[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans ce module, nous allons explorer la relation partenariale entre le financeur et le financé, qui est le cœur de l'impact investing. En effet, sans financeur, il n'y a pas d'impact investing, et sans financé, il n'y a pas d'impact investing, non plus. La qualité de la relation, liant financeur et financé, est particulièrement importante pour la réussite et l'existence même du projet financé. Commençons par définir la relation partenariale. Trop souvent la relation entre le financeur et le financé est réduite à l'aspect financier. Elle est ainsi l'objet de préjugés et de représentations souvent fausses, dont les principales sont : le financé a tendance à diaboliser le financeur ou à la sous-estimer ; le financeur peut avoir l'illusion de savoir ce qui est bon pour l'entrepreneur et l'entreprise, puisqu'il détient l'argent ; le financeur peut chercher à faire et à décider, à la place de l'entrepreneur ; le financeur peut penser que le financé à un ego trop important, pour entendre des conseils et qu'il le considère comme une simple machine à cash. Or, chacun sait qu'un investisseur, s'il est soucieux de la façon dont son argent est géré, il est dans le domaine de l'impact investing, dans la position de vouloir des garanties que son argent permettra bien d'atteindre les objectifs sociaux annoncés. Le financé est souvent très méfiant, des risques d'ingérence du financeur, le financé a tendance à voir dans tout financeur un prédateur potentiel. Or, le plus souvent l'entrepreneur se lance d'abord parce qu'il veut être indépendant et être son propre patron. Ce point est particulièrement marqué chez un entrepreneur social, puisque ses perspectives et ambitions de gain financiers sont a priori limitées, et elles ne sont, de toute façon, pas le moteur premier de la création de son entreprise. Ce qui n'est pas le cas dans l'entreprenariat classique où la perspective patrimoniale constitue un facteur de motivation à la création d'entreprise et un facteur qui est important. Bref, les causes de malentendus, d'incompréhensions, sont multiples et nombreuses, ce qui est paradoxal à certains égards, puisqu'en matière d'impact investing, les 2 acteurs de la relation, le financeur et le financé, ont un même objectif, maximiser l'impact social du projet sur lequel ils collaborent. Le grand enjeu, c'est donc l'alignement non seulement des intérêts entre financeur et financé, mais aussi l'alignement des représentations de chacun sur les motivations et les intérêts de l'autre. Il faut installer une confiance réciproque entre les uns et les autres, sur les intentions de chacun et si cet enjeu se vérifie pour tout investissement quel qu'il soit l'alignement des intérêts d'autant plus difficile à expliciter et à mesurer, quand ils reposent en partie sur l'impact social. Une des raisons de ces difficultés est l'absence d'intermédiaires, dans le secteur, ainsi que nous en avons pointé le manque dans le module 3, qui traite de l'écosystème de l'impact investing dans le premier MOOC, sur la finance qui change le monde. En effet, le private equity traditionnel, c'est bien le rôle de la banque d'affaires et des conseils qui sont mobilisés et rémunérés pour cette mission, que d'accompagner la relation, de créer ce climat de confiance indispensable pour faire réussir ce qui est, en fait, un mariage, en fait, pas tout à fait, puisqu'un investisseur investit souvent dans plusieurs entreprises et un entrepreneur a souvent plusieurs investisseurs à gérer. Le partenariat se définit comme une association active de différents intervenants qui, tout en maintenant leur autonomie, acceptent de mettre en commum leurs efforts en vue de réaliser un objectif commun relié à un problème ou à un besoin clairement identifié dans lequel, en vertu de leur mission respective, ils ont un intérêt, une responsabilité, une motivation voire une obligation. Le partenaire financier se distingue des autres parties prenantes de l'entrepreneur, dans la mesure où les relations opérationnelles avec le partenaire sont plus étroites. Et c'est en plus la seule partie prenante pour laquelle la relation