-Cette carte de synthèse, c'était pour montrer les trajectoires des terroristes qui ont réalisé les attaques de New York, de Madrid et de Londres, 2001, 2004 et 2005. Pour moi, c'était important de voir leurs trajectoires, voir qu'est-ce qui les amenés à ce point-là, à New York ou à Madrid ou à Londres précisément, parce que ce qui m'intéressait le plus, c'était leur enterrement. Je voulais voir s'il y avait un lien entre ces voyages, ces trajectoires, ces parcours, et leur lieu de l'enterrement où l'idée de leur enterrement. Et en même temps, quel genre d'entreprise, cette histoire de terrorisme pour New York, Londres et Madrid, quand on voit un peu la trajectoire de ces auteurs d'attentats-suicides. La carte montre que pour New York, ceux qui ont réalisé les attentats de New York, en fait, avaient été partout. Ils ont été en Afghanistan, au Pakistan, ils sont du Moyen Orient, ils ont fait toute l'Europe et ils ont fait toute l'Amérique. Là où ils se rencontraient le plus, où ils constituaient déjà des villes-noeuds comme ils disent, c'était les villes de rencontre, ils mettaient en place le plan, etc. La carte montre qu'il y avait tout un déplacement partout dans le globe. Hier, on m'a fait remarquer qu'il n'y avait pas l'Amérique latine, qu'il n'y avait pas l'Afrique. En effet. Pour Madrid, c'est intéressant parce que c'était que des immigrés de première génération. Tout ce qu'ils avaient fait, c'était l'Afrique du Nord. Ils étaient cinq Marocains, un Tunisien, un Algérien. Tout ce qu'ils avaient fait, c'était traverser le Gibraltar. Et première génération d'immigrés à Madrid. Mais en même temps, comme ils avaient de la famille qui était installée en Allemagne, aux Pays-Bas, etc., ils avaient été une fois, peut-être, aux Pays-Bas, mais ils avaient projeté de partir à partir de l'Espagne, d'aller dans d'autres pays européens s'installer comme immigrés. Et Londres, c'est intéressant parce que là, eux, ils n'ont pas bougé du tout. C'est le djihad qui est venu chez eux à travers les vidéos, l'Internet, etc. Eux, c'était des deuxième génération. Le seul endroit où ils avaient été, c'était évidemment le Pakistan, mais là, est-ce que c'est un pays d'entraînement ? Est-ce que c'est le pays d'origine ? C'était la confusion de cet espace-là, qui est aussi un pays de radicalisation en même temps. Donc ces trois cartes montrent, avec leurs trajectoires, ça montre tout à fait tous les parcours, toutes les trajectoires, tous les voyages qu'ils ont réalisés. Donc du global au carrément très local pour les deuxième génération. Est-ce que ça a un effet sur leur enterrement ? Comme on ne connaît pas vraiment s'ils sont enterrés ou pas, où ils sont enterrés, etc., des enquêtes, je voyais que là où ils ont été partout, ceux qui ont été partout ne sont enterrés nulle part. C'est le silence total de la part des Etats-Unis pour dire ce qu'ils ont fait de leurs corps. Pour Madrid et l'Afrique du Nord, les autorités espagnoles me disent : "qu'est-ce que vous croyez ? "Nous, on rend les corps aux familles." Donc ils sont retournés dans leurs pays puisque c'est première génération d'immigrés. Et les autorités britanniques me disent : "ce sont nos enfants. Ils sont nés ici. "Bien sûr qu'ils vont être enterrés ici." Là où on bouge, où on est global, où on n'est de nulle part, on est nulle part, dans la représentation je veux dire. Du coup, pour les Etats, ce qui compte, c'est leur nationalité, leur origine affichée ou revendiquée par les parents, puisque eux ne revendiquent rien du tout. D'abord une coopération, évidement, entre les différents pays européens. Ce qui est intéressant, ce que j'ai vu surtout à partir de l'exemple de l'Espagne et de Londres, enfin de la Grande-Bretagne, c'est que même s'il y a une politique de coopération, ça c'est le contrôle des frontières, le contrôle des réseaux, les flux, etc., tout se passe dans le pays. Comment convaincre ces jeunes de leur appartenance à un territoire et non pas à cette idée de l'humain, et qu'il faut changer, comme disent les Britanniques, le "single narrative", c'est-à-dire leur apprendre, le "single narrative" étant l'appel au djihad, comment les Etats devraient leur donner un sentiment d'identification avec là où ils se trouvent. A mon avis, c'est la lutte la plus importante en ce moment parce que ce qui les fait bouger, ce qui les mobilise et ce qui les convainc en quelque sorte, les pousse à la violence, c'est surtout cette rhétorique, ce discours, ces récits sur Internet. Alors comment lutter surtout contre ça plus que le contrôle des frontières ? Le contrôle des frontières se fait. Je pense que c'est à ce niveau que le plus gros travail vient aux Etats.