[MUSIQUE] [MUSIQUE] La plupart des négociations qui se déroulent dans un contexte professionnel sont en fait indirectes. Le négociateur intervient pour le compte de quelqu'un d'autre. Un manager négocie au nom de son entreprise, au nom de son patron. Un avocat va négocier pour son client, un diplomate va négocier au nom du Ministre des affaires étrangères, un PDG négocie pour le compte de son conseil d'administration. Donc il y a toujours cette structure à deux niveaux. Et le négociateur en bas, ne peut pas faire tout ce qu'il veut. Il est ce qu'on appelle un mandataire. Il doit respecter les instructions fournies par son patron qui est le mandant. Et les instructions qui réunissent le mandant et le mandataire forment ce qu'on appelle le mandat de négociation. La plupart des négociations impliquant des mandataires vont donc suivre une séquence en trois étapes. D'abord, en interne, obtenir des instructions du mandant. Ensuite, négocier avec le camp d'en face en respectant ce mandat. Enfin, rendre compte au mandant des résultats obtenus à la table. En cas de négociation importante, les étapes un et trois sont très formelles. Personne ne peut les louper. Mais dans bien d'autres cas, elles sont très informelles. Elles n'en sont pas moins cruciales pour le négociateur. Alors reprenons tout cela. Avant la négociation, il faut clarifier le mandat. Un bon mandat est précis sur les motivations, les objectifs, les priorités ainsi que sur les lignes rouges, les interdits à ne pas franchir. Néanmoins, un bon mandat reste flexible sur les solutions, afin que le négociateur ait suffisamment de marge de manœuvre à la table et pour savoir saisir les opportunités ou réagir à des surprises. En deuxième lieu, pendant la négociation, évidemment, ne pas oublier les limites du mandat. Rien de pire que de s'engager sur un accord qui ne respecte pas le mandat qu'on vous a confié, je vais y revenir. Troisièmement, après la négociation, soyez prêt à convaincre en interne votre mandant. Il ou elle sera peut-être déçu par les résultats obtenus et vous devrez alors argumenter. Repensez à cette séquence en trois étapes et aux deux parties présentes autour de la table. En fait, de combien d'accords avons-nous besoin pour qu'une négociation aboutisse vraiment? Il faut cinq accords. Un en interne, vous devez vous accorder au préalable. Deux, l'autre négociateur fera sans doute de même de son côté. Essayez donc de négocier avec quelqu'un qui est n'est pas d'accord avec son mandant ou qui n'a pas bien compris les instructions qui lui ont été confiées. Trois, bien sûr vous devrez vous mettre d'accord à la table des négociations. Quatre, de retour chez vous, vous devrez convaincre votre mandant de valider l'accord. Et cinq, l'autre négociateur devra faire de même. Et cela implique quelque chose d'important. Si vous dominez une négociation au point de ne rien concéder d'intéressant à l'autre négociateur, alors comment celui-ci fera-t-il pour convaincre son propre mandant? Et peut-être que tout s'écroulera. Donc là ici, l'équité dont vous saurez faire preuve pour trouver un juste équilibre sera aussi une garantie d'efficacité de cette négociation. Pour conclure cette vidéo, j'aimerais insister sur la partie la plus importante pour vous en tant que négociateur. Comment éviter de conclure un accord qui ne respecte pas votre mandat? Parce que ça pour un négociateur, c'est pire que tout. Alors, je vais vous présenter des facteurs qui amènent des négociateurs à ne pas respecter leur mandat, qui les poussent hors des limites de leur mandat. Ces facteurs ont été analysés par des praticiens et des chercheurs. Le plus courant, c'est le manque de préparation. Parce que dans de nombreuses négociations quotidiennes, il n'y a pas vraiment cette première étape formelle avec votre hiérarchie. Vous allez simplement faire votre travail comme cela vous semble le mieux. Vous êtes de facto envoyé à une négociation. Mais cela signifie t-il que vous n'avez pas de mandat et que vous pouvez faire ce que vous voulez? Non. Vous aurez des comptes à rendre, vous êtes responsable de ce qui va se passer là-bas, responsable devant une autorité. Et donc, vous devez identifier par vous-même les lignes rouges etc. Et c'est pour cela que le mandat figure dans la grille de préparation. C'est le deuxième des dix points. Autre facteur typique, l'incompréhension. Certaines expériences, d'ailleurs assez rigolotes, qui démontrent que personne n'a