[MUSIQUE] [MUSIQUE] Maintenant que nous avons présenté dans les grandes lignes le plan de financement, passons aux différents outils financiers disponibles. Nous allons d'abord voir les outils existants pour l'amorçage du projet entrepreneurial, puis nous verrons ceux disponibles en phase d'expansion ou de changement d'échelle de l'entreprise. Dans les deux parties suivantes, pour illustrer le propos et le rendre le plus concret possible, nous nous appuierons sur deux exemples d'entreprises sociales. D'abord iNex Circular qui est une entreprise créée il y a huit ans, qui se spécialise dans l'écologie industrielle locale pour optimiser la gestion des déchets et des matières premières. Le maître mot d'iNex Circular c'est, « Les déchets des uns deviennent la matière première des autres. » La deuxième entreprise sociale sur laquelle nous nous appuierons est Phénix. Elle a été créée en 2014. Elle aide les entreprises à réduire le gaspillage en luttant contre les invendus. Son dirigeant et créateur, Jean Moreau, qui est alumni ESSEC 2008, puis qui a bénéficié du programme d'accompagnement au changement d'échelle de l'accélérateur d'entreprise Antropia ESSEC en 2016, vient de réaliser en novembre 2018 une levée de fonds de 15 millions d'euros. Les outils de financement de l'amorçage sont donc les premiers outils que nous allons travailler. Une fois qu'un premier prototype a été conçu et qu'une première preuve de concept, cette fameuse PoC, Proof of Concept a été constatée, l'entrepreneur passe l'étape de l'amorçage qui consiste à déployer son produit ou son service sur le marché. On peut alors identifier trois grands besoins de financement. Un, les dépenses d'investissement, deux, la couverture des pertes d'exploitation, et trois, le besoin en fonds de roulement. Et pour couvrir chacun de ces besoins, il existe trois outils, la subvention, l'emprunt ou l'ouverture du capital. Ces outils sont mis à la disposition des entrepreneurs par plusieurs acteurs. Les pouvoirs publics et les grandes fondations privées ou parapubliques pour tout ce qui est subventions et dispositifs d'avance et/ou de garanties, les fonds à impact pour les prises de participation capitales et l'investissement d'aide, et bien sûr les banques pour tout ce qui concerne l'emprunt. Néanmoins, on oublie souvent que la première source de financement des entreprises, c'est le revenu généré par leur activité. Par exemple, iNex Circular a très vite généré un chiffre d'affaires grâce à sa technologie de détection des sites de déchets industriels, que ses fondateurs Olivier Gambari et Pierre Beuret ont développée. Et non seulement ces clients qu'ils ont conquis leur ont permis de se crédibiliser vis-à-vis de leurs futurs investisseurs, mais ils ont permis un autofinancement d'une partie de l'activité de leur entreprise car la technologie s'est donc immédiatement trouvée reconnue et validée par le marché. Et cette technologie, au-delà des revenus générés, a été centrale dans la stratégie de financement adoptée par les fondateurs. En effet, Olivier et Pierre ont fait évaluer cette technologie et l'ont ensuite cédée à l'entreprise sous la forme de ce que l'on appelle un apport en industrie. Cette action a priori juridique et comptable, purement juridique et comptable, leur a ainsi permis d'accroître sensiblement la valeur de leurs fonds propres, et donc in fine d'obtenir des financements plus conséquents. On conseille souvent aux entrepreneurs de couvrir leurs besoins d'investissement soit en obtenant des subventions, soit en recourant à l'endettement. Comme le rappelle Michel Faure, secrétaire général du fonds Impact Partenaires, en cas d'investissement, il ne faut pas s'autofinancer. Mieux vaut garder sa trésorerie pour financer son BFR et les coups durs qui arrivent inévitablement. Pour le BFR et les pertes d'exploitation, il faut privilégier au maximum les fonds propres ou à défaut le recours au capital que l'on appellera patient. Ainsi, iNex Circular a financé son amorçage grâce à une subvention de 50 000 euros et à une avance remboursable, qui est une forme de dette, de 70 000 euros consentis par l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie, l'ADEME. Il faut également noter que ces financements ont été permis car les fonds propres de la société étaient