nouée repose au moins autant sur l'argent, que sur les considérations sociales, et même, commence par l'argent. En effet, rappelons que les parties prenantes de l'entreprise, selon Edward Freeman, père de la théorie éponyme, établie en 1984, sont les individus ou groupes d'individus dont la situation et les intérêts peuvent se trouver modifiés en positif ou en négatif du fait de l'action de l'entreprise, c'est-à-dire sur lesquel l'action de l'entreprise a un impact quel qu'il soit. Vous pouvez sur ces questions, vous référer au module 4, de mon MOOC changer le monde, passons à l'action, actuellement en ligne sur Coursera et dont je vous ai parlé dans les modules précédents. Dépendance et autonomie sont donc des notions clés dans la relation de partenariat. L'autonomie est atteinte quand différentes dimensions sont maîtrisées comme l'autonomie financière, l'autonomie de fonctionnement, l'autonomie technique et la capacité à définir une stratégie des modes de gouvernance ou à exercer le pouvoir. Il est possible de faire une typologie des différents types de partenariats en fonction du degré de dépendance et d'autonomie, de chaque partenaire. Je vous propose de reprendre la typologie proposée par Stéphanie Desfontaines et Stéphane Montier, dans leur ouvrage Les clés de l'autonomie : modèles et processus d'accompagnement, publié en 2012, chez Eyrolles, à Paris. Ainsi, on peut envisager 4 états. Un, la dépendance, les prétentions et les conditions de l'autre partenaire sont acceptées sans discussion. Deux, la contre-dépendance, le partenaire dépendant s'affronte, se confronte au dominant. Il cherche à fuir un état de dépendance en faisant objection des règles et des valeurs de l'autre, cependant, tout en maintenant le lien, car de fait, on est encore en situation de dépendance. Trois, l'indépendance, chacun joue pour soi, on est à la limite d'une rupture de lien, on ne s'oppose pas, mais on ne cherche en aucun cas la coopération. Et enfin, quatre, l'interdépendance, on accepte une dépendance vis-à-vis de l'autre et on entre dans une négociation de celle-ci. Cette négociation se fait dans une démarche de valorisation des potentiels communs et dans une logique gagnant-gagnant. Vous l'avez compris ce vers quoi il faut tendre dans la relation entre investisseur et entrepreneur est l'interdépendance, car les 3 autres types de relation sont des facteurs de dégradation de l'impact social ou de sous-optimisation des moyens mobilisés. Pour y parvenir le temps et la formalisation des échanges jouent un rôle capital. Il faut ainsi prendre le temps et fixer les choses de façon formelle suivant un calendrier précis avec des temps de rencontres structurées dans l'année, comprenant un objet, un ordre du jour, une durée et un compte rendu. Il faut s'assurer durant toute la durée du partenariat de se réserver un temps suffisant de réflexions et d'échanges ensemble. D'abord, pour construire une ambition commune, au-delà de l'alignement d'intérêt économique traditionnel, ensuite pour construire et puis entretenir la confiance, dont chacun sait qu'elle ne se décrète jamais et qu'elle ne dure que si on en prend soin. Ensuite, pour désamorcer les tensions ou incompréhensions, les différences de cultures organisationnelles sont plus accentuées dans l'impact investing. Enfin, pour régler les problèmes et dissensions en amont. Il s'agit là, un, de mieux servir le double objectif économique et social fixé. Dans le cadre de l'impact investing, l'investisseur s'est souvent engagé à plus long terme car les problèmes sociaux, qu'il veut aider à résoudre sont complexes et nécessitent du temps pour se résorber. Puis, deux, il s'agit de construire un langage commun. L'entrepreneur social et le financeur ont souvent des cultures organisationnelles différentes. L'impact social est au cœur de la motivation de l'entrepreneur, comme du financeur. Cependant, l'impact social est difficile à définir et à mesurer, on en a déjà parlé dans le module précédent, et nous nous y reviendrons un peu plus loin. Il ne faut donc pas sous-estimer l'importance de la relation partenariale, elle ne va pas de soi, et il est important de l'animer.