envie de passer pour un débile devant son patron. Donc quand les gens ne comprennent pas trop les instructions qu'on leur donne, parfois il y a une tentation de prétendre que tout va bien, ils ont compris, en espérant que cela n'aura pas trop d'incidence dans la négociation. Alors évidemment, ne tombez pas dans ce piège. Mieux vaut demander conseil avant la négociation. Il en va de même quand le mandat n'est pas très clair. Une fois de plus, prenez la première étape au sérieux et clarifiez le mandat qui vous est confié. Alors là, il y a un facteur plus délicat. On vous confie un mandat totalement irréaliste. Il est clair, vous comprenez, mais il surestime vraiment l'objectif. Vous devez donc négocier le mandat pour qu'il soit plus raisonnable. Autrement dit, il faudra préparer cette première étape pour fournir à votre mandant les informations concrètes et les éléments de justification lui permettant de se rendre compte qu'on va peut-être la jouer de manière un peu plus raisonnable. Et si le mandat est un piège sous forme de carte blanche? Imaginez la situation suivante : votre N+1 vous dit, depuis que tu as suivi ce mooc sur la négociation, tu es vraiment excellent, donc fais comme tu veux, je te fais confiance. Donc oui, vous allez faire de votre mieux, à votre façon, mais le risque existe qu'à la troisième étape, votre patron vous demande, mais qu'est-ce que c'est que ce truc informe là? Ca ne va pas du tout! Vous aurez beau lui répéter qu'il vous a donné les mains libres, qu'il vous faisait confiance, etc., en fin de compte vous savez très bien qui aura raison, c'est lui ou elle. Pour gérer ce risque, mieux vaut faire ce qu'on appelle écrire son propre mandat, c'est-à-dire que dès votre patron vous dit, vas-y, je fais confiance, fonce, vous foncez d'abord dans votre bureau, vous étudiez bien la négociation, vous faites bien votre préparation et là vous rédigez un joli mémo que vous envoyez à votre N+1 en sollicitant son avis, en précisant que la réunion de négociation a lieu jeudi à 10 heures. Si vous avez un retour à cet e-mail, vous avez maintenant un mandat officiel très clair, et en plus c'est vous qui l'avez écrit, donc il est peut-être un peu modifié à la marge, mais en tout cas vous avez maîtrisé dans les grandes lignes. Si vous n'avez pas de retour, cela protège quand même un peu vos arrières, car votre N+1 aura été prévenu de la manière dont vous comptiez gérer la négociation, et pour une part en moins, qui ne dit mot consent. Autre cas classique, le négociateur voulait conclure l'accord à tout prix. Il y a mis tellement de travail, tellement d'ardeur. Et là in fine, l'accord est juste un peu en dehors du mandat, la tentation était grande. N'oubliez pas qu'il vaut mieux aucun accord qu'un accord qui ne respecte pas le mandat. Et c'est une question vraiment pour votre propre sécurité en tant que négociateur. Encore une situation courante, le négociateur n'a pas respecté son mandat car tout simplement il n'a pas su résister à la pression exercée par l'autre partie. Il faut se souvenir que la mission d'un négociateur consiste parfois à savoir dire non quand il le faut, poliment, mais fermement. Vous avez des lignes rouges, il faut les tenir. Et si un nouvel élément intervient en cours de négociation, quelque chose de totalement inattendu? Peut-être que ça rend votre mandat caduc, obsolète, et dans ce cas, mieux vaut demander une pause et consulter votre mandant. Dernière situation vraiment délicate, vous avez reçu un mandat, vous le comprenez, il est clair, mais vous n'êtes pas d'accord avec le mandat. Ce n'est pas tellement une question d'ambition irréaliste, c'est que la manière de s'y prendre, l'orientation générale du mandat, est quelque chose, vous n'êtes pas d'accord avec cela. Là, première approche, il faut essayer de régler ce problème avant la négociation, c'est-à-dire de donner vos arguments, vos justifications. Et si ça ne marche pas, il faut alors tenter de se faire remplacer, avec l'argument selon lequel si vous n'êtes pas convaincu par l'approche choisie, il y a peu de chance que vous soyez convaincant à la table des négociations. Mémorisez bien tous ces points et vous le verrez, vous obtiendrez de meilleurs résultats en négociation tout en protégeant vos arrières en tant que négociateur. Et si vous voulez en savoir un peu plus ou avoir d'autres illustrations, jetez un coup d'oeil au chapitre 7 de l'ouvrage Méthodes de négociation. [AUDIO_VIDE]