[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] À la fin de ce parcours intellectuel sur les sexualités en Occident, je souhaite apporter une réflexion d'ouverture vers la période contemporaine, mais aussi sur le futur. Pour ce faire, je m'appuierai sur quelques écrits de Paul B. Preciado. Ce qu'apporte, à mon sens, sa réflexion est qu'il essaie de qualifier la période contemporaine en bâtissant un système de compréhension qui intègre l'héritage de Foucault, mais qui pense ce qui se passe actuellement, au niveau de la circulation des discours sur les sexualités, mais aussi la circulation des images, des représentations, et les normes actuelles sur les pratiques sexuelles. Deux phénomènes sont importants pour lui. Tout premièrement, le développement de la pharmacopée autour de la sexualité, dans le but d'aider les humains à atteindre l'épanouissement sexuel, qui est devenu une sorte d'injonction, et de devoir. Et deuxièmement, il réfléchit à la circulation, toujours plus rapide, plus importante en quantité, d'images stimulant la sexualité, donc d'images pornographiques. Il appelle cela, l'ère de la pharmacopornographie, qu'il définit ainsi, je cite, régime postindustriel, global, médiatique, dont la pilule et Playboy sont les paradigmes et que je nommerai dorénavant pharmacopornographie, prenant pour références les processus de gouvernement de la subjectivité sexuelle, dans ses modes moléculaires, donc la pharmaco, et sémiotechniques, le porno. Fin de citation. Peut-on ainsi dire que la période actuelle apporte une libération sexuelle, ou alors une nouvelle forme de biopouvoir, comme le dirait Foucault? On le sait, chez lui la notion de libération sexuelle n'existe pas, ou alors c'est un leurre ; car toute sémiotique est normative, par essence, puisqu'elle propose des modèles et des normes à suivre. La pharmacopornographie, décrite par Preciado, se décline, évidemment, à différents niveaux. On connait le, porno soft, que la publicité utilise pour vendre certains produits, on connait ainsi le, porno soft, de certains clips vidéo, mais aussi, ce que je pourrais appeler le, pharma soft, pourrait être, par exemple, ces injonctions répétées, sur le corps des femmes, à la minceur, avec la vente de produits qui aident à maigrir ; et, pour les hommes, cette injonction à avoir un corps musclé, et donc à incarner la virilité. Puis, on peut avancer, dans la gradation, jusqu'au, porno hard, qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, est largement disponible sur Internet, mais aussi avec des médicaments, par exemple comme le Viagra, jusqu'à la chirurgie esthétique qui modèle, par exemple, chez les femmes des seins parfaits et parfois hors normes, ou alors, chez les hommes, les chirurgies esthétiques pour allonger le pénis, ou augmenter la taille du pénis. La thèse de Preciado est que l'appareil de vérification de la vérité sur le corps, et donc la formation du sujet sexuel actuel, n'est plus religieux, scientifique, comme ce fut le cas jusqu'à peu près les deux tiers du XXe siècle, mais, aujourd'hui, il est mercantile, et médiatique. La clinique ancienne a été attaquée par les féministes et les mouvements LGBT, on l'a vu, mais elle est attaquée aussi par ces logiques néolibérales, par le marché et par la dominance des médias, qui deviennent donc, de plus en plus, les deux logiques dominantes. Dans son texte, Multitude QUEER, qui est dédié à la mémoire de Monique Wittig, Preciado revient sur cette question politique, explique comment cette multitude des identités, créée par les techniques de pouvoir, nous l'avons vu, les identités d'homosexuel, de trans sexuel, d'intersexe, est devenue une force politique. Les marginaux veulent se réapproprier leur corps, leur sexualité, leurs identités assignées, pour en faire une force politique, un corps, formé de multitudes, qui résiste aux injonctions du devenir normal. Pour Preciado, la multitude QUEER ne doit pas lutter pour dépasser des identités, mais son combat politique doit viser à se réapproprier les disciplines de savoir pouvoir sur les sexes, les genres, etc. Pour les réarticuler, les détourner de leur but, c'est-à-dire celui de produire des corps normaux, ou comme dirait Monique Wittig, des corps, strait. Que ceci soit produit par la médecine, comme jadis, ou par la logique mercantile et médiatique, comme c'est plutôt le cas actuellement, sa conviction est que, si cette multitude ne lutte pas ensemble, les individus seront re catégorisés, taxinommés, re segmentés, par l'appareil pharmacopornographique, comme jadis la science l'a fait, et les états l'ont fait. [MUSIQUE] [MUSIQUE]