[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Au-delà du travail que vous avez réalisé sur la sociologie de l'accouchement, vous avez travaillé beaucoup, au cours des dernières années, sur les associations de patients et de patientes, et le rôle, donc, des citoyens, finalement, dans les sciences. Et je voulais que vous nous parliez davantage donc, des enjeux individuels et collectifs qui ont trait à ces questions, pour les femmes, autour de la naissance. Finalement, sur quels sujets se mobilisent-elles, et quels types de transformation veulent-elles obtenir dans le rapport biomédical contemporain? >> Alors, je pense que sur ce sujet-là, il y a eu quand même une évolution, en fait, dans le temps, disons depuis une trentaine d'années. C'est-à-dire qu'il y a 20 ou 30 ans, les mouvements autour de la naissance étaient axés sur une revendication à disposer de son corps, qui allait avec une revendication, par exemple, pour l'accouchement à domicile. Aujourd'hui, je pense que c'est un petit peu différent. C'est-à-dire que la médicalisation est actée, d'une certaine manière, il n'y a pas de possibilité de revenir en arrière ; il y a, bien sûr, toujours quelques mouvements qui peuvent être dans la filiation des mouvements précédents, mais il y a quand même cette idée que l'on est dans cet univers médical, et finalement, que revendiquer simplement un droit à disposer de son corps est un peu compliqué, parce qu'il y a d'autres acteurs qui sont positionnés là, qui sont les médecins et qui, au nom d'autres types de principes, s'arrogent un droit de regard sur ce qui se passe dans l'accouchement. Et, du coup, la stratégie que développent les mouvements de femmes, par rapport à cette situation, c'est quelque part de se mettre à l'intérieur même de cette médicalisation, et de s'approprier les contenus scientifiques et techniques, pour essayer de contester de l'intérieur la manière dont les médecins essaient d'imposer un certain nombre d'interventions, voire même de proposer de nouveaux sujets de recherche, en partant du principe que, un peu en suivant Haraway, on est dans des contextes dans lesquels il y a des savoirs situés, qui sont liés à une certaine organisation de l'obstétrique aujourd'hui et que, si on veut transformer l'obstétrique, en définitive, il faut aussi se donner les moyens de produire de nouveaux savoirs. >> Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple du type de revendications, dans ce champ? >> Eh bien, il peut y avoir des revendications par exemple, par rapport à l'accélération du travail qui était quelque chose qui était là depuis très longtemps, en fait, depuis les années 70, 80, >> les obstétriciens ont utilisé l'ocytocine pour réguler le travail, et en fait, cette utilisation a un certain nombre de conséquences que les femmes ont repérées sur leur corps, notamment entraîne des douleurs beaucoup plus importantes, du coup entraîne la nécessité de médicalisations encore plus importantes, >> et aujourd'hui par exemple, enfin, il y a une dizaine d'années environ, il y a eu une sorte de mise en cause du rôle de l'ocytocine, non seulement sur ce que ça fait aux femmes, mais aussi sur son implication possible dans l'hémorragie du post-partum. Et ce sont les mouvements de femmes qui ont mis en évidence ce lien, évidemment en lisant un certain nombre de choses, mais justement elles ont, en quelque sorte, été fondées à mettre en avant ce lien, précisément parce que l'ocytocine était problématique pour elles, elles ont poussé à ce que des recherches soient conduites sur cette hémorragie du post-partum, qui ont finalement mis en évidence l'existence de ce lien entre l'administration d'ocytocine pendant le travail et la survenue d'une hémorragie du post-partum. Du coup, cette utilisation de l'ocytocine est en train d'être remise en cause dans la gestion standard des accouchements. >> Merci Madame Akrich. >> Merci. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]