision, son positionnement, son modèle économique, son ambition, et les moyens requis pour la mise en oeuvre du projet. Le business plan social ne doit pas être trop long. Il a 25, 30 pages maximum, avec ce qu'on appelle un executif summary de deux ou trois pages, qui résume le projet, et son modèle économique et sa viabilité. Il se doit d'être structuré, précis, argumenté, et objectif, avec le plus d'exemples d'illustrations, de graphiques possible, pour convaincre le lecteur d'une part de la viabilité du projet, sa viabilité économique ; d'autre part de son ambition, de son potentiel d'impact social, et pour finir, du professionalisme, et de la capacité des porteurs de projet à le porter. Les quelques étapes que je recommande pour bien élaborer son business plan social. Tout d'abord, clarifier son projet. Son ambition, sa vision, sa mission, son modèle économique, les moyens nécessaires à sa mise en oeuvre, etc. Donc pensez, structurez le projet. Deuxièmement, bien penser son modèle économique. Et la structure juridique, qui aura un impact. Si c'est une structure de type commercial, on aura une possibilité de lever les fonds auprès d'investisseurs, qui investiront les fonds au capital, par exemple. Si le modèle économique, est partiellement, voire totalement marchand, on aura une capacité à avoir de l'emprunt bancaire, par exemple, qu'on aura plus difficilement dans un projet dont le modèle économique est complètement non marchand. Troisième étape, faire une petite étude rapide de l'ensemble des potentiels investisseurs, financeurs, qu'ils soient mécènes ou philanthropes, comme on dit dans le secteur privé, ou partenaires publics, comme dans le cadre des subventions pour les projets non marchands, ou des partenaires bancaires, ou des partenaires investisseurs au capital, pour des projets portés par une structure juridique commerciale. Cette petite étude permettra, ensuite, de faire sa stratégie de levée de fonds, et d'aller vers ceux qui pourront être les partenaires majeurs au départ. Quatrième étape : bien préparer ses documents. Alors évidemment, un business plan social, en soi, c'est l'idéal, notamment pour de gros investisseurs ou de gros partenaires financiers, après, pour chaque partenaire, il faut arriver avec un écrit qui permet de montrer de manière explicite et claire le projet, mais aussi son modèle économique, et ce qu'on va demander ou ce qu'on attend du partenaire en face. Donc préparez les documents en amont. Dernière étape, aller voir les cibles. Passer à l'action. Mon expérience à la tête d'Unis-Cité et en accompagnement d'un certain nombre d'entrepreneurs sociaux dans Antropia, j'ai quelques recommandations. La première, c'est d'être ambitieux, de montrer la big picture. Dès le départ, montrer l'impact potentiel ultime du projet, s'il était généralisé et développé à sa juste ambition. Quitte à demander au partenaire en face le soutien sur une première étape. Et montrer le potentiel d'impact, la grande image, ça me paraît essentiel pour convaincre et emporter l'adhésion. Ma deuxième recommendation, c'est : mieux vaut courir peu de lièvres, en allant jusqu'au bout, et en étant ambitieux avec chacun, plutôt que de courir quinze lièvres, en demandant un tout petit peu à chacun. Ma troisième recommandation : écouter les retours. Être ouvert, être à l'écoute. Parfois les retours sont négatifs, ou septiques, mais c'est important de les écouter, parce que ce sont des choses qu'on peut prendre avec soi, pour questionner sa réflexion, questionner le modèle que l'on s'est fixé, et généralement, ils sont fort utiles. Donc des investisseurs potentiels, des partenaires financiers potentiels, sont aussi des sources de réflexion qu'il faut intégrer dans sa propre réflexion sur son projet, quite à revenir vers eux ensuite, en montrant justement qu'on a intégré, le feedback. Ma quatrième recommandation, c'est de persévérer, de ne jamais lâcher l'affaire. Un partenaire ne vient pas au premier rendez-vous comme ça. Généralement, il faut de multiples étapes avant d'arriver un partenaire important financièrement pour le projet, mais les petits partenaires sont longs à convaincre. D'où ma seconde recommandation. Il faut persévérer, il faut savoir vendre le projet, de manière ambitieuse, mais aussi professionnelle et en répondant aux besoins spécifiques de chacun des partenaires. Il ne faut pas lâcher l'affaire, avec aucun. Pour les premiers contacts. Comment entrer en contact avec les financeurs, des investisseurs potentiels? D'une part, il faut y aller au culot. Ce n'est parce qu'on connaît personne, qu'on ne connaîtra personne. Il faut y aller au culot. Quand on a repéré quelqu'un, il faut passer par la porte, la fenêtre, la cave, pour rencontrer la personne. Il faut utiliser ses réseaux, amis, contacts professionnels, de manière efficace. Voir en chacun d'entre eux, une clé d'entrée possible vers un investisseur ou un partenaire possible. Il faut, évidemment, utiliser chaque événementiel comme une opportunité de pitcher son projet et d'avoir un engagement de rendez-vous. On rencontre quelqu'un, il n'a pas le temps, en deux secondes, on a au moins l'engagement de se revoir. Une dernière petite recommandation, c'est éventuellement de tester, ou d'utiliser ce qu'on appelle aux États-Unis les matching grants, parce que ça peut motiver les partenaires, en leur disant : si vous me donnez tant, j'ai tel autre partenaire, faut-il que ce soit vaguement vrai, tout de même, qui me donneraient la même chose, qui matcheront votre soutien. C'est une manière de rassurer un partenaire, en lui disant : vous serez pas tout seul, vous serez deux, et c'est une manière de challenger l'interlocuteur, qui peut marcher très bien. [AUDIO_VIDE]