Alors, quand on parle des pays baltes, on parle de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie qui sont trois pays, anciennes républiques socialistes soviétiques, qui sont entrés dans l'OTAN et dans l'Union européenne en avril et en mai 2004. 2004, ce qui fait qu'aujourd'hui, en 2015, ça fait 11 ans qu'ils sont membres de l'Union européenne et de l'OTAN. Quel bilan est-ce qu'on peut faire de leur adhésion? Eh bien, on peut dire que ces trois pays se sont peu à peu intégrer au cœur du système politique et économique de l'Union européenne en entrant d'abord dans l'espace Schengen, puis aujourd'hui dans la zone euro, puisque la Lituanie est le dernier des pays baltes à entrer dans la zone euro en janvier 2015, et que finalement ces trois pays participent aujourd'hui du cœur de l'Union européenne et sont finalement plus intégrés que l'Angleterre ou l'Irlande qui ne font pas partie, par exemple, de l'espace Schengen pour l'Irlande et de l'espace Schengen et de la zone euro pour l'Angleterre. C'est intéressant que ce soit la Lettonie qui occupe la présidence du Conseil de l'Union européenne au premier semestre 2015 parce que les enjeux sont très importants. On le voit, à la fois les questions énergétiques, les questions de relations avec la Russie, et notamment la question ukrainienne, sont au cœur aujourd'hui du débat stratégique en Europe. Et le fait que ce soit la Lettonie, qui est donc une ancienne république socialiste soviétique qui a été occupée pendant 50 ans par l'URSS, qui soit aujourd'hui aux manettes, disons, de l'Europe, ça va en fait montrer un peu que ces nouveaux États membres, enfin qui sont nouveaux depuis dix ans, peuvent aussi piloter l'Europe dans des zones de turbulences excessives. Alors, il y a bien sûr du côté letton, une volonté de rigueur sur les principes, et notamment sur la question de l'intégrité territoriale de l'Ukraine. En Lettonie aussi, il y a un certain nombre de populations russophones, et du coup le parallèle est dans la tête de tous les politiciens lettons. Mais il y a aussi une volonté de pragmatisme et de trouver des solutions avec la Russie puisque, bon, les Lettons comprennent bien qu'un si grand voisin ne peut pas être totalement coupé de l'Union européenne. Donc, on verra bien, et je pense que ça se manifestera notamment au moment du 70ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, donc qui aura lieu en mai 2015, et Vladimir Poutine a déjà commencé à inviter un certain nombre de chefs d'État européens. On verra quelle sera la position du gouvernement letton et de la présidence lettonne vis-à -vis de cette invitation. Est-ce qu'on doit encore continuer à célébrer tous ensemble la fin de la Seconde Guerre mondiale, ou est-ce que, en raison de problèmes politiques contemporains, on fera deux célébrations distinctes, une pour les Européens et une pour les Russes? Pays de l'Est, pays du Sud, ce sont des catégories qui prennent aujourd'hui un sens nouveau dans l'intégration européenne. On a eu longtemps le sentiment que les pays dits de l'Est étaient des pays appauvris et sous-développés du point de vue économique et démocratique par rapport aux pays historiques, disons, de l'intégration européenne. Aujourd'hui, on voit de nouveaux clivages apparaître, entre une Europe du Nord, qui serait à la fois plus riche mais aussi partisane de la rigueur en termes budgétaire, et une Europe du Sud qui serait plus pauvre et qui voudrait plus de laxisme, ou en tout cas plus d'investissements dans les pays du Sud. Alors, la position des pays baltes, là -dedans, elle est complexe parce que pendant longtemps les Estoniens, les Lettons et les Lituaniens ont été moins riches, en fait, que les Grecs. Mais aujourd'hui on voit que le PIB rapporté aux nombres d'habitants en Estonie a rattrapé le PIB rapporté aux nombres d'habitants en Grèce donc, aujourd'hui, l'Estonien moyen est plus riche que le Grec. Néanmoins, ce n'est toujours pas le cas pour le Letton et le Lituanien, et donc ça crée des problèmes de légitimité et, dans le débat politique en Lettonie, en Lituanie et en Estonie, on demande quelle est la valeur de la solidarité européenne quand des pays qui sont plus pauvres, donc comme les pays baltes, doivent être solidaires de pays du Sud qui sont censés être plus riches, ou qui en tout cas l'ont été pendant longtemps. Donc, pays du Sud, pays du Nord, pays de l'Est, pays de l'Ouest, aujourd'hui, il faudrait probablement diviser l'Europe en quatre quarts, en disant qu'il y a des pays qui sont à la fois du Nord et de l'Est, qui sont notamment les pays baltes et la Pologne, qui sont un peu plus pauvres mais qui sont sur une ligne macroéconomique très proche de celle de l'Allemagne, et puis des pays qui sont à la fois du Sud et de l'Est, la Grèce, la Roumanie, la Bulgarie, qui traversent des difficultés et qui voudraient plus de solidarité européenne. Finalement, ce que l'on voit, c'est que dix ans après l'intégration de dix nouveaux États membres à l'Union européenne, on est dans une situation dans laquelle les catégories sont en train de changer de manière assez durable. [AUDIO_VIDE] En fait, si on devait comparer les pays baltes à un autre pays européen, il faudrait probablement les comparer à la Finlande. Il y a l'idée, en Estonie, en Lettonie et en Lituanie, qu'il faut respecter les règles européennes et être vraiment au coeur du système européen parce que c'est une manière de lutter contre la situation géographique périphérique du pays. C'est-à -dire être au coeur institutionnellement parce que, géographiquement, on est quand même périphérique, loin du centre de l'Europe, loin de Bruxelles, et que, être au coeur du système, ça permet de s'assurer de la solidarité des autres, notamment vis-à -vis de la Russie. Donc ça, c'est la première chose. La deuxième chose, c'est vrai que quand les états baltes sont sortis de l'Union soviétique, il y a toute une partie des lois soviétiques qui ont été abrogées, et l'entrée dans l'Union européenne, ça a importé un certain nombre de législations vers les pays baltes et donc, un député estonien disait il y a quelques années que le code, disons l'ensemble des lois estoniennes au début des années 1990 correspondait à environ 7 000 lois, mais que c'est plus de 25 000 lois supplémentaires qui ont été intégrées au moment de l'entrée dans l'Union européenne et du processus de négociations. Donc, d'une certaine manière, c'est vrai qu'un certain nombre d'États membres, disons de l'Est, et particulièrement les pays baltes, ont un système législatif qui est beaucoup plus influencé par l'Union européenne que des pays qui ont toujours été indépendants, comme l'Italie, comme l'Espagne, comme la France, et qui ont finalement intégré le processus européen au fur et à mesure de l'intégration.