suffisamment importants, grâce évidemment à l'apport en industrie que je mentionnais précédemment. De son côté, la société Phénix a choisi de réaliser une levée de fonds en capital 15 mois après sa création. Une première preuve de concept existait, et il s'agissait de voir si le modèle Phénix pouvait être répliqué sur deux nouveaux territoires, à Rennes et à Toulouse. Le fonds d'investissement Starquest a donc investi 900 000 euros dans Phénix. Un dernier exemple intéressant est celui de la société Alenvi. Cette société a pour but d'utiliser les nouvelles technologies, les technologies de l'information et de la communication, pour revaloriser le métier d'auxiliaire de vie, c'est-à-dire ces personnes qui accompagnent à domicile les personnes âgées ou les personnes dépendantes, et ceci afin d'améliorer le secteur et la qualité de vie de toutes les parties prenantes. La stratégie de financement de Alenvi a été de combiner un investissement via le fonds Fintrust avec une souscription en capital auprès de particuliers via la plateforme LITA.co qui est une plateforme de crowd equity. Le crowd equity, c'est une des formes du crowdfunding. C'est du crowd equity à impact. LITA.co est d'ailleurs un des exemples que nous présentons dans le MOOC L'entrepreneuriat social, de l'envie au projet, disponible également sur Coursera. Les fondateurs d'Alenvi ont ainsi pu lever plus d'un million d'euros en 2018. À travers ces trois exemples, on peut voir que les stratégies utilisées sont uniques et spécifiques à chaque entreprise. Et si les outils restent les mêmes, leur combinaison et les modalités d'utilisation peuvent changer en fonction du modèle économique de l'entreprise sociale et de son stade de développement. Pour plus d'informations techniques sur les instruments financiers, je vous invite à consulter le livre Stratégie et financement des entreprises sociales et solidaires, que j'évoquais tout à l'heure, l'ouvrage de Amandine Barthélémy, Sophie Keller et Romain Slitine. Vous y trouverez des tableaux récapitulatifs avec la majorité des instruments financiers qui sont aujourd'hui disponibles sur le marché. Après l'amorçage, venons-en aux outils de financement permettant de financer l'expansion. L'expansion vise à la généralisation du produit ou du service dont l'utilité et la demande ont été confirmées lors de la phase d'amorçage, cette fameuse preuve de concept. Les outils et instruments financiers présentés précédemment restent bien sûr valables. Ainsi, Phénix vient de boucler sa troisième levée de fonds en capital pour un montant total de 15 millions d'euros en novembre 2018, je vous le disais il y a un instant, avec un tour de table qui comprend ETF Partners, Bpifrance, Sofiouest et Arkea. Voilà de quoi lui permettre d'accélérer son développement à l'international et d'étendre son activité à d'autres secteurs que celui de la grande distribution. La différence majeure entre la phase d'expansion et la phase d'amorçage, c'est que le produit ou service vendu par l'entreprise génère des flux de trésorerie réguliers. Ainsi, la CAF, capacité d'autofinancement de l'entreprise, augmente et facilite le recours aux instruments de dettes pour financer autre chose que de l'investissement, et notamment de l'investissement en immobilisation corporelle. D'autant plus que des organismes comme France Active, Bpifrance ou bien la Fondation la France s'engage offrent des mécanismes de garanties pour un coût variant de 1 à 3 % du montant garanti. Ces instruments facilitent donc l'accès à la dette car ils diminuent sensiblement le risque des investisseurs. C'est d'ailleurs cette option que Phénix a privilégiée avant le bouclage de sa dernière levée de fonds fin 2018. La société iNex Circular a, quant à elle, bénéficié d'un cofinancement entre investisseurs privés de type Capital Risque et Bpifrance sur un format 1 euro privé apporté égal 0,5 euro de participation de Bpifrance. On observe là encore une grande diversité de situations et de combinaisons. En guise de conclusion, il ne faut pas oublier que si le plan de financement est essentiel, il ne faut pas négliger l'aspect humain. Si les chiffres sont là pour étayer votre projet, les investisseurs font avant tout un pari sur l'équipe qui va effectivement mettre en œuvre la solution ou l'idée proposée.