[MUSIQUE] Nous sommes dans un lieu un peu magique de Genève, qui s'appelle Livresse. Alors, vous comprenez, Livresse, ça veut dire à la fois qu'on boit, mais ça veut dire aussi qu'on lit des livres. Vous en voyez aux murs. Donc, on se saisit de ce prétexte pour organiser un petit salon du livre, qui va vous expliquer l'actualité éditoriale de notre département, et vous montrer qu'on travaille et on publie sur cette question de l'identité et de l'altérité. Donc, je vais donner la parole successivement à mes collègues, qui sont autour de la table et qui vont vous présenter une de leurs publications récentes. On va donc commencer par Bernard Debarbieux. >> Alors, pour ce qu'il y a de plus récent en ce qui me concerne, ce livre qui s'appelle L'espace de l'imaginaire, et qui est une proposition à la fois théorique et très illustrée sur les imaginaires collectifs et la façon dont ils instituent les sociétés, ils instituent les collectifs sociaux, en montrant à quel point la dimension spatiale de ces imaginaires est constitutive à la fois des imaginaires >> et des collectifs sociaux en question. Il y a plusieurs passages qui sont consacrés aux frontières, aux limites, la frontière étatique, les limites de propriétés privées, ou ce genre de choses, en essayant de montrer à chaque fois de quelle façon ces limites structurent l'expérience spatiale de ces collectifs. >> Nous avons publié un ouvrage collectif, Sciences de la nature et de la société, qui questionne >> un autre type de frontières. Ce sont les frontières entre les disciplines, et les disciplines scolaires, puisqu'en effet, les systèmes scolaires se sont beaucoup appuyés sur des découpages disciplinaires, qui répartissent entre les uns et les autres, les objets, les processus, les questionnements. Et là, la question que nous avons posée, c'est est-ce que ces découpages sont encore pertinents, à la fois pour expliquer le monde actuel, et puis pour former les élèves à cette compréhension du monde. Toi, tu as pris d'autres frontières. >> Oui, en 2015, avec Anne-Laure Amilhat-Szary, nous avons dirigé un ouvrage qui s'appelle Borderities and the politics of contemporary mobile borders, et comme son titre l'indique, >> qui prend au sérieux cette notion de frontière mobile, autrement dit, de cette frontière de plus en plus diffuse, de plus en plus potentiellement embarquée par les individus, voire même personnalisée pour chacun. Alors, dans le cadre de cet ouvrage, nous proposons aussi un concept, celui de frontiérité, qui devrait permettre d'appréhender la part de frontière qui désormais se trouve en chaque lieu et en chacun. >> Oui, un autre type de frontière. Un ouvrage paru en 2014 chez A-Type, Building up stories, qui travaille la frontière, non pas de manière immédiate, mais qui s'amuse plutôt à brouiller les genres, entre un genre narratif d'écriture et un matériau de recherche collecté sur les standards de la profession, en fait. Et le jeu était de pénétrer dans la fabrique urbaine, de regarder comment les urbanistes travaillent, en collectant beaucoup d'entretiens, de s'intéresser aussi à leur manière de conduire le projet, et de mélanger tout ça, de brouiller ce matériau avec des expériences plus personnelles de la ville et de promenades dans la ville, et d'expériences très intuitives de ce que c'est, la ville. Et en faisant s'effondrer comme ça l'écriture scientifique, de rétablir un autre type de rapport à l'objectivité, c'est-à-dire suscitant en permanence une espèce de suspicion par rapport à ce qu'est en train d'écrire la personne qui écrit, qui fait son compte-rendu. Et de produire une nouvelle forme d'objectivité, c'est-à-dire faire un clin d'œil au processus de distanciation de Brecht, qui voulait en permanence réintroduire l'étrangeté dans le théâtre, pour que le spectateur se questionne. Là, c'est le même dispositif. On rétablit de la narrativité dans le discours scientifique, pour que les lecteurs en permanence se questionnent sur le statut d'objectivité de ce qui est en train d'être dit. Donc, un affaissement de deux genres et un affaissement d'une frontière. Dans mes frontières, je m'égare. [RIRE] Juliet. >> Merci, Laurent. Alors, moi j'ai fait en 2012, un livre avec des collègues sociologues, où on a essayé d'explorer en quoi différentes disciplines, des historiens, des géographes, des sociologues, des personnes issues des sciences littéraires, se sont intéressées à cette espèce de mise en doute entre ce qu'est l'être humain et ce qu'est l'animal. Et donc, à partir de cette idée d'une transformation de qui on est, par le fait de penser l'animal, on a invité toute une série de différents chercheurs, dans différentes approches, à essayer de regarder à la fois la dimension culturelle de cette transformation de sens de cette limite, mais également les implications politiques, concrètes, dans l'espace, notamment. Et toi, Jean-François? >> Alors, je viens de sortir fin 2015 un ouvrage avec un ancien docteur à l'Université de Genève, Lionel Gauthier, >> sur les clichés exotiques, et qui parle en fait des ancêtres des cartes postales, c'est-à-dire des photographies qui étaient vendues aux touristes autour du monde, dans les années 1880 jusqu'au début du XXe siècle. La frontière dont il s'agit, vous le devinez, bien sûr, c'est la frontière entre l'ici et l'ailleurs. Et c'est la façon dont notre imaginaire stéréotypé nous offre une vision de l'autre, une vision de l'ailleurs, qui suscite des fantasmes et calme nos inquiétudes, quant à notre propre identité. [MUSIQUE]