[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans cette leçon, nous allons d'abord essayer de comprendre comment un auteur majeur dans le domaine de la théorie critique sur les sexualités, Michel Foucault, a posé la question du contrôle des sexualités dans le monde occidental, en tirant un fil entre la religion chrétienne, la médecine, la montée des États-nations au XIXe siècle, pour nous livrer ses réflexions sur le XXe siècle et notamment sur la période des années 1960, 1970, années comme vous le savez, durant lesquelles la question des sexualités va prendre une toute autre direction, et va devenir l'un des thèmes centraux de cette révolution culturelle. Véronique Mottier, spécialiste de l'œuvre de Foucault, sera notre invitée pour en parler. Dans un deuxième temps, nous chercherons à faire le lien entre cette histoire occidentale et ces relations conflictuelles paradoxales avec l'Autre avec un grand A, avec celui ou celle qui représente le corps de l'autre, la sexualité de l'autre. Ceci nous permettra de faire des liens entre exotisme, érotisme, racialisation, domination et sexualité. Jean-François Staszak, professeur à l'Université de Genève, nous parlera du lien entre exotisme et érotisme. Puis, Éric Fassin nous initiera aux concepts de racialisation et de racisation. Si nous avons beaucoup parlé des sexualités, de leur signification et de leur contrôle dans la culture occidentale, ceci ne doit pas nous faire oublier que ces significations sont à mettre en regard avec la sexualité de l'autre, du non Blanc. En effet, à partir du XVIIIe siècle, qui marque l'essor des sciences, on commence à classer et à hiérarchiser tous les êtres vivants, les animaux, les végétaux, mais aussi les êtres humains. On les hiérarchise du moins évolué au plus évolué. À cette époque, puis au XIXe et au XXe siècle, les pays européens sont dans une dynamique colonialiste qui s'appuie sur certaines théories raciales pour justifier la conquête et la domination de peuples qui sont considérés comme inférieurs. Plusieurs disciplines scientifiques proposent des classifications des êtres humains, de manière à placer ce qu'on appelait, entre guillemets, le sauvage en bas de l'échelle. Les critères de cette classification sont en particulier physiques, couleur de peau, forme et couleur des yeux, nature et teinte des cheveux, taille, indice céphalique et capacité crânienne, forme de la face, nez, etc. Les critères culturels peuvent aussi entrer en ligne de compte, comme les mœurs ou la langue. Ainsi, les corps et les sexualités de l'autre deviennent des moyens d'établir des hiérarchies, qui placent immanquablement les Blancs au sommet de cette pyramide. En situation coloniale, les corps et les sexualités des Blancs et non Blancs prennent des significations centrales dans l'établissement des hiérarchies. Ann Stoler, anthropologue américaine, a réalisé un travail remarquable afin de mettre à jour l'importance du contrôle de l'intimité en situation coloniale. Elle travaille surtout sur les anciennes colonies britanniques et hollandaises, et montre comment les inégalités de genre étaient essentielles pour la structure du racisme colonial et de l'autorité impériale. Ce qu'elle constate, c'est que constamment, on cherche à assurer la suprématie européenne par des symboliques de la virilité patriotique et de la virilité raciale. Cette virilité blanche se constitue par l'appartenance à une classe sociale, par le contrôle de ses propres femmes et par l'accès sexuel aux femmes de l'autre. Si on veut le dire autrement, Ann Stoler cherche à comprendre comment les catégories de colons et colonisés étaient créées et stabilisées par des formes de contrôle sexuel et de classes, qui définissaient les arrangements internes aux Européens, et les investissements culturels à travers lesquels ils s'identifiaient eux-mêmes. Ainsi, le nous et le eux colonial est sexué et genré, comme le nous et le eux post-colonial l'est également. Stoler examine comment les sanctions spécifiques aux deux sexes et les interdictions sexuelles non seulement démarquent des positions de pouvoir, mais également prescrivent les limites personnelles et publiques de la race. Le contrôle sexuel était plus qu'une métaphore de la colonisation, c'était un marqueur fondamental de classe, de race, impliqué dans une large partie des relations de pouvoir. Ce passé a laissé des traces et dans un monde post-colonial, comme celui dans lequel nous vivons en théorie aujourd'hui, l'autre, le non Blanc, son corps, ses sexualités, sont encore investis de significations héritées du passé colonial. [MUSIQUE] [MUSIQUE]